Dettes. Arrivées en légère progression et profitabilité en baisse, le tourisme - un des piliers de l’économie mauricienne - passe par une phase difficile alors même que c’est la haute saison.
Rs 37,6 milliards Tel est le montant des dettes du secteur hôtelier envers les banques commerciales à fin 2018. Selon les données compilées par la Banque de Maurice, cette somme représente environ 13 % des prêts bancaires octroyés aux entreprises et aux particuliers. Force est de constater que les groupes ont réalisé plus d’emprunts en devises étrangères (58 %) qu’en roupies. Certes, c’est une couverture naturelle dans la mesure où les revenus sont libellés en euros, livres sterling et dollars. Mais un choc majeur viendrait compliquer la donne pour les groupes engagés à divers niveaux dans la restructuration de leurs dettes.
Et la situation pourrait se compliquer davantage si la tendance à la baisse des revenus se poursuit (voir hors-texte). Déjà, les chiffres pour le dernier trimestre de 2018 ne sont pas aussi positifs qu’on ne le croit. Les arrivées pour le mois de décembre en sont la preuve. La hausse n’a été que de 1,6 % pour atteindre 158 043. Or, cette croissance ne vient pas des touristes visitant le pays par avion ; elle a été dopée par un plus grand nombre de croisiéristes.
S’ajoute à cette situation morose la profitabilité des opérateurs qui doit faire face à une fluctuation des devises. New Mauritius Hotels Limited, premier opérateur de cette industrie et également le plus endetté, a annoncé des bénéfices nets en baisse pour les trois derniers mois de 2019. Passant en revue sa performance, le groupe, dont l’enseigne commerciale est Beachcomber, explique : « Ces résultats montrent que pour cette période le groupe a enregistré un chiffre d’affaires comparable à celui de l’an dernier, en dépit d’un euro et d’une livre sterling plus faibles. (…) Les profits après impôts du groupe s’élèvent à Rs 445 millions, contre Rs 483 millions l’année dernière. »
Autre indicateur d’une situation qui risque d’empirer : la chute des arrivées en provenance de La Réunion. Ce marché de proximité a chuté de 5,2 % en 2018, passant à 138 439 visiteurs. Rien qu’au mois de décembre, on note une régression de 7,7 % selon les données de Statistics Mauritius.
On ne peut qu’espérer que ces contrecoups ne soient que passagers. En 2018, le pays a accueilli quelque 1 540 000 visiteurs, un nouveau palier record. Les recettes sont estimées à Rs 64 milliards.
MCB Focus : Attention particulière aux recettes
Le MCB Group Limited, propriétaire de la plus grande banque commerciale mauricienne, estime que l’industrie du tourisme mérite une attention particulière en 2019 tenant compte des arrivées et des « pressions potentielles sur les revenus. »
« Alors que la somme des revenus a augmenté de près de 7 % pour les mois de janvier à novembre 2018 par rapport à la période correspondante en 2017, il est important de noter que les recettes ont (…) chuté pendant les mois de septembre, octobre et novembre 2018 », affirme J. Gilbert Gnany, Chief Strategy Officer du MCB Group Limited dans la dernière édition de MCB Focus. « Cette tendance pourrait être – dans une certaine mesure – associée à une croissance moindre dans les arrivées par avion alors que l’augmentation sur l’ensemble a été associée à une hausse considérable des arrivées par bateau – principalement les croisières – qui, en tant que telles, génèrent moins de revenus que celles par voie aérienne. »
La situation risque de se corser avec une baisse du pouvoir d’achat des touristes venant de nos marchés traditionnels et avec la concurrence régionale.
Taux d’occupation à la baisse
Ce début d’année ne s’annonce guère réjouissant pour les établissements hôteliers malgré la croissance des arrivées touristiques observée en 2018.
« Les premières semaines de janvier ne sont pas très bonnes pour les opérateurs touristiques. » C’est ce que nous a déclaré hier Jocelyn Kwow, Chief Executive Officer (CEO) de l’Association des hôteliers et restaurateurs île Maurice (AHRIM). Cette affirmation fait suite à l’inquiétude grandissante de plusieurs responsables d’établissements hôteliers à Maurice. En effet, selon les chiffres compilés par l’AHRIM, le taux d’occupation moyen pour le mois de janvier, est tombé de 78% en 2018 à 73% en 2019. Et cette situation ne semble pas devoir s’améliorer en février selon les projections effectuées par l’AHRIM. « On prévoit des chutes significatives également pour février et mars », ajoute Jocelyn Kwok, et ce n’est que vers le mois d’avril que l’on devrait noter à nouveau une amélioration. « Avec les autorités concernées, nous sommes en train de suivre la situation de très près et nous allons certainement entamer ensemble des actions visant un redressement plus rapide de la situation », explique-t-il.
Si le nombre de touristes ayant foulé le sol mauricien a connu une croissance de 4,3% en 2018, avec presque 1,4 millions d’arrivées, Jean-Louis Pismont, président de l’AHRIM, soutient que cette progression ne profite pas à tous les opérateurs du secteur. « Avec la démocratisation de ce secteur, force est de constater que les mêmes règles ne s’appliquent pas à tous les opérateurs », soutient le président de l’AHRIM. Il est en effet d’avis que les frais et les règlements appliqués aux établissements hôteliers enregistrés auprès de la Tourism Authority (TA) ne sont pas les mêmes pour le secteur informel. « Il faut savoir qu’il n’y a que 60% des arrivées touristiques qui se dirigent vers les hôtels », fait-il part. Il faut à cela ajouter le phénomène de logement Airbnb. « Alors que ce système de réservation de logement était quasiment inconnu à Maurice il y a quelques années de cela, nous avons aujourd’hui 4000 logements qui sont disponibles à travers le Airbnb », avance-t-il.
Si la préoccupation est bien réelle au niveau de l’AHRIM et des autres établissements hôteliers, le ministère du Tourisme, préfère relativiser : « Il est courant que le taux d’occupation dans les hôtels baisse dans la première période de l’année et c’est pour cette raison que la MTPA a démarré une campagne pour la basse saison. Le Brexit, les gilets jaunes, les foulards rouges, la situation de crise dans d’autres pays en Europe, l’arrêt de Euro Wings qui desservait Maurice de l’Allemagne sont des facteurs exogènes sur lesquels nous n’avons aucun contrôle ». On pointe aussi du doigt, au ministère, le fait que les tarifs pratiqués par les hôtels ont connu une augmentation, « et cela impacte sur notre destination ».
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