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Ehsan Juman : l’ascension inspirante d’un zanfan Crown Land

Ehsan Juman prête serment en tant que Deputy Chairman of Committees, le 29 novembre 2024. Il a également exercé la fonction de Lord-maire adjoint. Le jeune Ehsan Juman avec sa mère Nazma et sa petite sœur Samima.

Issu d’un milieu précaire à Montagne-Longue, Ehsan Juman a construit son parcours entre débrouillardise, travail acharné et sens du service. Aujourd’hui député, il continue d’agir au plus près des réalités qu’il a lui-même connues.

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Né dans une extrême précarité sur un Crown Land de Notre-Dame, Montagne-Longue, Ehsan Juman a bâti, à force de labeur, d’intuition et de convictions, un empire du bois pesant un milliard de roupies.

Aujourd’hui député travailliste élu avec le score le plus élevé du pays, il reste pourtant d’une humilité rare et consacre l’intégralité de son salaire de député aux plus démunis. Portrait d’un enfant du peuple qui n’a jamais oublié d’où il vient.

« Je n’ai jamais eu peur de travailler », dit-il. Le soleil n’était pas encore levé que le petit Ehsan Juman se préparait déjà à accompagner son père arpenter les chemins de Notre-Dame, un panier de légumes à la main. Il n’a pas dix ans qu’il vend déjà tomates, « bred » et piments avec sa sœur Samima, et rend compte au planteur avant de ramener le maigre bénéfice à la maison.

Il n’avait pas le choix. Son père, laboureur de métier, s’était retrouvé immobilisé après un grave accident alors qu’Ehsan était en Standard III (Grade 3). Sa mère Nazma, ouvrière d’usine, enchaînait les journées interminables pour subvenir tant bien que mal aux besoins de ses trois enfants. Leur terrain n’était pas à eux : c’était un Crown Land, sans eau ni électricité. Pour laver le linge, la famille se rendait à la rivière ; pour l’eau potable, il fallait emprunter celle du voisin. Pour faire la cuisine, Eshan Juman, enfant, puis adolescent, ramassait du bois sur la montagne.

« Ces moments m’ont forgé, raconte-t-il avec un mélange de gravité et de reconnaissance. J’ai appris le prix du sacrifice, la valeur du travail honnête et l’importance de chaque sou. »

L’école comme ultime espoir

Malgré la misère, ses parents avaient une seule obsession : l’éducation. « Mon père répétait toujours : ‘Nous sommes pauvres, mais il faut que vous ayez une bonne éducation.’ » Ce credo devint l’étoile polaire d’Ehsan Juman.

Admis au collège Islamic à Port-Louis après le primaire, il jongle entre les cours et la vente de légumes. Le jour sur les bancs de l’école, l’après-midi et le week-end sur les routes de la campagne, panier au bras.

Lors de son School Certificate, il rédige en Commerce ce qu’il connaît : la vente, la négociation, le marketing... des légumes. Il termine premier mondial dans cette matière au niveau Cambridge. « C’était incroyable ! J’ai prouvé qu’on peut transformer la pauvreté en connaissance. »

N’ayant pas été retenu dans la fonction publique comme policier ou douanier, il prend de l’emploi chez J. Kalachand comme vendeur. Il confie que cela a marqué un tournant dans sa vie professionnelle, avec comme mentors Ramesh et Ashok Kalachand. Ehsan Juman en parle comme de la plus prestigieuse des universités.

Il arrive tôt, reste jusqu’à tard, écoute et apprend auprès des managers les rouages du métier : les stratégies de vente, les techniques de présentation des produits, la relation client… « J’étais fier de pouvoir contribuer. Et j’observais tout : comment on faisait le ‘display’, quelles étaient les stratégies de vente, comment les clients réagissaient. C’était une université du commerce en plein air. » Cette curiosité insatiable, cette volonté d’apprendre toujours et partout allaient devenir sa marque de fabrique.

L’amour et la persévérance

C’est lors d’un mariage qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse, Safinaz. Le couple s’installe sur le Crown Land. Il construit sa maison pièce par pièce, brique par brique. « C’était encore des sacrifices énormes, mais nous avions la foi et l’amour. »

C’est d’ailleurs en construisant sa barrière qu’il flaire une opportunité : une pénurie de bois sévissait sur le marché. Il réussit à en acheter en grande quantité, le revend à un bon prix via une quincaillerie, et réalise un premier bénéfice significatif.

Beaucoup se seraient arrêtés là. Pas Ehsan Juman. Il comprend qu’il tient un filon. Il rachète du bois, revend, réinvestit. Ses premiers moyens de livraison ? Une moto empruntée. « J’allais livrer moi-même. Je n’avais pas peur du ridicule. Comptable, marketing, courtier maritime, service après-vente… Je faisais tout. Rien ne me faisait peur. Mon objectif était clair : réussir et nourrir ma famille. »

Son flair fait le reste. Là où ses concurrents offrent quatre semaines de crédit, lui en propose six. Il collecte les paiements chaque semaine pour réinvestir. Ce système de rotation du capital lui permet de se développer à grande vitesse. C’est ainsi que naît le Chantier de Notre-Dame, aujourd’hui l’un des plus gros fournisseurs de bois de l’île, avec un chiffre d’affaires d’environ un milliard de roupies.

« Rester humble et honnête »

Mais le succès ne lui fait pas perdre pied. « Je n’oublie jamais d’où je viens. Je reste un enfant de Notre-Dame. Je connais la faim, le froid, la peur du lendemain. Je n’oublierai jamais cela. »

Son parcours social et ses succès entrepreneuriaux le conduisent naturellement vers la politique. Il s’y engage, d’abord comme Deputy Mayor de Port-Louis : « Je voulais comprendre le système, apprendre, mais surtout aider. »

Élu député travailliste de la circonscription n˚3 en 2024, il réalise un exploit électoral : 80,33 % des voix. Mais pour lui, ce résultat n’est pas une victoire personnelle : « C’est la preuve qu’il faut être proche des gens. Ils m’ont choisi parce qu’ils savent que je ne mens pas. »

D’ailleurs, pour lui, l’honnêteté est plus qu’une valeur : c’est une exigence vitale. « C’est ma règle numéro un en politique. On peut tout pardonner à un politicien sauf le mensonge et la trahison. » D’ailleurs, révèle-t-il, « mon père me disait : ‘L’honnêteté est la seule richesse qu’on peut toujours porter’ ». Cette règle de vie est la pierre angulaire de ses affaires comme de sa politique : « Tu peux perdre tout ton argent, mais si tu as ta réputation et ton honnêteté, tu peux tout reconstruire. »

Cette sincérité peut surprendre, voire déranger : « Je dis toujours ce que je pense. Je ne fais pas semblant. Certains aiment, d’autres non. Mais je dors tranquille.»

Un député pas comme les autres

Aujourd’hui encore, il se définit comme un député du peuple. Pas d’apparat, pas de barrière. « Si je suis député, c’est grâce au peuple. Je n’ai pas le droit de tourner le dos à ceux qui m’ont fait confiance. » Dans une île Maurice où la défiance vis-à-vis des politiciens est palpable, Ehsan Juman veut incarner une autre voie : celle de la proximité et de la sincérité. « Je ne suis pas là pour me remplir les poches. Je suis là pour servir. » Il le martèle : « Quand je me couche le soir, je veux être en paix avec ma conscience. Si j’ai pu aider quelqu’un aujourd’hui, c’est cela ma vraie richesse. »

C’est ainsi qu’Ehsan Juman refuse de percevoir un seul sou de son salaire de député ou de ses allocations. « Tout est utilisé pour aider. Parfois même plus que cela. » Il détaille : « Je vais à 8 à 10 mariages et anniversaires par semaine. Il faut donner une enveloppe, c’est la coutume. Il y a les fêtes religieuses de toutes les communautés : il faut aider. Le salaire de mon clerk. Et surtout, les aides directes aux plus démunis. »

En hiver, par exemple, il offre des couettes dans sa circonscription. Mais ses actions dépassent largement ses frontières : « Je reçois des appels de tout le pays. Mon numéro est sur ma page Facebook. Je reçois 200 à 300 WhatsApp par jour. Je fais de mon mieux pour répondre à tous, même la nuit. »

Il sourit : « Parfois, je décroche à une heure ou deux heures du matin. Les gens sont choqués, mais je leur dis : ‘Je suis là pour vous’. » Ehsan Juman en profite pour présenter des excuses. « Je dois être honnête, humainement c’est impossible de répondre à tous les appels, il y en a qui restent sans réponse. Mais je fais de mon mieux. »

Son engagement social n’est pas récent. Déjà enfant, il aimait aider. Passionné de foot, fan de Liverpool, il organisait des matchs, des tournois, des levées de fonds. Son ADN n’a pas changé.

Un message pour la jeunesse

Pour la jeune génération, il a un message limpide : « Ne baissez jamais les bras. Même si la vie est dure. Même si vous êtes pauvres. Travaillez avec conviction et honnêteté. Le succès est à la portée de tous. Mais il faut l’arracher, il ne tombera pas du ciel. »

Il insiste sur la confiance en soi : « J’ai cru en moi quand personne ne me voyait. J’avais la foi en Dieu. Et je n’ai jamais eu peur de faire le travail sale. C’est ça la vraie école. »

Qu’est-ce qui le motive encore, après tant d’efforts ? Il répond sobrement : « Servir mon pays. Aider mon peuple. C’est ma devise. »

L’histoire d’Ehsan Juman n’est pas seulement celle d’une ascension fulgurante. C’est le récit d’un enfant pauvre devenu entrepreneur à succès, d’un jeune vendeur de légumes devenu député élu avec la plus forte majorité du pays.

Mais au-delà du symbole, c’est surtout l’histoire d’un homme qui n’a jamais trahi ses valeurs : travail, honnêteté, humilité et service. Un homme pour qui la politique n’est pas un métier mais une mission.
Et c’est peut-être là, dans ce mélange de résilience et de sincérité, que se trouve la force d’Ehsan Juman.

Ajagen Koomalen Rungen / Azeem Khodabux 

 

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