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Christian Bernard - Sa mission : sortir les enfants de Tranquebar de la rue

Christian Bernard

Membre de l’Unicef depuis 30 ans, ce Français est à Maurice depuis 18 ans. Philanthrope, ce père de famille veut voler au secours des enfants de Tranquebar à travers l’École de foot qu’il dirige. Récit.

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« J’ai un rêve : trouver une grosse compagnie à Maurice pour qu’elle devienne notre sponsor et en même temps pour véhiculer ses valeurs »

Christian Bernard est le président de l’École de foot du Champ-de-Mars. Cette école regroupe entre 40 et 50 enfants. Elle rassemble une bonne partie des enfants de la région, de Tranquebar en majorité. « Qui dit Tranquebar, dit région défavorisée. Moi-même, je suis né dans un quartier déshérité en France, donc je sais ce que cela peut être. Ainsi, j’essaie de mettre à contribution mon expertise », déclare notre intervenant.

Le principal souci de Christian Bernard : il éprouve beaucoup de difficultés à trouver des parrains, des sponsors. « On a eu des sponsors par le passé, mais il leur est advenu des choses qui ont défrayé l’actualité, mais passons ! Je ne souhaite pas faire de la politique avec les enfants, surtout pas. Quant aux députés, je sais ce que je peux attendre d’eux. Si j’ai besoin de rien, je leur téléphone ! » déclare-t-il.

« J’ai un rêve »

« J’ai un rêve : trouver une grosse compagnie à Maurice pour qu’elle devienne notre sponsor et en même temps pour véhiculer ses valeurs. Ce qui nous évitera de courir chaque année après Pierre, Paul et Jacques pour récupérer Rs 500 par ici, Rs 300 par là », nous confie Christian Bernard.

« Si des sponsors veulent véhiculer des valeurs que je prône, alors c’est bon pour moi. Pour moi, les valeurs du sport, ce sont les échanges, la solidarité, l’entre-aide. Les vraies valeurs de la vie. La rage de vaincre, de réussir. Même s’il n’y a pas de réussite au bout, on sera heureux d’avoir sorti les enfants de la rue. Sinon, vous savez ce qui se passera si vous laissez ces enfants dans la rue. Ils vont finir par tomber dans des travers (drogue, boissons, etc.) », ajoute-t-il.

Obstacle

Il reconnaît, toutefois, qu’il y a un obstacle. « À Maurice, on a maintenant un problème avec le CSR. C’est bon pour cette année, mais l’an prochain, l’argent du CSR ira dans les caisses de l’État. Comment sera réparti l’argent ? Les gens qui auront donné de l’argent n’en auront aucun contrôle. Le CSR est censé venir en aide aux associations. 50 ou 60 % de l’argent du CSR ne devront plus être versés aux associations, mais à un organisme de l’État, selon la nouvelle loi. Où sera la transparence quand on sait ce qui se passe ailleurs ? », martèle Christian Bernard.

« En France, j’ai été maire de ma commune de 18 000 habitants », relate le Français. « J’ai vu comment l’argent pourrit tout. Il y avait plein de magouilles. Mon mandat était de cinq ans, mais après deux ans, mon entourage s’est laissé influencer. Pourtant, c’était des gens intègres au départ. Après, ils ont commencé à brasser de l’argent, à récupérer des terrains pour leurs familles... C’est compliqué », se désole le président de l’École de foot du Champ-de-Mars.

Christian Bernard révèle qu’il a un projet pour la fin de l’année, pour novembre-décembre. « J’ai sélectionné les meilleurs joueurs pour faire une tournée à Rodrigues. Mais une tournée, ça se finance. On n’a non seulement besoin de donations ou d’équipements, mais aussi des billets d’avion. Je ne peux les payer en ballons de foot ou en maillots ! »

Le  souhait de Christian Bernard, c’est de « professionnaliser » l’association, d’essayer d’avoir des rentrées d’argent régulières. « J’ai réussi à faire cela en France. J’ai eu la chance de faire la connaissance d’un grand monsieur, le président du club de football Olympique Lyonnais. Sa société, Cegid, il l’a formée en même temps que j'ai formé la mienne. J’ai signé un contrat de formation / association avec lui, que j’ai fait estampiller par l’UEFA », relate-t-il. « Ici, c’est Maurice. Ce qui est valable en France, à Lyon, ne l’est pas forcément ici. Si j’étais à La Réunion, peut-être. »

« La maison du Français »

Christian Bernard, qui est à Maurice depuis 1999, s’est marié avec une Mauricienne en l’an 2000. Il a un fils et une fille. Il dit comprendre très bien le créole, mais avoue qu’il « fonctionne que dans la langue de Molière ». Il révèle que là où il habite est connue comme « la maison du Français ». « Mes portes sont toujours grandes ouvertes. J’ai la chance d’avoir un grand parc, une maison avec piscine, une table de ping-pong. Je fais bénéficier aux autres de ce que j’ai eu dans la vie. »

« Mais pour l’association de l’École de foot, j’ai besoin de moyens financiers », insiste le Français. « J’avais un sponsor jusqu’à hier encore mais, en dix mois, les promesses qu’on m’a faites... Les gens sont uniquement intéressés par ce qu’ils auront en retour. Genre : ‘Si vous m’achetez des équipements...’ J’ai dit au sponsor : ‘Écoutez monsieur, est-ce que les enfants de Tranquebar peuvent vous acheter des chaussures à Rs 5 000 ? Soit vous le faites généreusement, soit vous ne le faites pas. Vous m’avez fait des promesses depuis dix mois, monsieur. J’ai transmis l’information, j’ai créé des rêves chez les enfants. Dix mois après, vous me donnez huit ballons crevés.’ Je lui ai rendu son colis. Je lui ai dit : ‘Merci, mais ça ne vaut pas la peine.’ »

La famille s’est déjà rendue à Rodrigues. « C’est extraordinaire à Rodrigues, pour la mentalité. C’est la mentalité qu’il y avait il y a 18-20 ans à Maurice. On l’a perdue ! » s’exclame Bernard Christian.

Une équipe de foot féminine, oui, mais...

Le Français Christian Bernard avance qu’il préside l’École de foot du Champ-de-Mars en partenariat avec le ministère de la Jeunesse et des Sports, qui lui prête une salle près de Cité Guy Rozemont deux fois par mois pour la tenue des réunions. Christian Bernard a une petite anecdote à raconter.

« À Tranquebar, il y a un joli stade près du crématorium. Une fois, une politicienne devait donner des coupes aux garçons et aux filles. Elle m’a demandé où était l’équipe des filles. ‘Où sont les vestiaires et les toilettes pour les filles ? » lui ai-je répondu. « Vous mettriez votre fille dans cette équipe, avec ce qui se passe à des gamines de 13-14 ans ? Je ne peux pas faire une équipe de filles ici. Il n’y a ni vestiaires ni toilettes. » Elle m’a alors dit : « Ah ! Mais on n’a pas d’argent cette année, bla bla bla. » Je lui ai refilé : « O.K. Quand on aura des vestiaires, alors on verra. »

 

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