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Dans le rapport Nundoochan cité par la Banque Mondiale : les médicaments coûtent entre six et 20 fois plus cher à Maurice

Il existe plusieurs éléments qui peuvent faire grimper le prix d’un médicament.
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La Banque mondiale a jeté un pavé dans la mare en citant le rapport Nundoochan qui observe que les médicaments se vendent entre six et 20 fois plus cher à Maurice. Des importateurs avancent cinq raisons.

Des médicaments génériques se vendraient six fois plus cher que leur prix de référence à l’international. C’est jusqu’à 20 fois plus élevé pour les médicaments originaux. C’est ce que rapporte la Banque Mondiale dans un document de 60 pages, publié le 1er juin dernier sur son site, et intitulé « The Effects of taxes and Social Spending on the Distribution of Household Income in Mauritius ». 

En fait, Marco Ranzani, l’auteur de ce rapport, relève ces informations d’une étude, réalisée l’année dernière, (Nundoochan et al 2018), elle-même basée sur une étude intitulée : « Progress on impoverishing health spending in 122 countries : a retrospective observational study ».

D’emblée, Siddick Khodabaccus, président de la Small & Medium Phamarceutical Importers Association, et Avinash Dabydoyal, vice-président de la Pharmacy Association of Mauritius (PAM) et responsable de FTM (Mauritius) Ltd, précisent que les prix des médicaments sont contrôlés (voir détails plus loin). « Une fois que nous avons obtenu le prix pour un médicament du fournisseur, nous le soumettons au Pharmacy Board en vue d’obtenir son aval avant de pouvoir en importer. » Ils s’accordent à dire qu’il existe plusieurs éléments qui peuvent faire grimper le prix d’un médicament. 

Les prix des médicaments sont contrôlés

Faible demande. Avec une population de 1,3 million d’habitants, notre demande en médicaments serait relativement faible comparé aux grandes nations. C’est ce qu’indique Avinash Dabydoyal. « Si, en tant que distributeur, je passe une commande pour 5 000 unités d’un médicament, c’est toute une ligne de production que le fabricant va devoir engager pour leur fabrication. Cependant, ce serait loin d’être rentable pour lui qui en fabrique des millions. Il peut alors choisir de nous faire payer plus cher et cela aura indéniablement un impact sur le prix de vente à la pharmacie. » 

Imbriquée à d’autres commandes. Certains fabricants exigeant un Minimum Order, il n’est parfois pas possible d’importer certains médicaments, à condition d’attendre que le fabricant obtienne une commande raisonnable en quantité. « Du coup, le fabricant imbrique notre commande à celle d’un autre client et il nous faut donc attendre », explique Avinash Dabydoyal. Ce serait d’ailleurs à cause de ce temps d’attente qu’il y a des fois une pénurie d’une marque de médicament spécifique sur le marché.

Appel aux grossistes. Lorsqu’un médicament est requis en petite quantité et rapidement, Avinash Dabydoyal souligne qu’il faut se tourner vers un grossiste de l’étranger. Il ajoute : « Cependant, le Pharmacy Board et le client doivent être d’accord sur le prix demandé. Le grossiste peut choisir d’imposer une marge de profit sur le médicament, faisant ainsi grimper le prix. Vu que nous en avons grandement besoin, la possibilité de marchander est limitée. »

Les dépenses additionnelles. Le fret, l’assurance, les frais de licence, le marketing, les frais opérationnels. Ce sont autant de dépenses à tenir en compte dans l’importation des produits pharmaceutiques. Des dépenses qui viennent s’ajouter sur le prix obtenu du fournisseur. « Cela dit, elles ne dépassent généralement pas les 10 à 15 % du Cost Price du médicament, indique Siddick Khodabaccus, le président de la Small & Medium Phamarceutical Importers Association. La marge de profit de 11 % est ensuite calculée en tenant compte de toutes ces dépenses additionnelles que nous devons encourir. » 

Le taux de change. Un élément qui serait non négligeable dans le calcul du prix d’un médicament à la distribution, c’est le taux de change. « Nombreux sont ceux qui pensent, à tort, qu’ils paient les médicaments au prix fort mais il faut aussi tenir compte que notre roupie est en train d’être dévaluée, fait valoir Siddick Khodabaccus. Un suivi de la fluctuation du dollar au cours de ces dernières années est révélateur. » 


Sadeck Vawda, General Manager d’Unicorn : «Trois médicaments sur cinq sont des génériques»

Le marché de produits pharmaceutiques à Maurice est composé entre 60 et 70 % de produits génériques. C’est ce qu’indique Sadeck Vawda, General Manager de Unicorn MSJ Ltd, engagée dans l’importation et la distribution de médicaments à Maurice. Ces génériques, dit-il, peuvent être classifiés en deux groupes. D’un côté, ceux qui proviennent d’Europe se vendent à 50 et 60 % du prix original. D’autre part, ceux en provenance de l’Inde ou du Pakistan se vendent dans une fourchette de 20 à 30 % du prix de l’original. Toutefois, ajoute Sadeck Vawda, les Mauriciens sont nombreux à opter pour les originaux, beaucoup plus cher, ou leur équivalent générique européen, dont les prix sont plus élevés que ceux de l’Asie. De nombreuses raisons peuvent expliquer cela : 

La Doctor’s Preference. Certains médecins préfèrent prescrire des médicaments originaux. Ou alors, ils vont prescrire leur équivalent européen. Certains médecins tiennent toutefois compte du budget du patient et vont, dans certains cas, leur prescrire les génériques de l’Inde ou du Pakistan.

Les exigences du patient. C’est un élément important dans le choix du médicament. « Certains vont demander à leur médecin de leur prescrire des génériques européens car ils sont convaincus que ces derniers sont plus efficaces », indique Sadeck Vawda. 

La « bioéquivalence ». Sur le marché européen, lorsqu’un générique est conçu, il faut montrer la bioéquivalence de celui-ci. C'est-à-dire que lorsque le principe actif du générique est administré à la même concentration que celui de l’original, par exemple, il doit normalement engendrer les mêmes effets. « Cependant à Maurice, cela n’est pas vraiment tenu en compte. Ce qui fait que certains médecins ne veulent pas prescrire les génériques qui n’ont pas montré une bioéquivalence », avance Sadeck Vawda.

Les habitudes. Les habitudes des Mauriciens déterminent aussi le choix des médicaments. « Si le patient est déjà utilisateur d’un médicament spécifique d’une certaine couleur spécifique, mais que le médecin lui en prescrit d’une autre marque et d’une autre couleur, cela peut avoir un effet psychologique sur lui », souligne-t-il.

Medicaments

Des profits ne dépassant pas 33 %

La marge de profit sur les produits pharmaceutiques est « plafonnée » par le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Protection des consommateurs. C’est ce qu’indique Avinash Dabydoyal, le vice-président de PAM. « Les distributeurs bénéficient d’une marge de profit de 11 % seulement sur le Cost Price, et d’ailleurs, cette marge est source de mécontentement parmi les distributeurs qui auraient souhaité que les autorités la revoient à la hausse. Cela devient compliqué pour faire le marketing d’un produit, par exemple, alors que dans d’autres secteurs, l’on autorise des mark-up allant jusqu’à 30 voire 40 %. » 
Siddick Khodabaccus fait, lui ressortir que dans certains pays, la marge de profit autorisée sur les médicaments avoisine les 50 %. « À Maurice, la marge est très faible et les pharmaciens disposent d’une marge de profit autour de 22% sur le prix livré par le distributeur. » Au cumulé, un médicament ne peut être vendu avec un profit de plus de 33 %. 

L’importation parallèle menacée ?

L’importation parallèle des médicaments serait un moyen efficace pour combattre toute exagération dans les prix de vente. C’est ce qu’affirme un groupe d’importateurs. « Il s’agit du même produit mais la distribution est différente. C'est-à-dire que l’importateur se l’est procuré d’un autre pays où il a obtenu le même médicament à un meilleur prix », expliquent-ils.  A les croire, cette pratique serait toutefois menacée. « Certaines sociétés importatrices ont trouvé un moyen tout à fait légal pour empêcher l’importation parallèle d’un produit. Ils enregistrent la marque du médicament auprès des autorités douanières ou alors ils font enregistrer le nom du laboratoire ou encore le logo afin de toucher un plus grand nombre de produits », ajoutent-ils tout en soulignant que cette pratique ne serait pas dans l’intérêt des consommateurs. « Ce faisant, on ne favorise pas la compétition qui peut faire baisser le prix d’un médicament. » 

Les originaux trois fois plus cher que les génériques

Autre constat fait dans le rapport de la Banque Mondiale : les originaux se vendent trois fois plus cher que les génériques. Pour Avinash Dabydoyal, la raison est simple. « Le fabriquant du produit novateur va inclure dans son prix de vente les dépenses encourues pour les recherches, les essais cliniques, le développement, le marketing, etc. Alors que pour les médicaments génériques, c’est quasiment la même chose, avec les mêmes dosage, indication et administration, mais les prix sont beaucoup moins cher car les fabricants de ces génériques n’ont eu qu’à analyser le produit original pour en faire un produit équivalent. » Avinash Dabydoyal souligne aussi qu’avant de pouvoir produire un générique, il y a généralement un laps de temps, dont parfois une vingtaine d’années.

Rs 4 milliards dépensées en 2017 

Medicaments
La pratique de l’automédication ne fait que grossir davantage les dépenses

Les Mauriciens ont, en 2017, déboursé quelque Rs 4 milliards sous forme de dépenses personnelles (out of pocket expenditure) sur des produits pharmaceutiques. C’est ce qu’indique Marco Ranzani dans son rapport.

Les frais de consultation (consultation fees) s’élevaient pour la même période à Rs 2,8 milliards, alors que quelque Rs 2,1 milliards ont été déboursées en faveur des centres de santé privé. L’étude de Nundoochan et al 2018, intitulé « Impact of out of pocket payments on financial risk protection indicators in a setting with no user fees : the case of Mauritius », soutient que les Mauriciens paient, dans la grande majorité des cas, de leur poche pour des soins dans le privé car les assurances maladies comptaient pour seulement 3,4 %.

En fait et en 2014, les Mauriciens ont accordé plus de la moitié de leur budget à la santé, soit 51 % au privé. Toutefois, les auteurs soulignent que seulement 27,2 % des soins ont été prodigués dans le privé. Ce qui pousse les auteurs à conclure que cette somme a été grandement utilisée sur les produits pharmaceutiques (27,07 %), et suivi des Medical Supplies & Disposables avec 20,28%. 

Au chapitre des médicaments, justement, Nundoochan et al sont d’avis qu’il existe une perception dans la tête des Mauriciens à l’effet que les médicaments originaux seraient plus efficaces que leurs équivalents génériques. « In Mauritius, instead of making good use of generic medicines from public health facilities, substantial number of households prefer to pay for brand name medicines », écrivent-ils. 
La pratique de l’automédication ne fait que grossir davantage les dépenses des Mauriciens sous forme de produits pharmaceutiques. « These have important cost implications for the household as well as on the incidence of Catastrophic Health Expenditure. » 

En sus, une étude sur les prix des médicaments à Maurice démontrerait que, dans le secteur privé, les génériques les moins coûteux se vendaient jusqu’à six fois leur prix de référence à l’international alors que pour les médicaments originaux, les prix étaient 20 fois plus élevés. « On average, the survey estimated that originator brand premium of medicines is at least three fold costlier compared to the lowest generics medicine products in the private sector. » Cependant, soulignent-t-ils, dans le secteur public, les génériques sont achetés à 34% moins cher que leur prix de référence à l’international.  

Assurance pour les fonctionnaires : diminuer le temps d’attente dans les hôpitaux

L’étude de Nundoochan et al aborde aussi un volet sur l’introduction d’une assurance pour les fonctionnaires où le gouvernement paiera la moitié du premium. Selon eux, cette mesure - qui touchera au bas mot 30 000 fonctionnaires, selon les auteurs – n’aura pas d’impact direct sur les pauvres mais elle permettra de décongestionner les hôpitaux publics et de diminuer le temps d’attente « as more civil servants resort to medical care privately ». 

En effet, les auteurs considèrent que le temps d’attente dans les hôpitaux, souvent très long, est un élément qui décourage ceux au bas de l’échelle de se tourner vers les hôpitaux publics pour des soins car ils doivent souvent s’absenter du travail et renoncer à leur salaire. « Reducing the bottleneck at public hospitals will incite the poor population to seek treatment in public facilities. Thus, avoiding the likelihood of catastrophic payments. »


Marge de profit maximum : une quinzaine de produits concernés

À l’instar des produits pharmaceutiques, il y a une quinzaine d’autres sur lesquels la marge de profit est « plafonnée » par le ministère de l’Industrie, du Commerce et la Protection des consommateurs. Ils sont les fours électriques/gaz, cocotte-minute, grille-pain, aspirateurs, chauffe-eau, thés, fruits importés (frais), produits alimentaires pour bébé, cahiers, peintures, savons/détergents/poudres à récurer, télévisions, bois, pneus et chambres à air.


42 importateurs enregistrés auprès de la Santé

SDDM, Scott Health Ltd, Ethimed Pharma, Groupe Nazroo Ocean Indien Ltd, Imex Pharma, AE Patel & Co Ltd, Anichem Pharmacy, Acrux Ltd, Biocom Ltd, Inicia Ltd, Chemtech Pharmaceuticals, Curepharma, Ducray Lenoir, Grays Ltd, FTM Ltd, Hyperpharm Ltd, IBL Ltd, Imaruss Holdings Co Ltd, Teeluck Wholesale, Keen Pharm, Mauripharm, Mauritius Pharmacy, Maurivet Ltd, Medicis Pharma, Nova Health Innovations Ltd, Novel Line Pharma Co Ltd, Pasteur Pharmaceuticals, Pharmacie Nouvelle, Pharmatrade, All Med Distributors, Pharmavision, PH Business Ltd, Parapharma, Socimed Ltd, Lemex Pharmaceuticals, Tropicale Ltd, Trident Healthcare Ltd, Unicorn MSJ Ltd, United Chemist, Vetopharma, Ajanta Pharma et Devpharm Ltd.
 

 

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