
Le barreau mauricien perd un de ses géants : Mᵉ Raymond Marrier d’Unienville, King’s Counsel, décédé lundi. Fort de plus de six décennies de carrière, il laisse derrière lui un héritage juridique exceptionnel, marqué par son intégrité, sa rigueur et son engagement tant dans le droit que dans la vie culturelle et politique de l’île.
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Le King’s Counsel Me Raymond Marrier d’Unienville, pilier du barreau et véritable encyclopédie vivante du droit, est décédé le lundi 18 août 2025 à l’âge de 93 ans. Sa carrière, qui a duré plus de six décennies, restera gravée dans l’histoire judiciaire pour son savoir juridique exceptionnel, son intégrité et sa bienveillance constante.
Né en 1932, il se mariera à Olga Leclézio et deviendra père de cinq enfants. L’habitant de Curepipe effectue ses études secondaires au collège du Saint-Esprit avant de faire des études de droit au Pembroke College d’Oxford. En 1956, il est inscrit au barreau du Middle Temple à Londres, aux côtés de Sir Hamid Moollan, King’s Counsel.
Depuis cette date, il exercera comme avocat à Maurice. En 1987, il est nommé Queen’s Counsel, titre aujourd’hui reconnu comme King’s Counsel. À ses débuts, il plaide en tant qu’avocat « in forma pauperis » dans des affaires de divorce et des dossiers criminels. En janvier 2016, il devient président du Bar Council, succédant à Me Antoine Domingue, Senior Counsel.
Outre le droit, Me Marrier d’Unienville mènera une vie politique intense au sein du Parti mauricien social-démocrate (PMSD), aux côtés de Jules Koenig et Sir Gaëtan Duval, marquant également l’histoire politique mauricienne. Sa disparition laisse un vide dans le milieu juridique, mais son héritage restera gravé dans la mémoire collective. Le Défi Media Group présente ses condoléances à la famille, aux proches et à tous ceux qui ont côtoyé ce monument du droit.
Quelques-uns de ses ouvrages
Me Raymond Marrier d’Unienville, King’s Counsel, a marqué le paysage intellectuel mauricien par ses contributions historiques et juridiques. Membre influent du comité de la Société de l’Histoire de l’Île Maurice, il a dirigé la publication du Dictionnaire de Biographie Mauricienne, rédigeant lui-même de nombreuses notices. Le King’s Counsel est l’auteur de plusieurs publications telles que :
- « Last Years of the Isle of France », 1800-1814
- « Hier, Suffren » (couronné par l’Académie française en 1973)
- « Histoire politique de l’Isle de France », 1803 (en trois volumes)
- « Pour le bicentenaire du Voyage à l’Isle de France de Bernardin de Saint-Pierre – Étude comparative de textes des Harmonies de la Nature relatifs à l’Isle de France »
- « Letters of Sir John Abercrombie », 1810-1811
- « Malartic », 2006
Il était également coauteur de plusieurs ouvrages historiques avec l’historienne britannique Marina Carter, notamment « Nomenclature des décisions de la Cour suprême de l’île Maurice relatives au Code civil, de procédure civile et de commerce ». Grâce à cet ouvrage, il a été admis comme « Maître ès-Jeux » à l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse.
Nœud papillon et panama à la main
Me Raymond Marrier d’Unienville (KC) a toujours été très pointilleux sur sa tenue vestimentaire. Il portait un nœud papillon au lieu d’une cravate. Le King’s Counsel sortait toujours avec son panama à la main et son costume assorti, symbole de son raffinement et de son élégance.
Les affaires qui ont marqué sa carrière
Me Raymond Marrier d’Unienville (KC) s’est illustré dans des dossiers judiciaires retentissants. Il a été l’avocat de Me Satyajit Boolell, Senior Counsel et ancien Directeur des poursuites publiques, dans l’affaire Sun Tan, et a contesté la mise sous tutelle de son bureau face à l’Attorney General. Le King’s Counsel a également représenté la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) dans le litige l’opposant à la syndicaliste Rehana Ameer à la suite de son licenciement. En 2005, il a défendu l’Independent Commission Against Corruption (Icac) dans un contentieux impliquant l’ancien ministre de la Bonne Gouvernance, Roshi Bhadain, après son limogeage de l’Icac en décembre 2003. Enfin, en 2002, il a pris en charge la défense du diocèse dans l’affaire des sièges réservés dans les écoles catholiques, opposant le syndicaliste Suttyhudeo Tengur à l’Église.
Me Satyajit Boolell : « C’est un géant de la profession »
« C’est un géant, un avocat intègre, honnête et hors pair », affirme l’ancien Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Satyajit Boolell, Senior Counsel. Selon lui, Me Raymond Marrier d’Unienville inspirait le respect, autant comme ténor du barreau que comme « grand historien ».
Il rappelle son indépendance inébranlable : « Il a montré ce qu’est le rôle de l’avocat, ‘without fear and favour’. » Me Satyajit Boolell évoque aussi l’épisode de l’affaire Sun Tan, où « ce grand professionnel » l’a défendu « corps et âme » face à une injustice lorsqu’on a voulu l’arrêter. « Devant l’enceinte de la Cour suprême, il a clamé haut et fort qu’il n’avait jamais vu une telle injustice envers le bureau du DPP », se souvient-il.
Pour l’ancien DPP, le King’s Counsel a toujours défendu la séparation des pouvoirs et l’État de droit. Humble et généreux, il restait accessible aux jeunes avocats comme aux personnes dans le besoin. « Peu d’hommes sont comme lui. Il a toujours combattu l’injustice et œuvré pour la grandeur de la profession », insiste-t-il.
Il rappelle qu’en 2022, le bureau du DPP a décerné à Me Raymond Marrier d’Unienville, aux côtés de Me Sir Hamid Moollan, KC, une médaille de distinction en reconnaissance de son apport exceptionnel à la profession légale.
Me Ayesha Jeewa: « Il était un parfait gentleman »
Me Ayesha Jeewa, avouée, garde en mémoire l’image de son professeur élégant, nœud papillon et panama toujours impeccables. Elle l’a côtoyé dans les années 1980 lorsqu’il enseignait l’évolution du droit civil mauricien.
Elle se souvient de lui comme quelqu’un qui mesurait ses paroles et qui s’exprimait avec une éloquence inégalée. « Il avait une bonne maîtrise de l’histoire du droit et des différents codes civils que nous avons eus à Maurice », dit l’avouée.
« Il restera dans notre mémoire comme un parfait gentleman. Les générations qui l’ont connu se rappelleront toujours ce géant que le judiciaire a perdu », conclut-elle.
Me Sanjeev Teeluckdharry : « Un homme d’exception »
Pour Me Sanjeev Teeluckdharry, qui l’a eu comme professeur à l’université de Maurice de 1995 à 1998 et comme mentor à ses débuts, Me Raymond Marrier d’Unienville était un « éminent juriste » et un « grand historien ».
« Intègre, intelligent et franc, il n’a jamais eu peur de dire les choses telles qu’elles sont », affirme-t-il. Il ajoute qu’il était aussi reconnu pour son franc-parler et sa détermination, faisant de lui un redoutable adversaire. « C’était un homme d’exception », dit-il. Il confie avoir paru à ses côtés mais aussi face à lui dans de nombreuses affaires, tant à la Cour suprême que devant le Privy Council.
Me Sanjeev Teeluckdharry se souvient de l’affaire des sièges réservés dans les écoles catholiques en 2003 : lui représentait, avec Mes Alan Newman, Queen’s Counsel et Nandraj Patten, le syndicaliste Suttyhudeo Tengur, tandis que le diocèse était défendu par Me Raymond Marrier d’Unienville.
Autre exemple marquant : l’affaire Premchandra Bissoonauth en 2007, où son ancien professeur représentait The Sugar Fund Insurance Bond alors Premchandra Bissoonauth avait retenu ses services ainsi que celles d’Alain Newman. Il estime que Me Raymond Marrier d’Unienville a profondément marqué la jurisprudence civile et commerciale.

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