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COP27 en Égypte : le paradoxe mauricien

Sunil Dowarkasing

C’est ce dimanche que s’ouvre la COP27 en Égypte. Le ministre de l’Environnement s’y rendra au courant de la semaine. Entre-temps, Sunil Dowarkasing, ancien directeur de projets de la commission Maurice île Durable, se pose des questions sur les ambitions et engagements réels de Maurice.

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Davantage de mesures sont nécessaires si nous voulons atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. À Maurice, l’ancien directeur de projets de la commission Maurice île Durable note plusieurs contradictions dans la volonté affichée de privilégier les énergies vertes et diminuer les émissions.

De 2015 à ce jour, le gouvernement mauricien a soumis deux Nationally Determined Contributions (NDC). L’une en 2015 et l’autre en 2021, comme l’exige l’United Framework Convention on Climate Change (UNFCCC). Ces NDC, explique Sunil Dowarkasing, reflètent l’engagement du gouvernement à lutter contre le changement climatique et réduire ses émissions.

En 2015, suivant le sommet de Paris, les autorités mauriciennes avaient déclaré, entre autres mesures, que d’ici 2030 les émissions seraient réduites de 30 % par rapport au baseline de 1990. Au lieu de cela, fait observer Sunil Dowarkasing, nos émissions de CO2 continuent d’augmenter de façon exponentielle de 3,4 % par an. Et elles ont même atteint une augmentation de 30 %.

« C’est dans ce contexte de faillite de notre politique d’atténuation que Maurice a entamé la révision de ses NDC en 2021. Le gouvernement a bénéficié de 500 000 euros, soit plus de 20 millions de l’AFD et l’ONU pour cette tâche », poursuit l’expert en développement durable. 

Les pays étant tenus de relever leurs ambitions, le gouvernement mauricien a annoncé sa volonté de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 contre l’objectif initial de 30 %. « Le gouvernement vise à atteindre 60 % de la production d’énergie à partir de sources vertes d’ici 2030, en supprimant progressivement l’utilisation du charbon et en augmentant l’efficacité énergétique de 10 % sur la base d’une référence de 2019. »

Mais en 2022, que disent les chiffres, veut savoir Sunil Dowarkasing. En 2021, il y a eu une diminution de 5,0 % de l’approvisionnement en énergie à partir de sources renouvelables locales. « L’approvisionnement énergétique à partir du charbon a augmenté de 11,5 %, passant de 410 ktoe à 457 ktoe. Comment passera-t-on à 60 % de production d’énergie à partir des ressources dites vertes dans huit ans ? »

Sunil Dowarkasing commente également la déclaration du ministre de l’Environnement sur les quelque 6,5 milliards de dollars qui seront nécessaires pour mettre en œuvre la NDC. Le gouvernement et le secteur privé fourniront des financements à hauteur de 2,3 milliards de dollars, tandis que des donateurs seront recherchés pour le reste. « Croit-on vraiment que nous aurons Rs 180 milliards pour mettre en œuvre notre NDC. Is this a joke ? » s’exclame-t-il. 

Du reste, fait-il remarquer, juste après avoir assisté à la COP26, le Premier ministre a présenté au Parlement l’Offshore Petroleum Bill, mettant Maurice au même niveau que les pays pollueurs. « Je me pose la question de savoir à quoi sert le Climate Change Act, si les émissions de CO2 continuent d’augmenter. Sans compter qu’à la veille de la COP27, le Premier ministre a annoncé au Parlement que le pays allait de l’avant avec l’exploration du pétrole dans nos eaux », souligne-t-il.

Impact sur le tourisme 

Pourtant, il y a urgence. Sunil Dowakasing précise qu’une étude menée par l’Académie nationale des sciences des États-Unis a souligné que le risque qu’un cyclone tropical majeur se produise dans le bassin sud de l’océan Indien augmentera de 18  % chaque décennie. « On aura plus de cyclones qui mettront en péril la vie et la survie quotidienne des Mauriciens. Cela rejoint les prévisions du Tourism Sector Strategy plan for Mauritius, lequel estime qu’au cours des 50 prochaines années, la moitié des plages seront perdues au point de ne plus accueillir de visiteurs. » Et d’ajouter que les phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les fortes pluies, les tempêtes et les crues soudaines, sont susceptibles de devenir de plus en plus fréquents et intenses à Maurice. 

Sur le plan économique

D’autre part, selon le rapport de la Banque mondiale intitulé Disaster Risk Profile of Mauritius, le pays fait déjà des pertes de 110 millions USD par an en raison des catastrophes naturelles. Il est prévu que les pertes économiques augmentent de manière significative pour atteindre 1,9 milliard de dollars américains par an d’ici la fin du siècle, en conséquence directe du changement climatique. 

« La population côtière, ainsi que les infrastructures, sont fortement menacées par l’érosion côtière causée par l’élévation du niveau de la mer », prévient l’écologiste.

COP27 : quelle importance pour l’Afrique ?

En termes d’atténuation des effets du changement climatique, Sunil Dowarkasing soutient que l’Afrique est déjà « net positive ». Car bien qu’abritant 17 % de la population mondiale, elle n’est responsable que de moins de 4 % des émissions totales. 

« Selon une analyse de l’African Climate Policy Center pour les pays africains, un réchauffement de plus de 2°C signifie une perte de PIB d’environ 5 % par an d’ici 2030 », fait-il savoir. Il est d’avis qu’avec le bon soutien, l’Afrique peut passer du modèle de développement actuel à un modèle plus durable. 

« Il n’y aura pas de reprise verte mondiale si l’Afrique ne fait pas partie du paquet d’investissements. » D’autant que, selon la Banque africaine de développement, ajoute Sunil Dowarkasing, les contributions déterminées au niveau national des pays africains représenteront une opportunité d’investissement de plus de 3 000 milliards de dollars d’ici 2030.

Kavi Ramano présent à la COP27

Du 6 au 18 novembre, chefs d’État, ministres et négociateurs, mais aussi des militants pour le climat, des maires, des représentants de la société civile et des chefs d’entreprise se réuniront dans la ville côtière égyptienne de Charm el-Cheikh pour le plus grand rassemblement annuel sur l’action climatique. La 27e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP27) s’appuiera sur les résultats de la COP26 pour agir sur un éventail de questions essentielles afin de faire face à l’urgence climatique. Le ministre de l’Environnement Kavi Ramano sera présent. Il quitte d’ailleurs le pays au courant de la semaine avec les techniciens de son ministère pour la COP27.

 

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