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Marie Germaine et Fatimah Raboude : Deux sœurs centenaires

Fatimah Marie Yolande Raboude vient de fêter ses 100 ans et Marie Germaine Raboude Jean Marie a 102 ans.

À elles deux, Marie Germaine Raboude Jean Marie, 102 ans, et sa sœur Fatimah Marie Yolande Raboude, qui a célébré ses 100 ans le 24 juin dernier, incarnent plus de deux siècles de vie, de sagesse et d’humanité. Elles sont restées unies toute leur vie, traversant ensemble les bonheurs, les deuils et les épreuves. Aujourd’hui encore, elles nous offrent une bouleversante leçon de douceur et d’humilité – un témoignage d’un autre temps qui résonne comme un appel à ralentir et à aimer.

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Nées à Rose-Belle dans une modeste demeure en bois sous tôle où les rires des enfants couvraient les bruits du vent, les deux sœurs ont grandi dans une fratrie de cinq enfants. Leur mère exerçait le métier de couturière, tandis que leur père était charpentier. Aujourd’hui, Marie Germaine Raboude Jean Marie a 102 ans et Fatimah Marie Yolande Raboude vient de fêter ses 100 ans le 24 juin. Toutes deux partagent une philosophie de vie touchante : « Prie, aime, partage. »

Assises côte à côte, elles se tiennent la main avec tendresse. Elles se sourient, se coupent la parole pour se corriger mutuellement. Elles sont lucides et bavardes. Leur mémoire est une fabuleuse boîte à trésors qu’elles ouvrent volontiers. « C’est notre temps », disent-elles avec nostalgie. Elles se connaissent par cœur ; elles ont traversé un siècle ensemble. Dans leurs yeux vifs brille cette même gratitude. « C’est la volonté divine », disent-elles d’une seule voix. « Notre père est décédé alors que nous étions encore enfants et notre mère nous a quittées à l’âge de 66 ans.  Nous remercions le ciel chaque jour de nous avoir laissé vivre tout cela. » 

Elles savent qu’elles sont devenues célèbres dans le quartier et bien au-delà. « Tout le monde nous appelle les sœurs centenaires », lance Marie Germaine avec un rire sonore qui emplit la pièce. « Mais nous sommes restées pareilles », ajoute Fatimah plus posément. « Nous n’avons pas changé. » Elle ferme un instant les yeux avant de poursuivre : « On vit toujours comme avant : on prie, on partage, on aime. C’est ça qui compte. »

Souvenirs d’enfance

Quand elles évoquent leur enfance, leurs voix se teintent de nostalgie et de fierté. Leur maison était « simple mais propre », précise Fatimah. « Maman cousait pour tout le quartier. Elle nous a appris. On savait confectionner nos robes, nos chemises. » Puis elle sourit tendrement : « Je sais encore coudre aujourd’hui ! » Marie Germaine renchérit : « Papa était charpentier. Il travaillait dur. Mais il disait toujours : ‘Tant qu’on a de quoi manger et qu’on s’aime, on est riches.’ » 

Elles se remémorent également les efforts quotidiens : « Se lever avant l’aube, nettoyer la maison, s’occuper des petits frères et sœurs, aller chercher de l’eau au puits. » Fatimah ferme les yeux : « Je revois le chemin rouge de la terre, nos pieds nus, le soleil qui tape. Mais nous étions ensemble. Nous étions heureuses. »

Elles parlent encore de leur école primaire avec une précision étonnante. « Miss Duval ! Elle nous grondait mais elle voulait qu’on apprenne », dit Marie Germaine. Fatimah sourit : « On avait peur d’elle mais on l’aimait bien. » Elles se rappellent aussi les leçons sur des ardoises, les tables de multiplication chantées en chœur. « On marchait ensemble pour y aller. On faisait tout ensemble. On n’a jamais été séparées. »

Solidarité indéfectible 

De leur jeunesse, elles gardent l’image d’une solidarité indéfectible. « On aidait les cousins, les voisins. S’ils manquaient de sucre, on partageait. S’ils n’avaient pas d’huile, on donnait. » Marie Germaine se redresse : « C’est ça qu’on a appris : partager. » Fatimah acquiesce : « Moi j’ai toujours voulu donner. Même un morceau de pain ou un verre d’eau. Je disais : ‘Prends !’ » Elle se met à rire : « Je n’aime pas voir quelqu’un dans le besoin. Je préfère donner que recevoir. »

Même après leurs mariages respectifs, elles sont restées « collées », comme elles disent en plaisantant. « On se voyait tout le temps. On s’aidait pour les tâches. » Marie Germaine dit en souriant : « Même après avoir eu nos enfants, on n’a jamais cessé d’être sœurs avant tout. » 

Leurs mariages ont eux aussi des accents d’antan. Marie Germaine s’est mariée à 22 ans avec Willy Jean Marie : « Nous nous sommes rencontrés chez un parent commun. Coup de foudre ! Il a demandé ma main. » Son visage s’assombrit légèrement : « Quand il avait 55 ans, il est devenu handicapé. Je me suis occupée de lui jusqu’à la fin. » Elle baisse la voix : « C’était ça le mariage avant. On restait. On tenait nos promesses. » 

Elle essuie une larme en parlant de ses enfants : « J’en ai eu neuf. J’ai perdu deux bébés. Et il y a trois ans, j’ai perdu mon fils aîné qui avait 70 ans. Ça fait mal. Nous pleurons encore. Mais nous remercions Dieu pour tous les autres. » Puis elle lève un doigt pour marteler : « Il faut prier. Toujours. Prier pour avoir la force. » 

Fatimah, quant à elle, s’est mariée à 25 ans, après une rencontre digne d’un film : « J’étais partie chercher de l’eau au puits. Jale était là avec ses amis. Nous avons parlé. Après nous nous sommes revus. Coup de foudre ! » En fermant les yeux, elle ajoute : « Un homme bon, humble, avec un cœur en or. Il m’a offert des livres pour apprendre le ‘namaz’ et le Coran. Jusqu’à aujourd’hui, je fais mes prières. » Elle redresse la tête avec fierté : « J’ai appris à mes enfants. Même à des voisines. » 

Elle raconte aussi sa vie après : « J’ai eu huit enfants. Trois d’entre eux sont partis trop tôt. Maintenant j’ai 25 petits-enfants, 43 arrière-petits-enfants et déjà deux arrières-arrières-petits-enfants. » Son rire est cristallin : « Cela en fait du monde ! »

Aujourd’hui, elle vit à Plaine-Magnien, avec sa fille Faiza, 62 ans. Elle ne voit plus depuis 35 ans à cause de la tension oculaire : « Mais je fais tout ! », dit-elle d’un ton bravache. « Je coupe les légumes. Je fais la pâte au fromage, les gâteaux gingeli. Faiza les frit après. »

Faiza la regarde avec admiration : « Elle se lève tous les jours à 9 heures. Sa passion ? Radio Plus. Elle peut écouter toute la journée. Un jour, le poste était cassé. Elle m’a obligée à aller en acheter un autre tout de suite ! » Fatimah éclate de rire : « J’adore la musique, les blagues des animateurs, les conversations avec les auditeurs. Cela me tient compagnie. » Son plat préféré ? « Curry poisson ! », répond-elle sans hésiter. « Je ne m’en lasse pas. »

Marie Germaine, elle, vit à Mahébourg, avec sa fille Solange et son fils Daniel. « Elle est autonome ! », précise Solange. « Elle cuisine encore. Sa daube poisson, c’est son chef-d’œuvre. Elle lit le journal, regarde la télé, suit la messe. » Daniel ajoute en riant : « Elle est un peu bavarde pour son âge. » Marie Germaine éclate : « On me dit bavarde  ? C’est parce que j’aime la vie ! » 

Les deux sœurs continuent de se voir. « On passe des week-ends ensemble. On ne peut pas rester longtemps sans se voir », confie Fatimah. Elles parlent souvent du passé. De leurs parents. De la maison. Des soirées à coudre. « Maman était patiente », se souvient Fatimah. « Elle nous montrait chaque point. » Marie Germaine ajoute : « C’était aussi notre façon d’aider. On cousait pour la famille. Pour les voisins qui n’avaient pas les moyens. »

Bonnes pensées 

Elles ont toujours gardé ce sens du partage. « C’est ce qu’on a appris », répète Marie Germaine. « Il faut donner. Même quand on a peu. C’est là qu’on voit qui on est vraiment. » Fatimah hoche la tête : « J’ai toujours dit : partagez. Même un verre d’eau. Vous ne savez pas ce que ça peut apporter à quelqu’un. »

Quand on leur demande le secret de leur longévité, elles échangent un regard amusé. « Le Bon Dieu », répond Marie Germaine. Fatimah renchérit : « Des bonnes pensées. Il faut toujours avoir de bonnes pensées. » Elles disent aussi qu’elles ont toujours mangé de tout. « Pas d’excès. Pas de gaspillage. Et un peu d’exercice. » Marie Germaine précise : « Je marche. Je fais mes petites tâches. »

Elles parlent des jeunes avec tendresse mais aussi une pointe de gravité. « Ils veulent tout vite », soupire Marie Germaine. « Mais il faut des efforts. » Fatimah ajoute : « Il faut respecter ses parents. Prendre soin d’eux. On ne doit pas oublier d’où on vient. »

Puis elles lèvent les yeux au ciel : « Dieu nous garde encore. Tant qu’il voudra. Nous vivons au jour le jour. Nous acceptons tout. » Leur foi demeure inébranlable. Elles ont traversé les deuils, la pauvreté, la maladie et aujourd’hui encore, elles rayonnent. « On n’a jamais baissé les bras », confie Fatimah. « Même quand j’ai perdu la vue. J’ai dit : je vais continuer. Je vais servir. Je vais prier. » 

Une foi inébranlable 

Marie Germaine partage le même credo : « Quand on tombe, il faut se relever. Et dire merci. Même pour les épreuves. Elles nous enseignent. » Les deux sœurs se rappellent encore les dates, font des calculs mentaux sans effort. « Une mémoire de fer », dit Faiza en rigolant. Fatimah se frappe la tempe : « Tout est ici ! » 

On regarde les deux sœurs avec admiration. Ces femmes frêles, aux cheveux blancs soigneusement coiffés, sont deux piliers d’une époque révolue. Deux témoins vivants d’un art de vivre fait de lenteur, de travail, de foi et de fraternité. 

Quand on les félicite pour leur âge, elles haussent les épaules et lâchent : « C’est Dieu. » Quand on leur demande ce qu’elles souhaitent encore, elles répondent : « Rien. Que nos enfants soient heureux. » Et si on insiste ? Marie Germaine finit par dire : « Si ! Qu’on continue de s’aimer. »

Fatimah sourit : « Qu’on se pardonne. Qu’on partage. Qu’on prie. » Elles se tiennent la main encore plus fort. Il faut croire qu’on ne fait pas cent ans par hasard. Il faut aimer. Il faut donner. Et il faut remercier. Marie Germaine et Fatimah, elles, l’ont compris mieux que personne. 
 

 

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