Covid-19 : des patients s’en remettent aux antiviraux

Depuis une semaine, les pharmacies sont prises d’assaut. La situation est telle que certains pharmaciens ont émis des directives sur la prise des médicaments. Les vitamines et antiviraux se vendent comme des petits pains, mais les spécialistes tirent la sonnette d’alarme contre ces traitements à domicile. 

Le Favipiravir et l’Ivernox ont la cote, alors que les cas positifs à la Covid-19 et le nombre de décès ne cessent d’augmenter à Maurice. Ces comprimés antiviraux, commercialisés sous le nom de Fabiflu et Ivermectin, sont combinés avec des antibiotiques par des Mauriciens en auto-isolement. À priori, ils semblent efficaces, au vu de l’expérience vécue par un quinquagénaire, aujourd’hui guéri de la Covid-19. En effet, Ajay Damoo, contaminé le mois dernier, est resté en auto-isolement. Son médecin traitant lui a prescrit le Favipiravir sur six jours. « Au bout de quatre jours, je me suis senti mieux. Les symptômes ne se sont pas aggravés. Après huit jours, je n’avais plus de toux et de douleurs », affirme-t-il. Son rétablissement, il l’attribue aux médicaments prescrits. 

Environ 100 personnes ont fait l’acquisition d’un de ces médicaments quotidiennement, durant les sept derniers jours dans une pharmacie de Beau-Bassin. Ce type de traitement coûte environ Rs 2 400. Selon Peggy, la gérante, certaines personnes achètent ces deux médicaments en guise de précaution et d’autres sont envoyées par leurs médecins. « Nous sommes presque en rupture de stock. C’est un signe que les gens paniquent. Il y a également des personnes qui viennent acheter des vitamines pour renforcer leurs systèmes », affirme-t-elle. 

Les trois étapes

Avec cette affluence de clients, la pharmacienne a affiché des directives et des conseils, comme celui de consulter  un médecin avant de se procurer des médicaments.  La fiche classe les étapes de la maladie en trois phases : 

Phase 1 : Concerne les mesures de protection et les gestes barrières pour ne pas attraper la maladie.  

Phase 2 : En cas de contamination : inhalation pour déboucher le nez, gargarismes, eau chaude et agrume. 

Phase 3 : Avec l’apparition des premiers symptômes, surtout si le patient a des comorbidités, il faut prendre  des médicaments et surtout surveiller son taux d’oxygène dans le sang. 

Cependant, Peggy estime qu’il faut obligatoirement avoir l’avis d’un médecin avant de suivre des traitements. Les patients doivent faire preuve de prudence estime, pour leur part,  de nombreux spécialistes, dont le virologue Shameem Jaumdally. Pour lui, l’automédication peut se faire lors de l’apparition de faibles symptômes comme des maux de tête, des complications gastro-intestinales et la toux, entre autres. Cependant, il explique que le Favipiravir ou l’Ivernectin n’ont ni montré une efficacité contre le développement de maladies sévères ni contribué à l’amélioration des conditions vitales. Selon le Dr Jaumdally, ces médicaments ne sont pas appropriés pour traiter la Covid-19. « Il se peut qu’une personne prenne ces médicaments en pensant qu’elle est guérie. Et si ce n’est pas vrai et en cas de détresse, elle va demander une assistance médicale, qui, si elle vient tardivement, peut s’avérer mortelle », affirme-t-il. 

Dr Nand Pyndiah, virologue, estime de son côté que le maintien des gestes barrières pour ne pas être contaminé est la meilleure solution. Il conseille aux gens d’éviter l’automédication et demande aux malades de ne pas prendre les antiviraux présents sur le marché. « Ils n’ont pas été conçus pour traiter les mêmes maladies. De plus, ils peuvent affecter des organes, si le dosage n’est pas approprié. Il faut demander de l’aide à des spécialistes et ne pas suivre la tendance. Il ne faut pas traiter la Covid-19 comme on traite un rhume », fait-il ressortir.

Risque d‘affecter les organes 

Ce médicament est offert aux patients avec de très faibles symptômes à l’hôpital ENT. C’est la confirmation que nous avons obtenue d’un responsable du ministère de la Santé, qui est aussi membre du comité national de coordination de la Covid-19. Il précise que le Favipiravir n’est pas un traitement, mais aide à soulager ceux ayant de faibles symptômes. Notre interlocuteur ajoute que ce médicament n’a pas été accepté comme traitement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), même s’il est disponible sur le marché local. Pourtant, le Favipiravir est utilisé au Japon (pays de sa conception) pour traiter les grippes. Il a été prouvé qu’il a un effet sur les individus infectés à la Covid-19, car il diminue la multiplication du virus. 

« À Maurice, le comité thérapeutique a approuvé l’utilisation du Favipiravir pour traiter les personnes qui ont de faibles symptômes ou celles qui viennent d’être contaminées », c’est du moins ce qu’affirme le responsable de l’hôpital ENT de Vacoas, le Dr Soobaraj Sok Appadu. 

Il met, cependant, les gens en garde contre l’utilisation de l’Ivermectin. Ce médicament n’a aucune référence concluante en termes d’utilisation contre la Covid-19. « Ne prenez pas de médicament sans l’avis d’un spécialiste, car vous risquez d’endommager vos organes », prévient-il.