La situation est effrayante. Le réchauffement climatique, qui favorise l’élévation du niveau de la mer, entraîne l’érosion graduelle de notre littoral. Nos plages sont en passe de disparaître dans les années à venir. Les experts tirent (une fois de plus) la sonnette d’alarme. Au niveau du ministère de l’Environnement, on avance que des initiatives sont en cours afin de freiner l’érosion de nos plages.
Nadeem Nazurally est Senior Lecturer en Science océanique à l’université de Maurice. Il explique que la montée des eaux est l’un des phénomènes du dérèglement climatique. « Il y a non seulement des ‘flash floods’ mais également des fortes houles », précise-t-il. Les zones côtières sont les plus affectées par ce phénomène naturel qui prend de l’ampleur depuis une dizaine d’années. « C’est un phénomène qui est en mouvement constant. Cela s’explique par le fait que certaines plages sont la proie de la montée des eaux. Les fortes houles transportent le sable coralien vers l’océan et l’érosion est visible sur quelques plages du pays », indique Nadeem Nazurally. Fabrice David, ingénieur en environnement qui intervient souvent sur le dossier de l’environnement, avance que l’île Maurice étant un petit État insulaire en développement est en train de « subir une injustice climatique de façon grave ».
« L’intensité des pluies torrentielles sur de courtes périodes est à l’origine de gros problèmes. Le réchauffement climatique entraîne le problème d’élévation du niveau de la mer. Au cours de la dernière décennie, le niveau de la mer s’est élevé de 5 millimètres par an. On est au-dessus de la moyenne mondiale et c’est très inquiétant. Cette montée de la marée vient ainsi grignoter notre littoral. Lamer pe manz later », précise Fabrice David. Il souligne l’étroitesse de certaines plages. « L’érosion des plages est un problème réel qui touche les plages situées dans les quatre points cardinaux du pays et le constat est plus qu’alarmant », fait comprendre Nadeem Nazurally. Certaines plages, déplore Fabrice David, ont perdu jusqu’à environ 20 mètres de largeur depuis ces 10 dernières années.
Érosion des plages
Le Défi Plus est en présence d’un rapport rédigé par 16 experts de la Japan International Cooperation Agency (JICA), et soumis en 2015, stipulant qu’il y a environ 14 % de nos plages (dont certaines sont pourvues de falaises) qui sont touchées par le phénomène de l’érosion. Le rapport stipule également que 17 % des 41 % de nos plages qui sont instables souffrent d’érosion à long terme. Ces plages sont : Pointe-aux-Piments, Mon Choisy, Pointe-aux-Canonniers, Choisy, Baie-du-Tombeau, Bras-d’Eau, Quatre-Cocos, Trou-d’Eau-Douce, Grand-Sable, Ile-aux-Cerfs, Pointe-d’Esny, Saint-Félix, Le-Morne, Wolmar et Flic-en-Flac, Albion, ainsi que Pointe-aux-Sables. Nos plages sont-elles appelées à disparaître dans les prochaines décennies ?
« Situation effrayante »
Les deux experts en environnement s’accordent à dire que la situation est « plus qu’effrayante ». « L’érosion des plages n’est pas de la même gravité tout autour de Maurice. Il y a forcément des plages qui seront érodées plus vite que d’autres. La situation des plages (Albion, Belle-Mare ou Flic-en-Flac) donnent déjà une indication », dit-il. Mais outre la plantation de mangliers et la construction de murs de rétention et autres digues, quelle doit être l’expérience de la dernière chance ? « Nous devons à tout prix revoir notre mode de vie. Nous n’avons pas le droit de nous réfugier derrière le fait que le dérèglement climatique soit un phénomène mondial. Bien au contraire. Nous devons impérativement restaurer et préserver notre milieu marin. Les récifs coraliens forment une barrière naturelle et permettent de diminuer les catastrophes naturelles », souligne Nadeem Nazurally.
Privilégier des méthodes souples
« La construction de récifs artificiels et autres barrages en béton sont ce qu’on qualifie comme étant des méthodes lourdes. Mais, à mon avis, il faut implémenter des méthodes souples basées sur la nature afin de freiner l’érosion des plages », propose Fabrice David. Il cite, comme exemple, la plantation des lianes de batatran ou encore des veloutiers (Tournefortia argentea). « Il faut planter des végétaux qui ont un système de racine un peu chevelu afin de retenir le sable. Il est important de remplacer les filaos, qui est l’arbre typique de nos plages, par des plantes endémiques afin d’empêcher l’érosion côtière », fait comprendre Fabrice David.
Îles avoisinantes
On s’interroge également sur le sort des îles avoisinantes sur lesquelles Maurice détient la souveraineté. Nos deux intervenants sont d’avis que toutes les îles entourant Maurice risquent d’être englouties au fil des décennies avec le phénomène de montée des eaux. Surtout que l’élévation du niveau de mer pour Rodrigues, par exemple, se rapproche des 9 millimètres. « Les îles avoisinantes sont définitivement les plus à risque », terminent les experts.
Vassen Kauppaymuthoo : « Dans une quinzaine d’années, certaines plages seront englouties »
L’océanographe et ingénieur en environnement indique que la situation est très alarmante. « Maurice se retrouve actuellement dans une situation où le développement touristique est remis en question », avance Vassen Kauppaymuthoo. Les tempêtes, poursuit-il, sont de plus en plus grosses. Ce qui fait que les houles seront également de forte magnitude. « La situation est très alarmante et on ne pourra jamais lutter contre les phénomènes naturels. Le niveau d’eau à Maurice augmente de 5,5 mm par année pour Maurice. C’est énorme. Le risque de submersion marine est bel et bien une réalité à l’avenir », indique Vassen Kauppaymuthoo.
Dans une quinzaine d’années, selon lui, « certaines plages du pays seront englouties par les flots. Maurice ne va pas couler complètement. Mais la zone côtière en dessous de 10 mètres risque de se perdre. Surtout sur les territoires où repose le pilier touristique. Les effets du changement climatique sont en train de s’accélérer ».
Kavi Ramano, ministre de l’Environnement : « Nous ne sommes pas dans le déni »
Dans une déclaration, le ministre de l’Environnement, Kavi Ramano souligne que l’Integrated Coastal Zone Management (ICZM), qui est un département du ministère, est en train de mettre les bouchées doubles afin que des mesures visant à protéger nos zones côtières soient implémentées. Le ministre Ramano indique que des initiatives est en cours afin de freiner l’érosion des plages. Des végétations, dit-il, ont été plantées sur les plages comme Belle-Mare, Choisy et Flic-en-Flac. « Les mesures pour la protection des zones côtières sont également très visibles sur dans les régions de Bois-des-Amourettes, Deux-Frères et Bambous-Virieux ».
Le ministère de l’Environnement a ciblé 16 nouveaux sites qui méritent d’être protégés à travers des travaux de renforcement. « Maurice fait partie des pays les plus vulnérables au dérèglement climatique.
Nous sommes en train de subir une montée des eaux et une hausse de la température en raison du changement climatique. Au niveau du ministère de l’Environnement, nous ne sommes pas dans le déni. Bien au contraire ! Nous sommes en train de subir de plein fouet le réchauffement de la planète et c’est la raison pour laquelle des mesures est en cours », souligne Kavi Ramano. Il rappelle ensuite que le réchauffement climatique est « une réalité que les Petits États Insulaires sont en train de faire face ».
Reportage sur France 2 : Montée des eaux, l’île Maurice face à l’érosion
La chaîne de télévision France 2 a récemment publié un reportage d’environ 5 minutes axé sur l’érosion de nos plages en raison du dérèglement climatique. Le reportage intitulé « Montée des eaux, l’île Maurice face à l’érosion » a fait grand bruit sur les réseaux sociaux depuis sa diffusion. Les plages, souligne-t-on dans le reportage, sont menacées de disparition et tout est mis en oeuvre afin de préserver ces bijoux de la nature en urgence. L’étroitesse de certaines plages est ensuite mise en avant dans le document. « Des plages sont très étroites. Certaines ne mesurent que deux mètres. Il y manifestement un gros problème dans le pays », souligne un vacancier. « J’imagine la population qui ne pourra plus venir se détendre et cette situation sera catastrophique pour l’économie du pays », témoigne un autre touriste.
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