Pour avoir accès à l’eau, des habitants du Sud, dont des retraités, dépensent entre Rs 4 500 et Rs 6 000 auprès de camions-citernes du privé. La Central Water Authority n’arrivant pas à leur offrir un service décent, ils sont contraints de payer le prix fort. En outre, ce commerce d’eau est illégal.
On se croirait revenu dans les années 70. Depuis un peu plus d’un mois, le quotidien de nombreux habitants de Chemin-Grenier se résume à « bwar dilo kanal », « lav linz dan kanal », et « begn ek dilo kanal ». Les plus chanceux, c’est-à-dire ceux qui peuvent se le permettre financièrement, ont recours à des camions-citernes privés, mais à des prix exorbitants. Le montant facturé par les opérateurs oscille entre Rs 4 500 et Rs 6 000 pour 8 000 litres d’eau, ce qui représente la consommation moyenne d’une famille de quatre personnes pour quatre à cinq jours.
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Pour Maunique, retraitée, c’est pratiquement toute sa pension et son boni de fin d’année « kinn al dan dilo ». Son époux étant handicapé, c’est à elle qu’incombe la responsabilité de trouver de l’eau. Ne pouvant plus compter sur les services des camions-citernes de la Central Water Authority (CWA), qui se font rares depuis le mois dernier, elle n’a d’autre choix que d’avoir recours aux opérateurs du privé. « Depuis le 18 décembre, je dois trouver environ Rs 1 000 par semaine pour avoir de l’eau », nous dit-elle exaspérée.
Pour pouvoir stocker davantage d’eau pendant la période des fêtes, Maunique s’est associée avec des voisins afin de réunir la somme de Rs 6 000. « Cela nous a permis d’avoir un peu plus d’eau mais au bout de quelques jours, malgré toutes les précautions, la réserve était épuisée », raconte-t-elle.
À part la CWA, nul n’a le droit de puiser ni distribuer cette eau à des fins domestiques ou commerciales"
Qu’en est-il de la CWA, qui avait promis quatre heures de fourniture d’eau par jour ? « Nous avons attendu vainement. Nous nous sommes réveillés tôt pendant plusieurs jours pour attendre que le robinet coule enfin, mais rien », affirme Tiffany. Elle ne manque pas non plus de critiquer le service de distribution d’eau par les camions-citernes de la CWA. « Un vrai gaspillage. Les rares fois que ces camions viennent approvisionner la région, ils se contentent d’assurer la distribution dans les quartiers situés au bord de l’autoroute. Les maisons qui sont plus éloignées sont laissées pour compte », déplore-t-elle.
Entre l’incapacité de trouver des milliers de roupies chaque semaine pour s’approvisionner en eau auprès des camions-citernes privés et les caprices de la CWA, c’est vers un canal situé dans les bois de Chemin-Grenier que bon nombre d’habitants sont contraints de se tourner. Il s’agit d’un canal qui a été créé par une propriété sucrière et qui est alimenté par une cascade. Le hic, c’est que les habitants utilisent l’eau de ce canal pour laver le linge, pour se laver mais aussi pour boire.
« Nou fer enn manyer nou gard enn parti dilo kanal la prop e se samem ki nou servi pou nou bwar », explique Thérèse Lacase, une octogénaire. N’a-t-elle pas peur de tomber malade ? « Ziska ler nou pann malad. Me nou pena swa. Kouma nou pou fer pou bwar sinon ? Nou pa kav mor de swaf. En ce qui me concerne, je suis une vielle dame qui vit seule. Je ne peux pas me permettre de payer les services d’un camion d’eau, ni acheter des packs d’eau au supermarché. »
La situation de Pratima est tout autant compliquée. Pendant la période des fêtes, elle a passé la plupart de son temps chez sa mère qui doit rester alitée le plus souvent. « Comment pourrait faire ma mère sans mon aide. Elle ne peut pas se déplacer pour des démarches. C’est donc à moi de remuer ciel et terre afin qu’elle puisse obtenir l’eau nécessaire pour sa consommation ». Pratima est lasse de téléphoner sur la hotline de la CWA. « C’est tous les jours la même chanson. On se contente de prendre nos doléances et on nous répète la même chose : ‘Nous allons faire le nécessaire pour vous’. Mais c’est peine perdue. »
La plupart de ces habitants de Chemin-Grenier disent pourtant ne pas s’attendre à un service d’eau 24/7. « Nous avons habité la région toute notre vie et nous savons à quel point la situation de l’eau est précaire en fin d’année. Nous demandons juste à avoir le strict minimum pour étancher notre soif et maintenir une hygiène de vie décente. C’est tout ce que nous demandons. Car nous ne savons plus vers qui nous tourner pour avoir de l’argent pour acheter de l’eau ».
L’entreprise ciblée : « C’est faux ! »
Une société privée chargée du pompage d’eau usée est désignée par des habitants de Chemin-Grenier comme étant celle qui leur vend de l’eau de rivière. Le Défi Plus a contacté un employé de cette entreprise. Celui-ci dément : « C’est faux de dire que nous sommes en train de commercialiser de l’eau de rivière auprès d’habitants du Sud. Dilo larivier pa gagn drwa pran sa ! » Il ajoute que ce sont peut-être des camionneurs travaillant pour une autre compagnie qui se livrent à cette pratique illégale.
Des infractions à la CWA Act et à la Reserve Water Act
Au niveau de la Central Water Authority (CWA), on rappelle que puiser de l’eau dans une rivière ou tout autre source, sans permission et surtout sans permis, constitue un délit. « En vertu de la CWA Act, les cours d’eau, réservoirs et nappes phréatiques sont sous la responsabilité de la CWA, qui est mandatée pour extraire, traiter et distribuer l’eau de ces sources. À part la CWA, nul n’a le droit de puiser ni distribuer cette eau à des fins domestiques ou commerciales », indique Sunil Gopal, responsable de communication de l’organisme.
Autre disposition légale : les particuliers résidant à proximité d’une rivière ou sur un terrain pourvu d’une nappe phréatique ne sont pas autorisés à puiser l’eau pour l’usage domestique, sauf s’ils ont obtenu une autorisation de la Cour suprême. « Without the authority of the Supreme Court, no person shall draw water by means of machinery, or by turning aside any portion of the river or stream », peut-on lire dans la Reserve Water Act.
« Nous sommes très concernés par ce qui est en train de se passer à Chemin-Grenier. C’est très grave et ceux qui commettent ces délits doivent être punis », dit Sunil Gopal.
Quid des entreprises spécialisées dans l’embouteillage d’eau et la production de boissons gazeuses ? Notre interlocuteur répond que ces sociétés doivent avoir un permis de pompage délivré par la CWA afin de pouvoir puiser de l’eau dans les rivières ou les nappes phréatiques.
La police et le ministère de la Santé sont également habilités à sanctionner tout particulier ou entreprise qui enfreint les lois sur l’eau.
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