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Economie - 2021 sera une année…

Après le choc économique et la dégradation brutale des activités provoqués par la Covid-19, la situation s’annonce-t-elle sous de meilleurs auspices en 2021 ? Que faire pour renverser la vapeur ?  Cinq économistes font état de leurs prévisions et livrent les pistes à adopter pour donner un nouveau souffle à la machinerie économique.

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Rajeev Hasnah : «…de transition»

rajeevLa réouverture de nos frontières, la sortie du pays de la liste noire et le regain de confiance généralisée dans le pays. Ce sont là les principales attentes pour 2021, soutient Rajeev Hasnah, pour qui la nouvelle année marquera la transition. « On peut s’attendre à une reprise technique en 2021. D’ailleurs, on avait déjà eu un regain des activités après le ‘lockdown’ dans plusieurs secteurs », indique-t-il. L’économiste nuance, toutefois, sur la reprise. « Une reprise, c’est quand on a touché le fond et qu’on est bien reparti par la suite. 2021 ne sera pas ce type d’année. On aura plus un rebond statistique », fait-il ressortir en avançant les chiffres de 6 % à 7 % de croissance pour 2021.


Ali Mansoor : «…marquant le retour à la normale avec tous les problèmes avant la Covid-19 à résoudre»

aliSe dirige-t-on vers un début de normalité en 2021 ? Ali Mansoor en est convaincu. « Avec les vaccins, on devrait entrevoir un début de normalité dans les voyages sur les marchés clés vers Pâques. Selon toutes les probabilités, vers juin, la plupart des personnes désirant voyager pourront être vaccinées. Toutefois, en termes d’arrivées touristiques, nous n’aurons pas le même nombre de visiteurs qu’en 2019, mais ce sera bien plus qu’en 2020 », explique l’économiste.

Ce qui permettra en partie au pays de renouer avec la croissance. Toutefois, prévient Ali Mansoor, notre santé économique demeurera très en-deçà de ce qu’on aurait voulu atteindre sans la Covid-19. « Avoir une croissance de 9 % à 10 % en 2021, comme le prévoit le Trésor Public, est raisonnable. Mais, atteindre ce niveau n’est pas suffisant pour regagner le terrain perdu et aller au-delà », précise-t-il. Sur la trajectoire tracée sur les politiques actuelles sans autres mesures, explique-t-il, tout en atteignant un taux de croissance de 9 % à 10 %, nous resterons entre 5 % et 12 % sous la performance qu’on aurait voulue avoir sans la Covid-19, les 5 % pour retrouver le niveau du PIB avant la Covid-19 et les 12 % en tenant compte de 3 % de croissance en 2020 et de 3 % en 2021 (Ndlr : en tenant compte que le pays ait une croissance de 3 % comme pour les précédentes années).

Ce qui l’amène à la conclusion que 2021 sera une année qui marque le retour vers la normalité avec tous les problèmes avant la Covid-19 à résoudre. « Le retour vers la normale commence avec les gens qui voyageront plus librement. Mais, nous retrouverons les problèmes avant la Covid-19, qu’il nous faudra résoudre. Nos exportations sont faibles en pourcentage du PIB en comparaison avec des pays semblables et le ratio pour les pays qui ont réussi quand ils avaient notre niveau de revenu. Notre compétitivité est faible et notre régime du marché du travail, nos réglementations et notre système d’imposition deviennent de moins en moins attrayants en comparaison avec nos compétiteurs. Le défi, c’est de trouver des créneaux d’activité qui nous permettront de regagner le terrain perdu. Il faudra redoubler nos efforts », conseille-t-il.


Zayd Soobedar : «…marquée par le manque de visibilité»

zaydNous sommes loin d’être sortis de l’ornière. Tel est le sentiment de Zayd Soobedar, pour qui 2021, sera marquée par le manque de visibilité.  Et pour cause, soutient-il, la reprise dans divers pays se fait attendre. « La seconde vague, voire la troisième vague de la Covid-19, a un impact direct sur les économies de ces pays et, par ricochet, sur nos exportations. D’autant plus que le modèle de consommation a changé », explique l’économiste. Du coup, prévient-il, 2021 sera une année « très dure » surtout en raison de la dépendance de l’économie sur le tourisme. « Cela prendra du temps avant qu’on connaisse la reprise dans le secteur car les gens ne voyagent pas pour deux raisons : l’impact psychologique de la Covid-19 et la récession mondiale », fait ressortir Zayd Soobedar, qui table sur une faible croissance de 2,9 % en 2021.


Manisha Dookhony : «…de l’espoir»

manisha« Nous espérons tous une reprise économique et nous sommes tous dans l’expectative que la Covid-19 sera derrière nous et que nous puissions remonter la pente en 2021 », avance Manisha Dookhony. D’ailleurs, poursuit-elle, plusieurs éléments apportent de l’espoir pour l’an prochain, les vaccins à titre d’exemple. 

Cependant, prévient l’économiste, la reprise sera timide pour diverses raisons. Premièrement, le pays n’aura pas le même nombre de touristes. Deuxièmement, la vaccination prendra du temps. « Ce n’est que maintenant que les États-Unis et le Royaume-Uni ont commencé leur campagne. Aux États-Unis, on estime que la pandémie sera derrière nous vers fin 2021 », fait ressortir Manisha Dookhony. 

En troisième lieu, la disruption dans la chaîne de valeur continuera à se faire ressentir. « Plusieurs opérateurs dans le secteur manufacturier n’obtiennent plus les produits dont ils ont besoin comme les fils spéciaux de l’Europe à titre d’exemple. Par ailleurs, nos produits d’exportation en Afrique doivent passer par le port de Salalah avant d’aller à Mombasa alors qu’avant la Covid-19, il n’y avait pas lieu d’aller à Salalah. Du coup, les exportations reviennent plus cher et cela prend du temps », ajoute-t-elle.


Nalini Burn-Teelock : «… de morosité avec des pics de vives inquiétudes»

naliniLa morosité persistera en 2021, affirme Nalini Burn-Teelock. Il faudra aussi s’attendre à des pics de vives inquiétudes. « Ce qui aura des effets sur le social ainsi que sur le tissu sécuritaire, économique et écologique », prévient-elle tout en déplorant que la gouvernance grève les perspectives d’une relance sur les nouvelles bases. 

Pour Nalini Burn-Teelock, il y aura des facteurs qui peuvent faire remonter l’économie et d’autres qui la feront aller dans le sens contraire. « Si les gros consommateurs continueront à dépenser, la grosse majorité des gens verront leurs perspectives économiques s’assombrir. Par contre, une bonne partie des employés dans le secteur public sera protégée. Ainsi, tout ne sera pas blanc, tout ne sera pas noir », fait-elle ressortir. 

Et de citer un autre exemple : « la consommation privée et l’investissement public ont été les moteurs de la croissance. Or, les deux sont orientées vers les importations. Ce qui a un impact sur la dépréciation de la roupie, entraînant une perte du pouvoir d’achat ». Elle craint aussi les effets de l’inclusion de Maurice sur la liste noire.


Ces ingrédients nécessaires à la relance

relance 2021

Partenariat public-privé

« Il faut augmenter nos exportations, attirer plus d’investissements et de réinvestissements. Pour cela, il faut la confiance. Il faudra que l’État et le secteur privé commencent à discuter ensemble », soutient Manisha Dookhony. Pour l’économiste, l’ingrédient clé est la collaboration. « Il faut aussi que le gouvernement et la communauté des affaires soient ouverts à des nouvelles idées car ce n’est plus le ‘business as usual’. À titre d’exemple, le tourisme va changer complètement. Il ne faudra plus miser sur les visiteurs à court terme. Il faut une réorientation. Les autres secteurs devront aussi se réajuster avec les nouvelles donnes », recommande-t-elle.  

Changement de cap économique

« Le pays est renfermé sur lui-même. Ce n’est que l’ouverture, la créativité, le dynamisme, le changement de cap économique articulés sur l’économie verte qui permettront au pays de décoller », avance Nalini Burn-Teelock. Elle estime qu’il faut aussi investir dans le tissu social et naturel. « Il faut un reset, une réinvention et non du bafouillage. Il faut faire de Maurice un endroit où il fait bon vivre et travailler en rendant notre socle plus sain et attractif », conclut-elle. 

Diversifier notre clientèle touristique 

Attirer les retraités et les gens à venir vivre ou travailler à Maurice. « C’est une option qui pourrait nous aider à avoir plus de touristes et à développer des créneaux autres que nos marchés traditionnels »,  préconise Ali Mansoor. 

Rétablir la confiance 

Rajeev Hasnah est catégorique. Il faudra rétablir la confiance et procéder à une « réouverture calculée de nos frontières » en tenant compte de tout ce  qui se passe dans le monde, notamment en Europe. « Le regain de la confiance viendra briser l’incertitude qui a dominé en 2020 et aidera à la prise des décisions en 2021, notamment en permettant à un individu d’aller de l’avant avec la construction d’une maison ou encore à une entreprise d’investir, etc. », soutient l’économiste. 

Miser sur les PME

La croissance pour les cinq prochaines années viendra des PME, affirme Zayd Soobedar. D’où son conseil pour promouvoir les PME dans l’agriculture, le ‘bio farming’, l’agri business, l’aquaculture, le secteur manufacturier, l’énergie renouvelable, entre autres. « Elles peuvent être le moteur de la croissance, mais il faut un accompagnement, mais surtout que l’accès au financement soit démocratisé », insiste notre interlocuteur. Or, actuellement, les banques ne prêtent que très peu aux PME. « Dans un contexte où les entreprises sont en pleine restructuration ou en liquidation, les banques demandent des collatéraux et des garanties personnelles. Sur plus de 170 000 PME que compte le pays, seules 800 ont été financées par les banques à hauteur de Rs 1,5 milliard en 2019. En 2020, ce chiffre a dû diminuer davantage », déplore-t-il. Les aides de soutien du gouvernement aux PME ne sont pas mieux. « Un seul dossier sur trente a eu du financement », fait-il ressortir. 

Améliorer notre compétitivité 

Pour Ali Mansoor, il n’y a pas trente-six solutions pour que le pays retrouve son niveau d’avant la Covid-19. « Il nous faut des politiques proactives pour que Maurice devienne plus compétitif en vue d’attirer des investissements qui nous permettront de développer des créneaux tels que la diversification touristique et rendre attrayant le travail à Maurice », fait-il ressortir. Il faudra pour cela, avance-t-il, revoir le cadre réglementaire et d’imposition du pays. « Est-ce que notre régime de gouvernance, de réglementation, d’imposition et du travail sont compétitifs vis-à-vis d’autres juridictions pour attirer les investissements dans d’autres activités économiques ? Il me semble qu’on a eu une perte de compétitivité en termes de ces aspects. Il faudra œuvrer pour gagner et améliorer notre compétitivité », recommande Ali Mansoor. 

 

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