
Fallait-il suivre ou ne pas suivre les recommandations du FMI ? La question fait débat depuis la récente publication du rapport de l’Article IV Consultation et du document « Selected Issues » du Fonds monétaire international. Ces documents renferment une série de recommandations reprises par le gouvernement dans le Budget. L’une de ces prescriptions est le très controversé relèvement de l’âge de l’éligibilité à la pension de vieillesse de 60 ans à 65 ans.
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1 Relèvement de l’âge d’éligibilité à la pension de vieillesse de 60 à 65 ans
Le FMI recommande cette mesure en raison du poids croissant des dépenses liées aux pensions, qui représentent environ 7,5 % du PIB — un niveau jugé élevé et difficilement soutenable à long terme. Le relèvement de l’âge d’éligibilité permettrait ainsi d’économiser jusqu’à 1,7 % du PIB à terme, selon le FMI. Une recommandation que le gouvernement a appliquée à la lettre. Cependant, face à l’impopularité de cette mesure, deux comités ont été mis en place pour étudier la mise en œuvre de soutiens financiers ciblés.
2 Suppression des Home Ownership et Home Loan Payment Schemes
Ces deux dispositifs — le Home Ownership Scheme (remboursement de 5 % à l’achat d’un bien immobilier) et le Home Loan Payment Scheme (remboursement de 5 % sur un prêt immobilier) — prendront fin le 30 juin 2025, peut-on lire dans les documents du Budget. Selon le FMI, leur suppression permettrait de réduire les dépenses publiques de 0,7 % du PIB et contribuerait à renforcer la stabilité financière.
3 Abolition de l’Independence Scheme
Le FMI a également recommandé de mettre fin à certaines aides comme l’Independence Scheme, qui représente 0,06 % du PIB. Le gouvernement a annoncé dans le Budget que cette allocation sera supprimée à partir du 1er juillet 2025, sauf pour les jeunes de 18 ans issus de ménages inscrits au registre social.
4 Seuil de la TVA abaissé à Rs 3 millions pour les entreprises
Dès le 1er octobre 2025, le seuil d’enregistrement obligatoire à la TVA passera de Rs 6 millions à Rs 3 millions de chiffre d’affaires annuel. Cette mesure du Budget, alignée sur les recommandations du FMI, suscite des inquiétudes parmi les PME, en raison du poids administratif et des coûts supplémentaires. « Selon le World Bank’s 2023 Enterprise Survey, abaisser ce seuil à Rs 3 millions ferait entrer environ 10 % d’entreprises supplémentaires dans le champ de la TVA. Cela permettrait de générer environ Rs 4 milliards de recettes supplémentaires, soit environ 0,6 % du PIB. Une telle réforme maintiendrait environ 15 % des entreprises en dehors du régime de TVA, ce qui contribuerait à limiter les impacts sociaux et à préserver les plus petits acteurs économiques », indique le FMI.
5 Retour du droit d’accise sur les voitures électriques
Lors de son Grand oral, Navin Ramgoolam avait déclaré : « L’augmentation du nombre de voitures dépasse notre capacité à développer notre réseau routier et provoque de graves embouteillages avec toutes les conséquences qui en découlent. De plus, l’augmentation des importations de voitures devrait représenter une ponction de plus de Rs 20 milliards cette année sur nos réserves de devises étrangères, ce qui pèsera lourdement sur notre balance commerciale. Pour résoudre ces problèmes critiques, le droit d’accise sur les véhicules hybrides et électriques sera réintroduit. » Une mesure qui a pris effet dès le lendemain du Budget, soit le 6 juin 2025.
Un compromis entre expertise recommandée et adaptations pertinentes
« Le FMI est souvent perçu comme une entité imposant des mesures austères. Or, cette fois, il n’y a ni condition financière ni perte de souveraineté. Ses recommandations techniques ont été sélectionnées et adaptées à la réalité mauricienne. Le gouvernement demeure maître des choix politiques, comme en 1982 », indique un observateur. Il fait le parallèle avec les années 80. « En 1982, le Premier ministre sir Anerood Jugnauth, confronté à un chômage de 17 % et à des dévaluations, a engagé Maurice dans un dialogue contrôlé avec le FMI. Bien que le gouvernement ait résisté à certaines mesures d’austérité, il a finalement appliqué la grande majorité des recommandations, assurant l’accès essentiel au financement extérieur — catalyseur du premier « miracle économique » mauricien. Ce modèle guide aujourd’hui l’approche actuelle : coopérer sans se soumettre », soutient notre interlocuteur. Selon l’observateur, le Budget 2025/26 illustre une stratégie qui combine écoute technique et souveraineté politique. « Il s’agit d’un compromis judicieux entre expertise recommandée et adaptations pertinentes », ajoute-t-il. Il insiste au passage qu’aucune réforme n’est inévitable. « L’important est de faire le meilleur choix selon les priorités nationales. Ici, la réforme vise à garantir dignité aux retraités actuels sans pénaliser la génération future et à appliquer une réforme de fond, plus équitable et responsable, qui est une voie privilégiée pour conjuguer vie digne aujourd’hui et soutenabilité demain », a-t-il conclu.
Vs
Un rejet populaire manifesté à travers des pancartes contre le FMI
« Travayer pa kourbe devan gro kapital IMF, Moody’s… pa touss nou welfare state », « FMI go home »… Autant de messages brandis par des manifestants dans les rues de Rose-Hill et Port-Louis le samedi 21 juin pour protester contre la réforme des pensions. La mesure, recommandée par le FMI et reprise dans le Budget, passe difficilement. Les pancartes brandies en disent long sur le rejet populaire. Les syndicalistes, eux aussi, ont dénoncé le fait que le gouvernement a suivi cette ligne, rappelant qu’il a été élu par le peuple, pas par le FMI.

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