Législatives 2019

Élections générales : «Où sont les femmes?»

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Alors que les femmes constituent 50,6% de l’électorat et malgré les multiples promesses des leaders politiques, les femmes sont largement sous-représentées comme candidates au scrutin du 7 novembre. Il n’y a pas si longtemps, les principaux leaders politiques étaient d’accord pour introduire un quota de femmes candidates dans chaque circonscription.

Catherine Boudet, politologue.
Catherine Boudet, politologue.

Le Constitution (Amendment) Bill, introduit au Parlement le 4 décembre 2018, indiquait que « chaque parti ou alliance ne présentera pas plus de deux tiers de candidats du même sexe ». Même chose pour la liste de candidats à la proportionnelle. Cette clause n’avait été contestée par personne et avait même eu l’approbation des trois principaux leaders politiques, Navin Ramgoolam, Paul Berenger et Pravind Jugnauth, qui avait présenté le texte de loi en tant que Premier ministre. Les trois briguent le poste de Premier ministre.

Si le texte de loi n’a finalement pas été voté, pour diverses raisons, le constat est qu’aucune des trois formations politiques n’a finalement eu le courage d’aligner au moins un tiers de femmes sur sa liste de candidats. On en est même très loin.

Le MMM compte présenter douze candidates sur 60. L’alliance morisien (MSM/ML et autres) en alignera le même nombre, alors que le Parti travailliste prévoit d’en placer une dizaine également. Même si une telle situation représente une amélioration par rapport aux élections du 10 décembre 2014 où l’alliance PTr/MMM avait choisi douze candidates contre neuf chez l’Alliance lepep.

« Nous en sommes à peu de chose près aux mêmes chiffres qu’aux dernières élections », déplore la politologue Catherine Boudet. Le peu d’engagement féminin découle, selon elle, du fait que le système politique mauricien est très patriarcal. Elle note aussi une différence entre ce qui est dit et ce qui est fait.

Aujourd’hui, on considère que faire de la politique, c’est pour le gain personnel et non plus un engagement pour la société. Cela décourage ceux qui veulent faire de la politique propre. »

« Il y a des déclarations d’intention de la part des leaders politiques, car c’est dans l’air du temps. Il y a une volonté qui provient de la société. Donc, il y a un discours qui est fait pour plaire à l’opinion publique, mais quand il s’agit de passer à la mise en œuvre, c’est autre chose. Clairement, cela montre la difficulté pour un système politique qui reste très rigide dans un cadre de pensée et dans la mise en œuvre », dit-elle.

Puis, affirme Catherine Boudet, l’environnement social de la femme ne l’encourage pas à entrer en politique. « Si une femme veut faire de la politique active, elle doit dégager pas mal de temps par rapport à ce que la société lui demande. »

Manisha Dookhony
Manisha Dookhony, citoyenne engagée et membre de la Mauritius Society Renewal.

Manisha Dookhony, citoyenne engagée et membre de la Mauritius Society Renewal, déclare qu’il y a « un grand décalage entre ce qui est proposé et la réalité du terrain. Un quota serait déjà une base car cela oblige à avoir un nombre de participantes. Mais s’il faut un quota, c’est surtout par rapport au nombre de femmes au Parlement. »

Manisha Dookhony souligne aussi le fait que le monde politique est un monde d’hommes avant tout et celui-ci laisse peu de place à la femme. « Les bases, les réunions nocturnes et autres activités sont très spécifiques à Maurice. Ce sont des choses que l’on ne retrouve pas ailleurs. »

Pourtant, dit-elle, l’envie est là. « Les femmes sont très engagées à Maurice, mais dans le social, au sein des ONG. Et cet engagement est d’ordre politico-social. Cela démontre que la femme veut avoir un rôle actif au sein de la société. Et entre le politico-social et le social, il n’y a qu’un pas. Cependant, à Maurice, le contexte politique jouit d’une très mauvaise perception et cela les décourage. »

La perception veut que la politique ne soit plus un engagement pour améliorer le bien commun, mais plutôt quelque chose d’éminemment personnel. « Aujourd’hui, on considère que faire de la politique, c’est pour le gain personnel et non plus un engagement pour la société. Cela décourage ceux qui veulent faire de la politique propre », souligne Manisha Dookhony.

Et les chiffres sont accablants. Alors qu’un peu plus de la moitié des électeurs sont féminins, le Parlement est actuellement constitué à 11 % de femmes et le conseil des ministres à 8 %.

Or, depuis 2011, la Local Government Act a été amendée. Elle oblige chaque parti ou alliance d’aligner au moins une femme par arrondissement.


Monique Dinan : «La femme doit avoir de la compétence et un bon sens civique»

Monique DinanLe MSM et le MMM présentent chacun douze femmes sur soixante candidats pour le scrutin du 7 novembre. L’alliance PTr/ PMSD en alignera également une dizaine. Qu’est-ce que cela traduit ?
Le plus important, c’est que nous ayons des femmes valables pour être des candidates. Trop souvent, les femmes elles-mêmes ne sont pas confiantes. De nos jours, les gens ne regardent pas s’il faut voter les femmes mais ils ne voient que le parti. Il y a aussi le fait que certaines femmes veulent être des candidates, mais elles savent aussi que le combat est très difficile, car c’est essentiellement un monde d’hommes.

Pourquoi est-ce si difficile pour les femmes de faire de la politique ? 
Les implications et conséquences pour leur vie de famille sont énormes. Elles doivent souvent être sur le terrain et lors de la campagne électorale, elles doivent passer énormément de temps sur le terrain. Puis, si elles sont élues, alors elles vont mener une vie bien remplie. Celles qui veulent être des candidates doivent avoir beaucoup de courage. Car, leur vie sera bouleversée si elles sont élues. Elles doivent rester constamment disponibles pour leurs mandants. 

Encouragez-vous les femmes à faire de la politique ? 
Oui, je les encourage à entrer dans la politique active. Les femmes doivent faire de la politique. Mais elles doivent avoir de la compétence, l’honnêteté et surtout un bon sens civique. 

On voit que malgré les beaux discours des leaders politiques, peu de femmes entrent dans l’arène. Introduire des quotas serait une bonne chose ? 
Établir des quotas n’est pas si important que cela à mes yeux. Il faut surtout faire en sorte qu’il y ait des femmes valables et compétentes pour faire de la politique. 

  • salon

     

 

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