Le 7 juin prochain, le ministre des Finances présentera le Budget 2024-25, un exercice délicat où il devra concilier les attentes populaires et les contraintes économiques. Cependant, des critiques se font entendre concernant le calendrier de cet exercice et son usage potentiel à des fins électorales.
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Il récuse le terme « labous dou ». Rengananden Padayachy parle plutôt de « résilience sociale ». Le ton est donné pour la présentation du Budget 2024-25, prévue le 7 juin prochain. Pour le ministre des Finances, « éliminer l’extrême pauvreté ne revient pas à faire du ‘labous dou’. Nous nous assurons que ceux qui n’ont pas de quoi manger aient un minimum de survie. Nous avons constaté une réduction des inégalités depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement en 2014 ».
Cela dit, entre promesses électorales et réalités fiscales, ce grand oral s’annonce crucial pour l’avenir économique du pays. Cependant, la question reste posée : jusqu’où le gouvernement peut-il aller pour plaire à la population ? Quelles concessions peut-il faire pour apaiser la population sans compromettre la stabilité financière ?
« Il n’y aura pas de limites à mon avis », affirme l’ancien ministre et avocat Anil Gayan. Pour lui, le gouvernement jouera son va-tout lors du Budget 2024-2025 avec en ligne de mire la victoire aux prochains scrutins. L’un des moyens pour influencer le jeu, ajoute-t-il, est de « distribuer à la société ce que la société veut ».
À quoi s’attend-il ? « Je pense qu’il y aura beaucoup d’augmentations au niveau des pensions. Il y a beaucoup d’argent disponible dans le pays. Et je pars du principe que le gouvernement essaiera de créer un feel good factor », analyse l’ancien ministre. « Mais reste à savoir pour combien de temps durera ce feel good factor », poursuit-il.
Anil Gayan plaide pour un « Budget responsable et pourvu d’espoir ». Notamment pour les jeunes. « Les jeunes sont en train de quitter ce pays pour d’autres cieux, car ils n’ont plus d’espoir. Ce Budget doit, définitivement, envoyer un signal fort et ainsi démontrer que la jeunesse a sa place dans le pays. Il faut favoriser le sentiment de patriotisme avant tout », demande-t-il.
L’ancien ministre revient sur la perception de « forces occultes » gravitant autour de l’hôtel du gouvernement et contrôlant les institutions. « Une situation qui alimente une crainte malsaine dans le pays. Du coup, le prochain Budget doit prévoir des mesures solides afin de libérer le pays de cette crainte », insiste Anil Gayan.
Or, l’avocat et constitutionnaliste Milan Meetarbhan souligne une contradiction flagrante dans la présentation du Budget 2024-25. D’abord, il explique qu’il y a « le Budget et ce qu’on appelle le discours du Budget ». Ce discours, ajoute-t-il, permet à un gouvernement d’expliquer le Budget proposé. Ce qui est, avant tout, un exercice comptable, précise-t-il, mais qui autorise également, dans la tradition britannique, au ministre des Finances de faire un état des lieux des finances du pays et d’énoncer les grandes lignes de sa politique économique et fiscale pour la prochaine année financière et au-delà.
« Donc, comment expliquer, sur le plan éthique et rationnel, qu’un gouvernement à la fin de son mandat, selon les termes de la Constitution, puisse venir étaler au Parlement son budget et sa politique économique pour une année pour laquelle il n’a pas de mandat et pour laquelle il pourrait ne plus être au pouvoir ? » interroge Milan Meetarbhan.
Certes, reconnaît-il, la loi exige que les dispositions budgétaires soient approuvées selon certaines échéances. « Dans ce cas, un gouvernement qui respecte les normes démocratiques devrait, par respect pour la population, reconnaître que le prochain Budget devra être celui présenté par un nouveau gouvernement issu des urnes. Entre-temps, des dispositions transitoires peuvent être adoptées afin que les dépenses et prélèvements de l’État soient faits dans la légalité », insiste Milan Meetarbhan.
Un Budget couvrant une période pour laquelle le gouvernement n’a pas de mandat légitime, précise l’avocat et constitutionnaliste, risque d’être utilisé comme une plateforme électorale hautement médiatisée qui donnerait un avantage certain à un gouvernement sortant sur ses concurrents. Ce qui fausse, selon lui, l’intégrité des élections.
Le ministre des Services publics et de l’énergie ne partage certainement pas cette opinion. « Seki finn arive o kouran lane finansier, si ena kiksoz bizin retourn popilasion, nou pou fer li. Popilasion pei bizin gagn seki zot merite », a déclaré Joe Lesjongard en commentant le prochain Budget 2024-25. C’était vendredi après-midi lors d’une site visit et une cérémonie de pose de première pierre pour la construction des maisons de la New Social Living Development dans la région de Notre-Dame.
« Nous croyons dans une véritable justice sociale », devait-il ajouter. Rappelant les propos de feu sir Anerood Jugnauth, Joe Lesjongard de faire ressortir : « lorsque la part du gâteau augmente, il faut la partager avec la population. Parski popilasion fer zefor. Le Premier ministre et le ministre des Finances y croient fermement. »
Patrick Assirvaden anticipe un « Budget purement électoraliste »
Sollicité, Patrick Assirvaden, whip de l’opposition, est catégorique : « Nous nous attendons à ce que les caisses de l’État soient une fois de plus dévalisés, rien que pour remporter les prochaines élections. » Pour lui, « inn touf dimounn pandan sink an, ek la pou tire done ». Ainsi, pour le député du Parti travailliste, « ce sera un Budget purement électoraliste ».
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