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Esclavage : l’histoire enchaînée

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En ce 1er février, Maurice commémore le 184e anniversaire de l’Abolition de l’esclavage. Depuis, plusieurs projets ont été mis en avant pour honorer la lutte de nos ancêtres, notamment l’inscription du Morne sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 2008. Mais le Musée intercontinental de l’esclavage peine à sortir des terres. Entre-temps, l’appel d’offres pour la mise en place d’un « Open Air Museum » à Trou-Chenille est lancé.

Le Dr Jimmy Harmon livre ses impressions sur le retard dans la mise à exécution du Musée intercontinental de l’esclavage.
Le Dr Jimmy Harmon livre ses impressions sur le retard dans la mise à exécution du Musée intercontinental de l’esclavage.

«D’après le plan de travail du projet, l’année 2019 aurait dû être celle de la fin de la première phase avec l’inauguration d’une première aile dans le bâtiment de l’ancien hôpital militaire », indique le Dr Jimmy Harmon, porte-parole du Komite Diosezin Premie Fevriye (KDPF), sur le projet du Musée intercontinental de l’esclavage. Il revient sur les causes du retard dans ce projet approuvé par les gouvernements successifs depuis 2011. « On est encore au point zéro. Le Musée de l’esclavage est l’une des 290 recommandations de la Commission Justice et Vérité en 2011. Il y a eu la décision du Cabinet de 2016, le discours du Budget et les différents discours de nos dirigeants qui ont pris des engagements fermes à chaque 1er février au pied de la montagne du Morne. Voyant que les choses n’avançaient pas, le Komite Diosezin Premie Fevriye et le Centre for Research on Slavery and Indentured Labour (CRSI), attaché à l’Université de Maurice, ont chacun à leur niveau et à leur manière alerté les personnes en position de responsabilité. Le seul hic est qu’on n’a pu avoir un entretien direct avec le Premier ministre Pravind Jugnauth pour lui faire part de toute cette saga. On a eu affaire à des intermédiaires », fait comprendre le Dr Harmon.

Il indique qu’en 2020, un rendez-vous avec des chercheurs européens et du Sud se tiendra à l’Université de Maurice. Il ajoute que la réputation de Maurice auprès de la communauté scientifique internationale risque de prendre un sérieux coup, « avec certains gens n’ayant comme seule préoccupation que de faire couper un ruban par le ministre. Un projet d’une telle envergure ne peut être laissé entre les mains de techniciens du ministère des Arts et de la Culture. Ils travaillent sous haute pression avec le nombre d’activités interminables. Mais il s’agit d’un projet différent. On est dans le domaine de la réparation culturelle. Ainsi, ce n’est pas le musée qui compte mais tout le processus de la mise en place du musée. Il faut un va-et-vient entre les experts et la communauté », insiste notre interlocuteur.

«Dépossédés de tout»

Le Dr Jimmy Harmon explique que le Musée intercontinental de l’esclavage se veut bien plus qu’un musée avec des objets. « C’est plus un mémorial.  Ce type de musée porte sur les catastrophes humaines telles que l’esclavage, l’holocauste et le déplacement des habitants comme le District Six museum à Cape Town. C’est aussi la raison pour laquelle il y a du retard dans la mise à exécution du projet. Mais c’est inexcusable, car les membres du CRSI ont à plusieurs reprises attiré l’attention du ministère qu’il se trompait de musée », dit-il. Il ajoute d’ailleurs que les esclaves étaient dépossédés de tout. « Pour trouver les objets, il faut entreprendre des fouilles archéologiques comme cela a été fait par exemple à Moulin-à-Poudre récemment par le National Heritage Fund avec l’apport du  CRSI. Vous n’obtiendrez pas des objets comme on l’entend avec les personnes », soutient le porte-parole.

D’autre part, le Dr Harmon indique que la mise en place d’un village d’esclaves modèle à Trou-Chenille est tout à fait dans la ligne des recommandations de la Commission Justice et Vérité. Il cite un extrait du rapport « That the area known as Trou-Chenille be officially recognised as a site of former settlement by inhabitants, many of whom are descendants of slaves having lived there for generations (and not as squatters) and that their removal be recognised as ‘forced removal”. » Il trouve qu’un tel projet a plus de chances d’avancer car il est géré directement par Le Morne Heritage Trust Fund. « L’esprit d’un Trust, avec une bonne équipe de direction, donne la possibilité, avec l’autonomie nécessaire, de réaliser des choses ».


Appel d’offres pour un musée en plein air au village Trou-Chenille

Trou-Chenille
Le site à Trou-Chenille sera doté de huit cases en bois.

Le projet du Morne Heritage Trust Fund de recréer un ancien village à Trou-Chenille commence à prendre forme. En effet, l’organisme public a lancé un appel d’offres sur leur site. La date limite est le 6 février à 13h30. Selon les documents disponibles sur le site du Morne Heritage Trust Fund, la construction de ce qui prendra la forme d’un musée en plein air au cœur du village de Trou-Chenille au Morne devra être complétée dans six mois. Ce projet se situera dans la zone du Morne figurant au patrimoine mondial.

Selon le document, ce village devrait contenir huit cases traditionnelles entre 16 et 20 mètres. Chacune de ces cases en bois, dont la base sera en béton afin de pouvoir résister aux intempéries, se composera aussi de fenêtres en bois dont les ouvertures seront en raphia. L’une des cases accommodera une cuisine commune où seront préparés des repas traditionnels, invitant ainsi touristes et visiteurs à s’imprégner de l’ambiance de l’époque.

Selon le plan disponible sur le site, le projet qui s’étale sur un hectare abritera un espace vert commun et chaque case aura une utilité, certaines abriteront des jeux traditionnels, « langar kreol » pour les fermiers, un coin pour la narration de contes, un espace pour les danses de séga, une cuisine traditionnelle, un guérisseur traditionnel, deux chambres mais aussi un jardin de plantes médicinales.


Marche silencieuse

Le Komite Diosezin Premie Fevriye organise une marche silencieuse ce vendredi 1er février. Il se rassemble à 8h00 au supermarché de La Gaulette pour se rendre à l’église de la localité où se tiendra la messe pour la commémoration de l’Abolition de l’esclavage. « La situation actuelle fait aussi du bien. Elle fait germer une prise de conscience profonde chez les créoles qu’on a pu toucher. Ainsi, nous la plaçons sous l’égide de la décennie des Peuples d’ascendance africaine que les Nations unies ont proclamée pour 2015 à 2024. Cette marche est avant tout une marche à la mémoire de nos ancêtres. Elle exprime aussi notre conviction profonde du potentiel immense que le Musée intercontinental de l’esclavage représente en matière de reconnaissance de l’identité créole et africaine, sens de la justice et la participation dans le développement du pays », explique le Dr Harmon.

 

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