Fanfan, connu à l’état civil sous le nom de Louis Gabriel Joseph, nous a quittés, le samedi 18 août. Un des piliers du sega tipik, il emporte avec lui une parcelle d’histoire dans la tombe. Ses empreintes musicales résonneront à jamais. Le souhait de nombreux artistes est de perpétuer l’héritage de Fanfan.
«Mon père n’a bénéficié d’aucun accompagnement jusqu’à sa mort. C’est triste que sa contribution dans le domaine musical n’a pas été reconnue à sa juste valeur », s’exclame Annabella Henry, l’un des 11 enfants de Fanfan. Ce dernier a consacré toute sa vie au sega tipik et à la ravanne. Sa fille raconte que Fanfan était encore enfant quand il a découvert le sega tipik. « Il était émerveillé par la façon dont un certain monsieur Pitchuk jouait de la ravanne. Il le contemplait. À l’âge de 11 ans, il s’est mis à jouer de cet instrument. Depuis, une merveilleuse histoire d’amour est née entre eux. Il disait qu’il fallait préserver le sega tipik, qui est l’héritage de ses ancêtres », se remémore Annabella. Fanfan n’a pas tardé à venir avec des compositions. Ce natif de Mahébourg a fait partie du groupe Mazavarou.
Le séga résonne dans le cœur des nombreuses personnalités qui l’ont côtoyé. Serge Lebrasse, 88 ans, a eu l’occasion de jouer aux côtés de Fanfan à maintes reprises. Il confie que Fanfan est un monument du sega tipik après Ti-Frer. « Contrairement à d’autres ségatiers, Fanfan n’utilisait pas des insultes dans ses chansons. Il préférait l’humour. J’ai beaucoup appris de lui. Aujourd’hui, nous pleurons sa disparition. Je ne suis pas certain si les jeunes pourront conserver le riche héritage que Fanfan nous a légué. Heureusement que ses deux filles suivent ses traces », dit-il.
Rama Poonoosamy, son ami de longue date, garde de lui le souvenir d’un personnage au caractère inimitable. « Fanfan, c’était une mémoire d’éléphant qui vous déverse en cascade contes, chansons, sirandanes, jurons ». Il le décrit comme le piment de la culture mauricienne. « Avec ses mains et ses doigts, l’oreille attentive, son talent et ses tripes, Fanfan éveillait et excitait la ravanne ». Séga typique, chansons engagées, dignité des travailleurs et justice sociale, Fanfan était l’espoir d’une île Maurice meilleure, nous dira Rama qui le connaît depuis 40 ans. « Le jeudi avant sa mort, je reçois un appel de l’hospice. La personne au bout du fil me dit : Fanfan dir ou li pe mor vinn guet li ».
Rama Poonoosamy confie qu’il y a trois ans, Fanfan l’avait approché pour lui demander de le placer dans un home. « Je voulais ce qu’il y avait de meilleur pour lui et chaque mois, je me faisais un devoir de lui rendre visite », confie-t-il. C’est en 1974 qu’il fait la rencontre de Fanfan, un chanteur engagé avec qui il s’est vite lié d’amitié. « Je ne manquais pas ses anniversaires et chaque 2 janvier avec les membres de ma famille, nous étions invités à déjeuner chez lui. »
« Je l’aurais appelé Franfran plutôt que Fanfan », lance Percy Yip Tong. « Il était connu pour son franc-parler, sa positivité et sa joie de vivre malgré une certaine aigreur ». Percy l’a connu il y a de cela 33 ans. « Il disait tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas et on le traitait d’emmerdeur. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle il n’a pas sorti d’albums. Il n’était pas tout le temps sollicité pour les événements. Il n’était pas de ceux qui faisaient de la musique pour de l’argent mais préférait écrire des chansons à textes. C’est ce qui faisait toute l’authenticité de sa musique. »
Fanfan n’était pas un ségatier comme les autres, il était un conteur-ségatier qui maniait magnifiquement la langue créole. « La dernière fois que j’ai pu le faire jouer c’était pour le bicentenaire de la bataille du Vieux Grand-Port. Je l’avais accompagné à la ravanne. Le séga le faisait toujours revivre. Il me disait souvent avec humour : To pa ene sinwa twa to bat ravanne », raconte Percy avec nostalgie.
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