Un comité ministériel a été institué afin de se pencher sur les cas de fonctionnaires qui sont sous le coup d’une suspension depuis plusieurs années. Il faut dire qu’il s’agit d’une situation qui semble parfaitement convenir à de nombreux officiers du secteur public.
Des centaines de millions de roupies provenant des fonds publics sont annuellement englouties par des fonctionnaires qui sont sous le coup d’une suspension pour faute grave. Une situation qui arrange plus d’un et à plus d’un titre. Dans bien des cas, un fonctionnaire qui a commis une faute grave, tout en étant en fonction, se retrouve suspendu, avec la quasi-totalité de son salaire pour plusieurs années. Du coup, plusieurs d’entre eux n’hésitent pas à prendre de l’emploi ailleurs ou alors décident de mettre sur pied une petite entreprise. Résultat des courses, un fonctionnaire qui est suspendu peut généralement aspirer à deux types de revenus mensuels.
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L’ancien chef de la Fonction publique, Sateeaved Seebaluck, qui connaît bien le dossier des ‘fonctionnaires suspendus’ pour avoir personnellement piloté un comité en ce sens entre 2010 et 2014 au temps où il exerçait comme Senior Chief Executive (SCE) au ministère de la Fonction publique, nous relate un cas particulier. « J’ai personnellement été témoin d’un cas d’un policier qui a été démis de ses fonctions au bout de deux ans de service. Il s’est ainsi retrouvé sous le coup d’une suspension pendant 24 ans », dit-il au Défi Plus.
C’est loin d’être une simple coïncidence si Sateeaved Seebaluck se retrouve à citer le cas du policier. En effet, selon des informations provenant du ministère de la Fonction publique, il y a, à ce jour, 195 fonctionnaires qui ont été suspendus et 175 d’entre eux ont droit à un « full pay ». Et c’est au sein de la force policière que l’on répertorie le plus grand nombre de fonctionnaires suspendus. 117 plus précisément. 45 proviennent de divers ministères ou autres départements de l’État et 13 autres du milieu carcéral.
Le dernier rapport de l’audit pour l’année financière 2020/2021 a également consacré tout un volet au cas d’un policier suspendu. Ce dernier, qui exerçait également comme Revenue Clerk au Northern District Headquarters, n’avait pas fait état des comptes complets de l’argent qu’il avait collecté et s’est ainsi retrouvé sous le coup d’une suspension depuis avril 2015. Cinq ans plus tard, le bureau de l’audit a tenu à faire remarquer que ce policier en question n’avait pu s’expliquer sur un trou de Rs 31,8 millions, sans compter que l’enquête policière n’avait toujours pas abouti. Le policier a également eu droit à Rs 1,7 million de salaires et d’allocations, pendant toute la durée de sa suspension.
Un tribunal a la psc
Du côté du gouvernement, l’on se dit également préoccupé autour des fonds publics qui sont annuellement décaissés pour financer les salaires des fonctionnaires qui sont sous le coup d’une suspension. Le montant annuel avait été estimé à Rs 250 millions par an en 2016. C’est cette fois-ci sous la présidence du No 2 du gouvernement, Steven Obeegadoo, qu’un comité ministériel a été institué afin de trouver une solution à de telles pratiques. La toute première réunion s’est tenue lors de la semaine écoulée.
Si les discussions sont encore à un stade préliminaire, plusieurs idées seraient en train d’émerger. L’une d’entre elles serait de procéder au rappel des fonctionnaires qui ont été suspendus pour des raisons mineures et ainsi les réaffecter à un autre département. « Le fonctionnaire en question ne sera donc plus payé à ne rien faire », nous dit cette source. Des efforts ont d’ailleurs déjà été entamés en ce sens, car l’on apprend que 71 ‘interdicted officers’ ont été ‘recalled’. 59 sont issus de la force policière, huit du Mauritius Prisons Service et quatre de divers ministères et autres départements.
L’ancien patron de la Fonction publique, Sateeaved Seebaluck, plaide, pour sa part, pour la création d’un tribunal dédié à la Public Services Commission (PSC) et présidé par un magistrat qui est encore en fonction. « Il incombera à ce tribunal de se pencher sur le sort du fonctionnaire en question et de faire des recommandations en ce sens. En parallèle, si un autre tribunal est en train de se pencher sur le cas du fonctionnaire qui a, par exemple, été inculpé pour une affaire criminelle, l’affaire peut continuer », propose l’ancien haut fonctionnaire.
De par son expérience, Sateeaved Seebaluck est arrivé à la déduction que c’est surtout la lenteur au niveau du judiciaire qui fait que plusieurs cas restent en suspens depuis plusieurs années. « Et c’est une situation qui arrange beaucoup de fonctionnaires. Beaucoup de ceux qui font l’objet d’une suspension parviennent, à travers leurs avocats, à identifier les moindres failles du système et ainsi obtenir des renvois année après année », fait-il remarquer. « Nous étions tellement exaspérés par cette situation que nous avions même eu une réunion avec le Chef juge de l’époque pour voir comment faire pour accélérer les cas des fonctionnaires qui ont été démis de leurs fonctions. Je me souviens qu’il s’était montré très réceptif à notre cause et avait essayé de faire bouger les choses », nous raconte-t-il.
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