Le 14 février c’était la Journée internationale sur les cardiopathies congénitales. Cardiologue interventionnel pour adultes et enfants à l’hôpital Apollo Bramwell, le Dr Deshmukh Reebye fait le point des malformations cardiaques.
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Quelles sont les causes des lésions cardiaques à la naissance d’un enfant ?
Dans la grosse majorité des cas, il n’y a pas de causes directes. Mais il peut y avoir des causes chromosomiques ou familiales. Cependant, une femme enceinte devrait prendre beaucoup de précautions comme éviter la prise de certains médicaments qui peuvent nuire au développement de l’embryon. Une femme enceinte ne devrait pas consommer de boissons alcoolisées et ne pas fumer.
Auparavant, il y a avait une très grande incidence de maladies cardiaques chez les jeunes femmes qui n’étaient pas vaccinées contre la rubéole. Mais heureusement que ce vaccin est presque universel de nos jours et c’est un moyen de prévention.
Une femme qui tombe enceinte et qui développe le diabète gestationnel peut entraîner une cardiopathie. À moins que le diabète ne soit bien contrôlé.
Le diabète gestationnel semble être assez fréquent, comment expliquer cette situation ?
On ne peut pas prédire qu’une femme va développer le diabète pendant sa grossesse. Il y a des facteurs de risque comme l’obésité, mais il n’y a pas de cause à effet direct. Par exemple, il y a des femmes dans certaines tribus en Afrique qui traditionnellement prennent des suppléments de médicaments qui peuvent provoquer des cardiopathies congénitales.
Une femme qui est déjà sous médicament contre les épilepsies ou qui est sous anticoagulant doit planifier sa grossesse, car il peut y avoir des complications pendant la grossesse et ainsi donner lieu à des fœtopathies chez le nouveau-né.
Les femmes qui sont sous ce type de médicaments doivent prendre conseil avec leur médecin traitant.
Vous avez évoqué la planification de la grossesse. Est-ce que cela fait partie de nos mœurs ?
S’il n’y a pas de risque apparent, il n’y a pas vraiment lieu d’avoir une planification. Une femme qui a des cardiopathies doit prendre conseil. Mais en général, celles qui sont en bonne santé n’ont pas à prendre de précautions supplémentaires.
Elles ne doivent cependant pas être anémiques et doivent suivre convenablement leur tension artérielle. Cela fait partie des examens de routine. Les femmes enceintes reçoivent des suppléments de vitamines pour les aider à avoir une bonne grossesse.
Traitements palliatifs
Il y a des interventions qui sont palliatives dans des cas de cardiopathies congénitales. L’enfant n’aura pas un cœur normal, mais ce traitement va lui permettre de survivre. D’autres interventions palliatives devraient suivre au fur et à mesure que l’enfant grandit. Par ailleurs, on peut réparer une valve, mais elle peut s’abimer avec le temps. Ce qui fait qu’il faudra intervenir à chaque fois pour le remettre en état.
Bien planifier sa grossesse a des avantages n’est-ce pas ?
Oui. Certainement pour les couples qui sont à risque.
Est-ce qu’il y a eu de nombreux cas de cardiopathies congénitales à Maurice ?
La prévalence est presque universelle, c’est huit naissances sur mille.
«En règle générale, ceux qui ont été opérés peuvent mener une vie normale, avec des suivis médicaux réguliers»
Certains enfants doivent se faire opérer peu après leur naissance. Est-ce qu’une intervention chirurgicale est toujours nécessaire ?
Quand l’enfant né avec une détresse sévère parfois, il faut une intervention pour sa survie. Par exemple, dans des cas de maladie sévère diagnostiquée, lors d’une échocardiographie fœtale. Dans certains pays on conseille un avortement médical ou on prépare l’accouchement dans un centre spécialisé où la prise en charge peut se faire rapidement.
À Maurice nous avons fait des interventions sur ces nouveaux nés avec un certain type de maladie bleue. C’est la transposition. Si nous n’étions pas intervenus, l’enfant n’aurait pas survécu.
Quelles sont les chances de survie après une opération ?
Cela dépend de la sévérité de la cardiopathie. Dans la majorité de cas quand l’enfant est opérable, il y a des chances de survie d’au moins 97 %. La mortalité tourne autour de 3 % à 7 %.
Est-ce que l’enfant peut mener une vie normale par la suite ?
Oui, dans la majorité des cas l’enfant peut mener une vie normale. Mais dans le cas de certaines maladies complexes, l’enfant n’a pas une physiologie normale et il ne pourra pas pratiquer du sport.
En règle générale, les patients peuvent mener une vie normale, avec des suivis médicaux réguliers et avec la prise de médicaments parfois.
Vous avez parlé de prévention. Mis à part le vaccin contre la rubéole, est-ce qu’il y a d’autres moyens de prévention contre les cardiopathies congénitales ?
Il faut tout simplement faire preuve de bons sens, ne pas être en surpoids, surveiller sa tension artérielle et son diabète et surtout ne pas pratiquer l’automédication.
Il y a aussi la thalidomide. Il y a eu une épidémie de malformations sévère à cause de la prise d’un médicament prescrit contre les nausées pendant la grossesse. C’est quand on a découvert qu’il y avait des malformations à cause de la prise de ce médicament qu’on a dit qu’il faut prendre des précautions.
Est-ce que ces cardiopathies peuvent être détectées pendant la grossesse à travers des examens ?
Beaucoup de cardiopathies peuvent être détectées dès le très jeune âge du fœtus.
Est-ce qu’une intervention est possible avant la naissance de l’enfant ?
À Maurice nous ne l’avons pas fait, mais dans les grands centres de santé européenne ou américaine par exemple, cela est possible à travers le ventre de la maman. On peut dilater des valves trop serrées qui ne permettent pas la survie du bébé à la naissance. Cela se fait à travers le placenta. Même s’il y a des risques, cela a été fait avec succès dans beaucoup de centres hospitaliers dans le monde. Cela offre de meilleures chances de survie au bébé à naître.
Le ministère de la Santé fait appel à des chirurgiens étrangers pour des interventions délicates sur des patients. Pensez-vous que nous avons les équipements et compétences nécessaires ?
Malheureusement, ce n’est pas uniquement des équipements dont nous avons besoin. C’est aussi de formation dans un centre de santé qui reçoit beaucoup de patients pour avoir l’expérience nécessaire et le savoir-faire pour des cas complexes.
Il faut former des chirurgiens mauriciens, au lieu de solliciter l’aide des étrangers, bien que nous ayons toujours besoin de leur expertise dans des cas complexes.
Ce qui est important à Maurice c’est que les jeunes se lancent dans des interventions sans chirurgie comme implanter des valves dans le cœur par des moyens percutanés. Cela se pratique dans de grands centres hospitaliers.
Lors d’un congrès en pédiatrie interventionnelle, nous avons discuté des cas de malades atteints de la maladie bleue. À l’âge de quatre ans, on ne peut mettre une valve mécanique, mais tissulaire. Mais cela se détériore et chaque opération comporte un risque accru pour le patient. Depuis une quinzaine d’années, on intervient en percutané, c’est comme mettre un « stent » dans le cœur qui est comme une valve artificielle. Les jeunes chirurgiens en cardiologie devraient s’intéresser à cette technique pour pouvoir la pratiquer.
Sensibilisation sur les cardiopathies congénitales
La population devrait être sensibilisée davantage sur les cardiopathies congénitales, sinon c’est le fœtus qui est mis en danger. L’éducation est très importante pour la prévention dès la conception souligne le Dr Reebye. La planification de la grossesse est un avantage également pour éviter d’éventuelles complications. Par exemple, il ne faut pas être anémique, avoir suffisamment de temps de repos et prendre uniquement des médicaments prescrits par un médecin au lieu de pratiquer l’automédication.
Cette planification consiste aussi à s’assurer que la femme est en bonne santé avant de penser à concevoir un enfant. Il ne faut pas être sédentaire, ne pas avoir un taux élevé de mauvais cholestérol, savoir si on est diabétique ou pas. L’hypertension est dangereuse également. Un bilan de santé est utile avant la conception. À Maurice, on devrait communiquer les risques et faire entrer cela dans les mœurs des couples qui veulent avoir des enfants. Les antécédents familiaux doivent être passés en revue, afin de pouvoir évaluer les risques de problème de santé éventuelle qu’ils peuvent rencontrer.
Par exemple une femme qui accouche après l’âge de 40 ans a un plus grand risque d’avoir un enfant avec une malformation cardiaque. Le mieux c’est d’avoir son premier enfant le plus tôt possible.
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