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Des sanctions réclamées : les obstacles sur la route des véhicules d’urgence

Les véhicules utilitaires rencontrent pas mal de soucis en route.
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Refus de céder le passage, mauvais stationnement, des structures gênant le passage des véhicules ou encore la mentalité du public… Voici quelques-uns des obstacles auxquels sont confrontés les chauffeurs des véhicules des services d’urgence – (pompiers et ambulance) – lors des sorties pour des interventions. Des sanctions sévères sont réclamées.

Mauvaise foi, hésitation et méchanceté. C’est ce que reproche Krishnadeo Boodia, chauffeur d'ambulance au Service d'aide médicale urgente  (Samu) et président de la Ministry of Health & Quality of Life Transport Workers’ Union, à certains conducteurs. « Ena, zot fer mesanste, zot pa sed pasaz ! Il faut insister plusieurs fois avec les sirènes pour qu’ils nous laissent passer. D’autres, j’ai l’impression, paniquent à l’approche d’une ambulance. Ils ne savent pas s’ils doivent ralentir, s’arrêter ou se rabattre sur le côté. Du coup, ils poursuivent leur route sur de longues distances avant de nous laisser passer », laisse-t-il entendre. 

Pour Eshan Jowaheer, conducteur de camion de pompier et membre de la GSEA Firefigher Cadre, certaines personnes ne pensent qu’à elles-mêmes. « Il est bon de savoir que les sapeurs-pompiers ne se contentent pas que d’aller éteindre des feux de montagnes ! » ironise notre interlocuteur. 

« Notre présence est aussi requise dans des situations plus urgentes où des biens, mais surtout des vies sont en jeu. Il est donc important que nous puissions arriver sur place le plus vite possible. Mais ça, tout le monde ne le comprend pas. Au vue des situations auxquelles nous sommes souvent confrontés, cela donne l’impression que certaines personnes ne pensent qu’à elles-mêmes alors ou qu’elles ne s’en soucient pas », déplore le sapeur-pompier. 

Mauvais stationnement

Autre facteur qui n'aide pas les services d'urgence : stationnement dans des routes étroites. Et pour ne pas arranger les choses, les chauffeurs du service de pompes à incendie rencontrent  souvent sur leur route des véhicules qui ne sont pas bien garés. « Les propriétaires se disent souvent, en se garant, qu’il y a suffisamment d’espace pour qu’une autre voiture puisse circuler. Mais ce n’est pas forcément le cas pour un camion de pompier qui est plus large, sans compter les rétroviseurs de chaque côté », indique Eshan Jowaheer. Une situation que notre interlocuteur et ses collègues rencontrent aussi sur des routes plus larges. « C’est le cas à la rue Desforges, par exemple, où les automobilistes stationnent souvent, surtout le soir, en double file. Tenant compte du stationnement d’un véhicule sur la voie opposée, cela revient à un stationnement en triple file. Il ne reste alors qu’une seule voie pour circuler », dit-il. 

Constructions et structures gênantes

En sus des voitures mal garées, les services d’urgence doivent aussi composer, lorsqu’ils sont en route,  avec des constructions ou autres structures érigées dans le cadre d’une construction. « Un auvent qui dépasse, des feuilles métalliques en guise de barrage ou alors des matériaux jetés à même la rue  nous ralentissent en route », souligne Eshan Jowaheer. 

Krishnadeo Boodia évoque lui les nombreux gros chantiers en cours. « Au niveau du rond-point de Phœnix, par exemple, il n’est pas évident de circuler. Et encore plus aux heures de pointe, soit à la sortie de l’école et en fin de journée. Pour s’en sortir, l’utilisation de la sirène et des gyrophares est primordiale », dit-il. 

Les automobilistes « opportunistes » 

Certains automobilistes, explique Eshan Jowaheer, tentent de profiter du passage libéré par d’autres à l’arrivée d’un camion de pompier, sirène hurlante. « Vous avez, par exemple, deux véhicules qui se rabattent sur la gauche. Une situation qui profite à un troisième automobiliste. Sauf que plus devant, à des feux de signalisation ou à un carrefour, il va devoir s’arrêter, bloquant ainsi notre passage. Au final, cet automobiliste n’a fait que transférer le problème d’un endroit à un autre », déplore notre interlocuteur, soulignant que c’est aussi le cas pour certains motocyclistes. 


Des piétons distraits

Des piétons ne feraient pas suffisamment attention en traversant la route, ayant, selon Eshan Jowaheer, développé certains automatismes. « Dès qu’ils arrivent à un passage pour piétons, ils traversent sans prêter attention. J’ai récemment été confronté à une situation où une personne traversait sur un passage clouté  alord qu'elle était au téléphone. Même avec les sirènes et les gyrophares, elle n’a pas remarqué qu’un camion de pompier s’approchait à vive allure », fait ressortir le chauffeur. 


Anecdotes

Les cas d'abus entourant l’utilisation des ambulances par le public, Krishnadeo Boodia ne les comptent plus. En voici quelques-uns :

Un lift pour rentrer chez soi

Alors qu’il conduisait à l’époque une ambulance non médicalisée, Krishnadeo Boodia est appelé pour une intervention à Flic-en-Flac à 2h25 du matin. Sur place, il tombe sur trois personnes, sous l’influence d’alcool. L’une d’elles se plaint de douleurs au ventre. Une fois celle-ci dans l’ambulance, les deux autres insistent pour l’accompagner. 

Arrivées à La Louise, Quatre Bornes, les trois individus demandent à Krishnadeo Boodia de s’arrêter. Avec désinvolture, ils descendent du véhicule et rentrent chez eux. Ivres, ils avaient besoin tout simplement d’un véhicule pour rentrer chez eux. 

Le patient « zougader »

Un homme qui habite à proximité de l’hôpital Victoria se rend régulièrement à l’hôpital le soir, entre 22 heures et 23 heures. Il se plaint à chaque fois de problèmes respiratoires. « Li tir so cart, li met so loksizen e kan ena pou ale, li rant dan enn lanbilans e demann pou kit li pre kot minisipalite Vacoas. Le conducteur dit avoir découvert le pot-aux-roses à sa plus grande surprise. « Ce « malade » avait en fait besoin d’un véhicule pour se rendre à une maison de jeu située près de la mairie », fulmine notre interlocuteur. 

Refus de se faire soigner

Ce mercredi, l’équipe de Krishadeo Boodia a été appelée à la suite d'un accident de la route à Valetta. Une personne est tombée d’un autobus. « Nous sommes arrivés sur place en 13 minutes. Mais malgré des blessures au visage, la personne a refusé de se rendre à l’hôpital. Il n’y a rien que nous puissions faire dans ce cas, il n’y a aucune loi pour l’obliger de monter dans l’ambulance », déplore le chauffeur, considérant que l’ambulance aurait pu être utilisée plus efficacement pour une autre intervention.


Droit de forcer le passage

Lorsqu’un chauffeur de camion pompier se retrouve confronté à une obstruction sur la route, la loi l'autorise à forcer le passage, quitte à endommager une voiture mal garée ou une structure existante. C’est ce que nous indique Eshan Jowaheer, citant la Mauritius Fire & Rescue Service Act de 2013, chapitre Powers of Authorised Officers. « C’est important que nous soyons protégés dans l’exercice de nos fonctions et que nous puissions prendre toutes les mesures nécessaires pour sauver une vie, sans pour autant faire des abus », dit-il. 

 Les lois

« Kan dife fini tegn ki zot vini », « Après la mort la tisane ». Des critiques que doivent souvent essuyer le personnel du Mauritius Fire & Rescue Service (MFRS) et ceux du SAMU venant des membres du public. Ces derniers leur reprochent souvent d’être arrivés « en retard ». Cependant, deux problèmes majeurs sont évoqués par les principaux concernés pour expliquer le temps qu’ils mettent à arriver sur un « spot ». 

D’abord, les nombreuses « obstructions » auxquelles ils doivent faire face en chemin. Entre les voitures mal garées et ceux qui refusent de céder le passage (voir détails plus loin), Eshan Jowaheer indique que les facteurs qui les freinent dans leurs sorties ne manquent pas. « Certes, les pompiers ont le droit de forcer le passage dans certaines situations (voir hors texte). Il n’y a cependant pas de provision dans la loi contre ceux qui obstruent les véhicules d’urgence. Une loi spécifique en ce sens ne serait pas de trop », indique notre interlocuteur. 

Krishnadeo Boodia  recommande même des sanctions « plus sévères » contre ceux qui obstruent volontairement le passage à un véhicule d’urgence. « Ce qui encouragera les plus récalcitrants à libérer plus facilement le passage », est-il persuadé.

Ensuite, certaines lois existantes seraient devenues obsolètes, à en croire Krishnadeo Boodia. Celui-ci parle même « d’ambigüités » dans la Road Traffic Act, surtout par rapport aux feux de signalisation et des intersections. « Certains automobilistes nous laissent passer, surtout à un feu rouge. D’autres, en revanche, vont s’aventurer à poursuivre leur chemin, estimant que pour eux, le feu est au vert. Et ce, malgré que les gyrophares et les sirènes sont allumés. Ce n’est pas normal, j’estime que nous aurions dû avoir la priorité », est-il d’avis.  

Non respect des lois

« Imaginez les répercussions que cela pourrait avoir si jamais on devait respecter chacun des feux de signalisation que nous rencontrons en chemin comme n’importe quel autre automobiliste ? Il en va de la vie des gens. Ou alors, et c’est devenu une habitude, nous allons nous faire agresser car nous sommes arrivés ‘en retard’ », fulmine Krishnadeo Boodia.  D’où sa demande pour des amendements à la Road Traffic Act afin que les conducteurs d’ambulance soient à l’abri en cas d’accident au niveau des feux de signalisation ou à une intersection. 

Mais même avec des pouvoirs accrus, les sapeurs-pompiers peinent à se faire respecter. En effet, Eshan Jowaheer, explique que suite à des amendements apportés à la Mauritius Fire & Rescue Service Act en 2013, les pompiers ont obtenu la prérogative de réguler la circulation en l’absence de la police. « Sauf que dans la pratique, lorsque par exemple, arrivés à des feux de signalisation ou à une intersection, nous demandons le passage à un automobiliste, il n’est pas rare que nous nous fassions  insulter. « Ki to ete twa ? » nous demandent certains automobilistes. Donc même lorsque nous agissons selon la loi, c’est au niveau de son implémentation que cela pose problème » dit-il.


À éviter : se coller au train d’un camion-citerne

Des automobilistes collent parfois au train d’un camion-citerne qui roule à vive allure. Pour ces « petits malins », Eshan Jowaheer lance une mise en garde : « Il arrive parfois, alors que nous roulons à grande vitesse, que nous devons freiner abruptement, ou que nous changions de voie au tout dernier moment. Celui qui se trouve à l’arrière du camion peut alors nous rentrer dedans ou entrer en collision avec un autre véhicule », prévient notre interlocuteur. Aussi, poursuit-il, les camions étant dotés d’échelles, celles-ci peuvent se heurter à un fil électrique et tomber sur le véhicule se trouvant à l’arrière du camion. 


Questions à... 
Le sergent Robin Kangaleea : «Les véhicules d’urgence sont exemptés de la limitation de vitesse» 

Il n’y a aucune limitation de vitesse pour les véhicules d’urgence. C’est là la seule « faveur » qu'ils bénéficient. C’est ce qu’indique le sergent Robin Kangaleea de la Traffic Branch. 

Lorsqu’on parle de véhicules d’urgence, quels sont les différents types de véhicules concernés ?
Il y a ceux de la force policière, les ambulances, les camions-citernes du Mauritius Fire & Rescue service et les Road Traffic Inspectors de la National Transport Authority. 

Comment reconnaître qu’un de ces véhicules est en situation d’urgence ?
Grâce à ses gyrophares et autres Flash lights  allumés lorsque les sirènes retentissent.

Quelles sont les prérogatives de ces véhicules en de telles situations ? 
Il y en a qu’une seule : ils sont exemptés de la limitation de vitesse. Toutefois, cela doit être uniquement dans le cadre de l’exécution de leur travail. Une prérogative à laquelle ne devrait pas avoir recours une équipe de sapeurs-pompierss, par exemple, retournant à leur caserne après avoir circonscrit un feu. Cela s’applique aussi aux ambulances. 

Bénéficie-t-ils d’une quelconque priorité aux feux de signalisation ou à des intersections ?
Aucune mention n’est faite en ce sens dans la loi. Mais cela relèverait d’un geste de courtoisie de la part d’un automobiliste que de leur céder le passage à ces endroits. Mais si le véhicule d’urgence provoque un accident, le service en question pourra faire l’objet de poursuites. Ils ne bénéficient d’aucune protection de la loi dans cette situation. Le mieux, c’est qu’ils ralentissent une fois arrivés à des feux ou à une intersection. 

Et l’utilisation du portable au volant ?
Les policiers, les sapeurs-pompiers et les conducteurs d’ambulance en sont exemptés. Mais une fois de plus, cela doit être dans le cadre de leur travail. 

Quid du port de la ceinture de sécurité ? 
Les policiers et les sapeurs-pompiers dans l’exercice de leurs fonctions sont exemptés de l’obligation de la porter. Aucune mention n’est faite pour les conducteurs d’ambulance et leurs passagers. 

Que risque une personne qui obstrue le passage à un véhicule d’urgence ?
La loi parle d’obstruction en général, un délit passible d’une amende seulement, sans aucune mention spécifique quant à l’obstruction faite à un véhicule d’urgence. Mais si obstruction est faite à la police dans le cadre d’une descente, par exemple, cela tombe alors dans la catégorie « Obstruction to police », un délit pouvant mener jusqu’à une peine d’emprisonnement. Il y  un autre type d’obstruction : « obstructing road », qui consiste à bloquer intentionnellement une route avec des objets.


La circulation et le refus de céder le passage sont autant de facteurs qui font obstacles aux véhicules des services d'urgence.
La circulation et le refus de céder le passage sont autant de facteurs qui font obstacles aux véhicules des services d'urgence.

'Rider' et escorte policière réclamés

D’une pierre deux coups. C’est ce que souhaite faire Krishnadeo Boodia en demandant que les ambulances du SAMU soient escortées par un véhicule de la police lors de certaines sorties. « Il y a dans chaque hôpital régional, un Police Post (une guérite). L’idée, c’est qu’un véhicule de police y soit rattaché. Ainsi, lors de certaines interventions, cela nous permettra d’arriver sur place plus rapidement. Et aussi, d’éviter de nous faire agresser par des badauds qui nous reprochent parfois d’être arrivés en retard », dit-il. Les sapeurs-pompiers, pour leur part, demandent un rider pour diminuer le temps d’intervention. « Aux heures de pointe, par exemple, il arrive parfois que les automobilistes, eux-mêmes bloqués dans un embouteillage, entendent nos sirènes mais ne nous voyant pas, ils ne pensent pas forcément à  se rabattre sur le côté car ils ne savent pas dans quelle direction arrive le camion. Ce n’est pas la faute de ces automobilistes, mais cela ne fait qu’augmenter notre temps d’intervention », explique Eshan Jowaheer. D’où sa demande pour un rider, soit un motocycliste du service des pompes à incendie, équipé de sirène et de gyrophares qui pourra se faufiler entre les files de voitures et libérer le passage. « Les pompiers ont obtenu la prérogative, dans un amendement apporté à la MFRS Act en 2013, de réguler la circulation en l’absence de la police », fait-il ressortir.

 

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