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Contribution des esclaves au développement de Maurice: Benjamin Moutou rétablit les faits

L’image de l’esclave africain et de ses descendants a souvent été réduite au rang de clichés à Maurice : paresseux, libertin, fuyard… Dans son ouvrage intitulé « The economic impact of slaves and their descendants on the development of Mauritius », Benjamin Moutou tente de rétablir les faits. Il y recense les grands travaux accomplis par les esclaves, sans jamais obtenir de reconnaissance pour leur contribution.

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Selon Benjamin Moutou, que ce soit pour la construction des pyramides d’Égypte ou du Taj Mahal, en Inde, l’histoire ne retient que les noms des grands hommes, les commanditaires de ces monuments, mais jamais ceux des milliers d’individus, anonymes, femmes, hommes et enfants qui ont érigé ces édifices par leur sang et leur sueur. « À Maurice, la situation est semblable. Depuis la période coloniale à ce jour, les autorités n’ont jamais reconnu la contribution des esclaves au développement de Maurice, que ce soit dans la pose des rails pour le chemin de fer, les travaux sur les sucreries ou pour le gouvernement. Il n’existe aucune plaque pour honorer cette contribution », souligne-t-il.

Mais ce déni n’est pas le fruit du hasard. Il trouve son explication dans le rôle assigné aux esclaves par les colons. À l’article XXXIX du Code Noir, on peut lire ceci : « Voulons que les esclaves soient réputés meubles, et comme tel, qu’ils entrent dans la communauté qu’il n’ait point de suite par hypothèque sur eux qu’ils se partagent également des cohéritiers. » À l’article VII, le statut légal des esclaves devient encore plus contraignant : « Les enfants qui naîtront des mariages entre les esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si les maris et les femmes ont des maîtres différents. »
[blockquote]« Depuis la période coloniale à ce jour, les autorités n’ont jamais reconnu la contribution des esclaves au développement de Maurice...»[/blockquote]

[row custom_class=""][/row] Durant les 60 années pendant lesquelles les Hollandais ont occupé l’île, les esclaves étaient déjà soumis à rude épreuve. Ils étaient utilisés pour exploiter et décimer les forêts d’ébène – 4 500 tonnes expédiées en Batavie – ainsi que pour l’exportation, de Rodrigues, de quelque 350 000 tortues. Mais c’est sous le mandat de Mahé de La Bourdonnais que la main-d’œuvre noire a été pleinement exploitée. Ce dernier voulait que Port-Louis devienne un point important de ravitaillement sur la route des Indes. Pour ce faire, il s’est lancé dans de grands chantiers, dont le developpement d’infrastructures routières, ainsi que la construction d’un hôpital militaire, de canaux, de réservoirs et de fortifications. Des travaux qui ont tous été confiés aux esclaves et à une petite communauté de Pondichériens. Aujourd’hui, indique Benjamin Moutou, lorsque l’on visite ces fortifications – dont les Tours Martello et la Batterie des Tonneliers –, on peut se rendre compte des efforts considérables qu’a dû fournir la main-d’oeuvre pour extraire les pierres des cratères de volcan et les transporter sur le dos en parcourant de longues distances. « Even today, one can still admire the stone structures put up by slaves at the Line Barracks in Port Louis, Les Casernes Centrales. Fort George, Fort Williams, Fort Adelaide (Citadelle), the Martello Towers and impressive disaffected chimney sugar mills of former sugar factories amidst sugar cane plantations just remind us of the genius, courage and strength of the slaves and their descendants », peut-on lire dans cet ouvrage de l’auteur. Les conditions de vie des descendants d’esclaves se sont-elles améliorées après l’Indépendance ? Benjamin Moutou tient ainsi à rappeler la création et le succès de la zone franche, grâce à une armée d’ouvrières jeunes et pauvres. Que serait devenu le port sans les dockers des années 60-70 ? Quid du travail des maçons sur les grands chantiers de l’île ? « During slavery, their ancestors were the only people to be involved in all kinds of construction works as already pointed out. Even today, this industry is characterised by an overwhelming presence of people of African origin. In spite of their enormous contribution as artisans and skilled workers, their unfailing courage and labour have never been acknowledged, a plaque has yet to be sealed to remind us of their invaluable contribution in development of our country », conclut Benjamin Moutou.  


   

Questions à...

Est-ce un énième ouvrage que le vôtre sur la période de l’esclavage à Maurice ? Non, car la plupart des livres d’histoire passent sous silence le travail accompli par les esclaves à Maurice. C’est une chape de plomb qui recouvre cette partie de notre histoire. Il y a toujours eu cette perception selon laquelle l’esclave n’était qu’un être paresseux et bête toujours prêt à s’enfuir. Durant une partie de l’occupation hollandaise et la colonisation française, les esclaves ont accompli l’essentiel des grands travaux. On peut les recenser : la pose des rails, des fortifications aux aqueducs, en passant par l’hôtel du gouvernement et le Jardin de Pamplemousses. Dans ce dernier cas, l’histoire préfère citer Pierre Poivre et Nicholas Céré. Qui a voulu cela ? C’était la mentalité coloniale. L’histoire des Noirs de Maurice est une histoire non écrite. En 1835, lorsqu’est proclamée l’Abolition de l’esclavage, où l’esclave est censé devenir un citoyen libre, ce jour-là on va fêter l’anniversaire du Prince de Galles. Ce n’est qu’en 2001, à la demande de sir Anerood Jugnauth, que sera décrété un jour férié pour commémorer l’Abolition de l’esclavage. Dans votre livre, vous n’attribuez pas aux seuls Européens le titre de pionniers de la traite des Noirs… L’esclavage existait au temps de la Grèce antique, de l’Égypte des pharaons, entre autres. Mais les premiers esclavagistes ont été les Arabes ; ils ont été les premiers à vendre des Noirs aux esclavagistes. Ils prenaient même la peine de castrer les hommes, afin qu’ils ne fassent pas souche.

 

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