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Budget 2023-24 : la roupie exposée aux risques de continuelle dégringolade

La valeur de la roupie influe sur le coût des importations.

Selon certains économistes, la dépendance du pays sur les importations aurait dû être abordée dans le Budget 2023-24. La réduction de celles-ci aurait un impact par ricochet sur la monnaie locale.

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La dépréciation de la roupie figure parmi les principales préoccupations de la population. Car son influence est importante sur l’inflation et le pouvoir d’achat. Selon Roshaan Kulpoo, expert en inclusion financière en Afrique, depuis 2014, la monnaie locale s’est dépréciée de 49 % par rapport au dollar. C’est causé, selon lui, par des facteurs externes et par l’impact de la politique monétaire locale : la dépréciation accélérée de la roupie face au billet vert. Le dollar s’achetait à Rs 44,75 et se vendait à Rs 45,99 le 2 juin, indique le site de la Banque de Maurice. Et l’absence de mesures budgétaires qui soient directement liées à la roupie pourrait, selon l’économiste Pierre Dinan, accentuer la pression sur la monnaie locale. « Le ministre des Finances est venu de l’avant avec des aides additionnelles pour la population. Je ne suis pas contre. Cependant, Maurice importe plus qu’il n’en exporte. Ce qui signifie que les dépenses dans la consommation vont trouver leur chemin en partie vers l’importation », avance-t-il. 

Maurice est tributaire des pays étrangers pour plusieurs produits. Le pays a importé pour un total de Rs 292 milliards en 2022. Les importations sont néanmoins effectuées en devises étrangères. À ce propos, à fin avril 2023, les réserves de change de la Banque de Maurice se chiffraient à 5,31 milliards de dollars. Ce qui pousse Pierre Dinan à dire : « Attention ! Si nos importations ne sont pas accompagnées par des exportations, cela engendra davantage de pression sur la roupie. La Banque de Maurice sera dans l’obligation de déprécier la roupie, en cas de manque de devises. Il ne faut pas oublier la grande dévaluation de la roupie en 1979. Les réserves représentaient deux semaines d’importation », explique Pierre Dinan.  

Solution

Or, en dépit du fait que les exportations de biens de Maurice affichent une progression en termes réels de 15,6 % en 2022, elles sont inférieures de 5 % en comparaison à 2019. Roshaan Kulpoo fait observer que les exportations nettes de biens et services en pourcentage du produit intérieur brut se sont détériorées, passant de -7,2 % en 2019 à -6,9 % en 2022. Pour lui, « nous sommes incapables de contrôler une inflation à deux chiffres en raison d’une politique monétaire inefficace ». 

Manisha Dookhony est d’avis que le Budget 2023-24 ne comporte pas de mesures pour régler la problématique de la roupie. « Car le ministre des Finances ne voulait peut-être pas empiéter sur la prérogative de la Banque de Maurice. »  Par contre, la réduction du prix de l’essence aura un impact sur l’inflation, dont le contrôle fait partie de la mission de la Banque centrale. 

Le prochain comité de politique monétaire, le 15 juin, sera très important. Il apportera des indications concernant la question de la roupie et les éventuelles interventions de la Banque centrale sur le marché intérieur des changes. « Il nous permettra également d’être fixés sur ce qui a changé réellement par rapport au Key Rate », conclut-elle. 

Pierre Dinan : « Il faut davantage de transparence » 

Comment l’argent récolté grâce au « prix de l’essence » est utilisé pour générer des revenus supplémentaires et financer divers projets ? C’est ce qu’il faut clarifier, selon l’économiste Pierre Dinan. « Pourquoi ne pas utiliser l’argent provenant des taxes déjà imposées ailleurs, telles que la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’impôt sur le revenu ? Il y a un manque de transparence à cet égard. Il est important de montrer clairement comment l’argent est utilisé », préconise-t-il. 

Il fait ressortir que ce manque de transparence crée une mauvaise image de la STC face à l’opinion publique. Sans parler du fait que le directeur de la STC se retrouve confronté à une dette qui n’est pas de sa responsabilité. « Lorsque le gouvernement impose des taxes, il doit expliquer comment cet argent sera utilisé. Il ne faut pas passer par un système opaque, car la transparence permet de lutter contre la corruption », insiste l’économiste. 

En ce qui concerne la baisse du prix de l’essence, il dit comprendre la nécessité d’une telle décision car cela concerne non seulement les automobilistes mais aussi toute l’industrie du transport. « Cependant, à un certain moment, il était impossible de baisser les prix car ce n’était pas une décision appropriée avec le prix pratiqué sur le marché international », souligne Pierre Dinan. 

Il est d’avis que le gouvernement n’aurait pas dû utiliser les fonds du PSA. « Utiliser le prix de l’essence pour récolter de l’argent afin de financer d’autres projets n’est pas une bonne stratégie du point de vue financier. Si le gouvernement a besoin d’argent pour financer des projets spécifiques, il peut utiliser les revenus fiscaux existants, tels que l’impôt sur le revenu et la TVA, sans créer de fonds spécifiques pour l’essence. C’est de leur faute s’ils en sont arrivés là. Mais on peut toujours apprendre de ses erreurs », explique l’économiste. 

Selon lui, Il y a eu une confusion dans la gestion des finances. « Cela a créé des problèmes pour eux-mêmes. S’il y a encore un déficit dans ce compte, soit la STC continue à fonctionner avec ce déficit, soit le gouvernement prend les choses en charge en puisant dans les Consolidated Funds pour payer les dettes en suspens », soutient-il. 

Pierre Dinan ajoute que cette dette est à régler car la STC est une institution chargée de s’occuper de notre approvisionnement en riz, en farine et en essence. « Je me mets à la place de la direction de la STC. Je comprends qu’elle ait besoin de gérer ses fonds. Elle n’a rien à faire que ses fonds soient utilisés pour financer d’autres projets. Il est important de respecter ce principe », conclut Pierre Dinan. 

 

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