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Financement des partis politiques : ce qui change

Pravind Jugnauth Le Premier ministre Pravind Jugnauth, entouré du Deputy Prime Minister Ivan Collendavelloo et de l’Attorney General Maneesh Gobin lors d’un point de presse, le vendredi 30 novembre.

De nouveaux pouvoirs à l’Electoral Supervisory Commission, l’élimination des « baz », une révision du plafond des dépenses ainsi que des conditions d’éligibilité pour recevoir le financement de l’État. Voilà en quoi consiste les propositions du gouvernement pour mieux réguler le financement des partis politiques, présentées par le Premier ministre Pravind Jugnauth.

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Enregistrement des partis politiques

Tous les partis politiques seront appelés à s’inscrire auprès de l’Electoral Supervisory Commission (ESC).

Financement privé

Les partis politiques seront autorisés à recevoir des donations provenant d’individus ainsi que de compagnies privées, à condition qu’elles soient sujettes aux règles en matière de divulgation et de transparence.

Les trésoriers des partis politiques devront s’assurer que les donations en argent soient versées sur un compte en banque.

Les partis politiques dont les revenus ou dépenses sont supérieurs à Rs 1 million devront s’assurer que leurs comptes soient audités. Les rapports des auditeurs sur les comptes des partis politiques devront être soumis à l’ESC deux mois après la fin de chaque année financière. Les comptes ne donneront cependant aucune indication sur l’identité des donateurs.

Les montants obtenus des individus et des compagnies privées seront notés dans un registre. Leurs noms, leurs adresses ainsi que la date des donations devront y être indiqués.

Les compagnies devront au préalable obtenir l’aval de leurs actionnaires concernant les montants à être offerts aux partis politiques. Elles devront par ailleurs révéler les montants des donations dans leurs rapports annuels.

Les dons en espèces ne seront pas régulés.

Financement par l’État

Le commissaire électoral sous la supervision de l’ESC sera appelé à gérer un Political Activities Public Financing Fund. L’argent injecté dans ce fonds sera validé par l’Assemblée nationale et l’ESC aura à sa charge le financement des partis politiques et des candidats qualifiés.

Pour être éligible au financement de l’État, un candidat devra avoir obtenu 10 % de votes exprimés dans sa circonscription. En ce qu’il s’agit des alliances, l’argent sera versé à l’alliance et non aux partis politiques la composant. L’ESC disposera d’une période de six mois, une fois les résultats des élections proclamés pour décaisser les fonds aux alliances, partis et candidats éligibles.

Les formations politiques ne souhaitant pas bénéficier du financement de l’État devront, elles aussi être en conformité avec les nouvelles lois et se plier aux exigences de l’enregistrement et du financial accounting and reporting.

Les donations venant des groupes religieux, des institutions gouvernementales ou des compagnies étatiques seront interdites. Celles qui sont anonymes ne seront pas autorisées non plus. De même que celles provenant de personnes qui n’ont pas la nationalité mauricienne et de compagnies étrangères. Toutefois, les donations des citoyens mauriciens vivant à l’étranger seront autorisées et aucun plafond ne sera fixé à cet effet.

Les limites autorisées

Une formation politique ne pourra décaisser plus de Rs 1 million par circonscription pour les élections générales et le candidat d’un parti Rs 1 million alors qu’un candidat indépendant ne pourra dépenser plus de Rs 1,5 million au lieu de Rs 250 000 comme c’est actuellement le cas.

Pour une élection municipale, un candidat pourra dépenser Rs 300 000 au lieu de Rs 50 000. Un candidat briguant les élections villageoises pourra, lui, dépenser Rs 200 000 au lieu de Rs 50 000.

Les candidats prenant part aux élections régionales de Rodrigues seront, eux, autorisés à dépenser Rs 200 000 au lieu de Rs 100 000.

Les pouvoirs de l’ESC

L’ESC sera habilité à inspecter les comptes et enquêter sur les finances des formations politiques. Elle sera également en mesure de recommander des actions judiciaires si la loi n’était pas respectée.

La commission devra soumettre un rapport sur les comptes des partis politiques à l’Assemblée nationale dans une période de quatre mois après la fin de chaque année financière ou quatre mois après une année électorale.

Sanctions

Le non-respect de la loi pourra être sanctionné sous forme d’amendes ou alors d’un arrêt ou une réduction des financements publics.

Le droit de regard des contribuables

Quelle formule pour assurer un meilleur financement des formations politiques ? L’État doit-il financer la campagne des politiques ? Éléments de réponse.

« Oui, il faut davantage de contrôle, mais il faut aussi que le contribuable soit tenu au courant de la manière dont le financement de l’État sera dépensé. » C’est l’avis de Vasant Bunwaree, ancien ministre des Finances. S’il est en faveur d’une meilleure réglementation du financement des partis politiques, il considère toutefois qu’à travers cette formule où l’État s’engagerait à financer les formations politiques, le contribuable ne peut être tenu à l’écart. « Il est impératif que le citoyen ait un droit de regard sur la manière dont un parti politique ou un candidat utilise ce financement », avance-t-il.

Vasant Bunwaree se demande aussi si la formule proposée par l’État réduira véritablement le fossé entre les petites formations politiques et les partis traditionnels. « Cela va-t-il permettre aux formations politiques qui ne disposent pas de financements adéquats d’émerger ? Personnellement, j’en doute », souligne-t-il.

Fardeau financier  supplémentaire

Faizal Jeeroburkhan, de Think Mauritius, affirme, pour sa part, qu’il est injuste d’imposer aux contribuables un tel fardeau financier. « Le financement par l’État proviendra de l’argent des contribuables. On demande déjà au peuple de payer les per diems des élus, leurs missions à l’étranger, leurs salaires ainsi que d’autres privilèges auxquels ils ont droit », poursuit-il.

Selon lui, si l’État finit par financer les candidats ou autres formations politiques, l’électeur devra en retour « avoir droit à de bien meilleures performances » de la part de ses élus.

Un bon mécanisme de contrôle

L’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low fait, quant à lui, ressortir que le financement des politiciens et des partis politiques par l’État, est une pratique qui a déjà cours à l’étranger. « Ce mécanisme permet un meilleur contrôle », soutient-il. Toutefois, ajoute-t-il, c’est au niveau du financement provenant du secteur privé qu’il faut un « meilleur mécanisme ». « Car le but est de faire de sorte à ce qu’aucun parti politique ne devienne l’otage de tel ou tel groupe », dit-il.

Jocelyn Chan Low plaide parallèlement pour que l’autorité régulatrice obtienne davantage de pouvoirs, afin de réguler tout ce qui touche au financement. Ainsi, si l’Electoral Supervisory Commission (ESC) est appelée à jouer un rôle plus important à l’avenir, il faut, selon lui, que la nomination de ses membres se fasse en toute transparence et que les personnes qui y travaillent soient au-dessus de tout soupçons.

Éliminer le financement massif

Jack Bizlall, du Muvman Premye Me, estime que l’État a le devoir de financer les campagnes électorales des candidats. Cependant, affirme-t-il, il faut s’atteler uniquement à « l’essentiel ». C’est-à-dire, les fonds ne doivent nullement être utilisés à financer la location des voitures et autres emplacements. « Il y a des partis politiques qui ne peuvent publier leurs programmes en raison d’un manque de liquidités. Surtout en ce qu’il s’agit de la réalisation de leurs manifestes électoraux. Le financement des candidats par l’État aidera certainement la substitution de la parole par les écrits », déclare Jack Bizlall.

Quel serait le mode de financement des candidats qui obtiendrait son approbation ? Le porte-parole du Muvman Premye Me fait ressortir que chaque parti doit financer la campagne de ses candidats. « On doit pouvoir éliminer le financement massif lors de la tenue des scrutins. Le passé doit servir d’exemple », conclut Jack Bizlall.

 

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