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Désintoxication : le vide juridique joue en faveur des centres «spirituels»

Centres de désintoxication Lors de l’inspection du ministère de la Santé, le centre Awaken avait déjà été déserté.

L’attention s’est portée sur les centres de désintoxication clandestins après la mort de deux personnes. Le ministère de la Santé a mené une inspection, révélant un vide juridique. Les autorités travaillent actuellement sur un nouveau plan national pour la drogue, qui prendra en compte cet aspect.

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Deux décès liés à des centres de désintoxication clandestins ont été enregistrés en moins d’une semaine. Nadeem Permessur, 48 ans, est mort le 18 août après avoir été retrouvé blessé dans le centre Awaken à Eau-Coulée (voir encadré). Le 23 août, Mohammad Sayfud-din Sauterelle, 21 ans, a été découvert sans vie à Roche-Bois, bien que sa famille l’ait placé dans un centre de réhabilitation à Vacoas. A la suite de cela, le ministère de la Santé et la police ont procédé à une inspection de ces établissements.

À Eau-Coulée, le centre qui opérait dans la clandestinité a été fermé. « Le site était pratiquement déserté, les occupants ayant quitté les lieux avant l’arrivée des autorités », précise-t-on du côté de la Santé. À Vacoas, le centre « spirituel » a été inspecté. « Les responsables ont affirmé que l’établissement n’offrait pas de services de désintoxication, mais se limitait à des activités spirituelles. Ils ont insisté sur le fait que le centre ne faisait pas usage de médicaments et n’offrait aucun traitement médical, se positionnant ainsi en dehors du champ d’application des régulations sanitaires », ajoute-t-on. Le ministère de la Santé confirme que, selon la législation actuelle, aucun permis n’est requis pour ce type de centre spirituel.

Au niveau de la Santé, on explique que ces centres attirent un nombre croissant de personnes désespérées, souvent des parents confrontés à la toxicomanie de leurs enfants. « Beaucoup se tournent vers ces établissements dans l’espoir d’une solution rapide. Cependant, l’absence de traitement médical approprié et le recours exclusif à des méthodes spirituelles laissent ces patients vulnérables à des pratiques potentiellement dangereuses », souligne-t-on.

Il s’agit d’un véritable piège pour ceux qui sont désespérés. « Si quelqu’un a un enfant avec un problème de drogue, il pourrait être tenté de l’envoyer dans un de ces établissements. Ces derniers offrent une forme de répit temporaire, mais la gestion d’un toxicomane est extrêmement difficile. C’est là que ces familles tombent dans le piège. Beaucoup hésitent à dénoncer ces centres, car c’est un sujet très délicat », précise-t-on.

Le psychologue et addictologue Kunal Naik indique que l’absence de réglementation claire autour de ces centres « spirituels » est une source de grande préoccupation. « Il n’y a rien dans la loi actuelle qui mentionne spécifiquement ces centres », fait-il comprendre. Il suggère que le ministère de la Santé travailler avec les parties prenantes pour élaborer un cadre politique approprié, qui « encadrerait tous les centres, qu’ils soient spirituels, médicaux, thérapeutiques ou cliniques. Il est crucial de mettre en place un système qui vérifie le type de traitement offert, et la manière dont les patients sont accompagnés ». Il insiste : « Les personnes qui se rendent dans ces centres sont vulnérables et doivent être protégées. »

Kunal Naik s’appesantit sur l’importance d’un cadre réglementaire clair et rigoureux : « Le processus de réhabilitation est long et complexe. Une phase de désintoxication préalable est souvent nécessaire, car les substances laissent des effets durables sur le corps et le cerveau. Si un traitement n’est pas bien encadré, il peut y avoir des conséquences graves, y compris des décès. Il est impératif d’être vigilant. »

Intentions louables, méthodes dangereuses

Imran Dhunnoo, travailleur social et directeur du centre Idrice Goomany, reconnaît que les responsables de ces centres ont souvent de bonnes intentions, mais il met en garde contre les dangers d’une approche non professionnelle. « Aussi longtemps qu’un groupe de personnes accueille un autre groupe pour l’aider à surmonter des difficultés, disons qu’une personne ouvre sa maison pour aider des toxicomanes, il n’y a pas de problème si tout se passe bien. Mais dès qu’il y a des incidents de maltraitance, de violence, ou pire, de mort d’homme, cela devient une autre affaire. Ces centres sont souvent dirigés par des personnes qui veulent réellement aider, mais leur méthodologie peut être inadaptée. Je connais des personnes qui sont passées par ces centres et qui ont réussi à se reconstruire, mais il est évident qu’une approche professionnelle est indispensable pour traiter des problèmes aussi graves que la toxicomanie. »

Cependant, il met en garde contre les dangers d’une approche punitive ou stigmatisante. « La toxicomanie est un problème de santé publique avec des dimensions sociales et cliniques. L’approche doit être fondée sur l’écoute, sans jugement. Chaque personne est différente, avec des personnalités et des problèmes sous-jacents uniques, souvent des troubles comorbides comme le bipolarisme, l’hypertension, des traumatismes passés ou des tendances suicidaires. Si ces individus sont bousculés ou maltraités, ils peuvent commettre des actes irréparables. Il est donc crucial d’avoir une forme de réglementation pour encadrer ceux qui travaillent dans ces centres », plaide Imran Dhunnoo.

Vers une réglementation nationale

Le National Drug Secretariat confie qu’il travaille sur un nouveau plan national pour aborder le problème de la drogue. Ce plan, qui devrait être finalisé dans les prochains mois, comprend des mesures pour réguler les centres offrant des traitements non médicaux. « Nous développons un nouveau cadre réglementaire qui sera bientôt présenté. Il s’agit de s’assurer que tous les centres offrant des services de traitement sont enregistrés et qu’ils suivent un modèle prôné par le ministère de la Santé, basé sur la science et des méthodologies éprouvées. La consultation est en cours, et même la police prend des initiatives pour résoudre ce problème de vide juridique », souligne un proche du dossier.

Au niveau des autorités, on est conscient que sans un cadre législatif clair, ces établissements continueront de fonctionner en marge de la loi, mettant en danger les vies de ceux qui cherchent de l’aide. « On est en train de travailler pour que tout soit réglementé », assure-t-on.

 

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