La presse peut-elle tout écrire au nom de la liberté d’informer ? Ludovic Hennebel, professeur à la faculté de droit de l’université d’Aix-Marseille, fait observer que « la question reste complexe lorsqu’on aborde le cas de Maurice par rapport aux pays européens, dont la Scandinavie surtout ».
Invité du Media Trust, en collaboration avec la National Human Rights Commission, Ludovic Hennebel, professeur à la faculté de droit de l’université d’Aix-Marseille, va participer à une série d’activités dans le cadre d’un projet soutenu par l’Union européenne (UE) pour la promotion des Droits de l’Homme.
Le mercredi 2 mai, au siège du Media Trust, aux côtés de l’ex-juge Dhiraj Seetulsing et d’Anil Surajbali, président du board du Trust, Ludovic Hennebel , d’emblée, se définit comme adversaire de toutes les interdictions, faisant ressortir l’obligation faite aux états démocratiques de protéger et de respecter la liberté d’expression dans les journaux.
À cet effet, il est convaincu que « ce serait une atteinte à la liberté d’expression de la presse. L’État doit s’ériger en défenseur face à toute menace sur cette liberté ». En cas d’atteinte à cette liberté, il appartient à l’État d’enquêter et de sanctionner, poursuit l’universitaire, tout en précisant que cette liberté s’inscrit dans un cadre et dans un contexte qui impliquent des responsabilités.
Mis en présence des témoignages concernant les réalités mauriciennes sur la place qu’occupe la religion dans l’espace public, Ludovic Hennebel n’a pas manqué d’exprimer un certain étonnement, compte tenu des dispositions de la Cour européenne des droits de l’Homme.
S’il fait valoir que la liberté d’expression est le fondement de toute société démocratique, il soutient toutefois que certains discours peuvent heurter et choquer. Mais le conférencier estime salutaires ces discours s’ils enrichissent les débats publics.
« Cette liberté, c’est l’essence de la tolérance et de l’ouverture », dit-il, mais lorsqu’il évoque des discours, il en appelle à la prudence face aux propos haineux touchant aux races, ethnies et minorités. Et d’observer : « Mais il faut une base légale pour interdire des discours. Mais tout n’est pas toujours évident, il y a parfois des lignes rouges à ne pas franchir. »
Attentats du 11 septembre 2001
Fallait-il interdire à un petit journal basque de légender une caricature publiée deux jours après les attentats du 11 septembre 2001 comme suit : « Nous en avons tous rêvé, le Hamas l’a fait ? » Poursuivi en France par des magistrats français pour ‘apologie du crime’, le journaliste s’était pourvu devant la Cour européenne des droits de l’Homme. L’arrêt de cette cour avait fait valoir
« que l’apologie du crime n’est justifiée par aucune idéologie, ni atténuée par le ton de ‘plaisanterie’ ». Ludovic Hennebel estime, lui, que c’était une mauvaise décision, mais qui avait le mérite de contribuer aux débats publics.
Posée dans le contexte mauricien, cette légende serait interdite, mais le conférencier aborde la problématique sous l’angle de la caricature, comme la polémique des caricatures du prophète Mohamed, qui a valu à la rédaction de Charlie Hebdo d’être décapitée par un attentat terroriste le 7 janvier 2015 à Paris.
« En fonction du pays, ça peut choquer en fonction du lectorat », reconnaît-il, avant d’ajouter : « Parfois, il faut aussi faire de la caricature pour provoquer la réflexion. » Commentant le blasphème, relatif à la polémique sur les caricatures de Charlie Hebdo, Ludovic Hennebel fait observer que la limite est dépassée quand le discours devient haineux.
Dans le champ politique, le conférencier fait valoir que les hommes politiques doivent s’attendre à des « moqueries », surtout durant les élections car ils sont des personnalités publiques. « Quelle est la limite dans ce qui choque ? Il s’agit davantage d’une question d’interprétation », soutient-il.
S’agissant du débat relatif à l’interdiction du port du voile musulman à l’école ou dans les mosquées, il fait observer que les adversaires du voile se réclament du christianisme, entre autres. Partisan farouche de la liberté de la presse, il affirme que face aux politiciens, la presse ne doit pas hésiter à faire « feu à volonté » car « il y a un intérêt à connaître », « un devoir d’informer », en protégeant ses « sources ».
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