Live News

À bord du Kruzenshtern, un géant des mers 

Le Kruzenshtern aura 100 ans en 2026.

Le Kruzenshtern, voilier russe presque centenaire, a accosté à Maurice après deux semaines en mer. Escale symbolique, formation de cadets, hommage historique : une immersion unique à bord d’un quatre-mâts légendaire.

Publicité

En 2026, le Kruzenshtern fêtera son centenaire. En attendant cette date symbolique, le majestueux quatre-mâts russe a affronté deux semaines de mer agitée pour venir jeter l’ancre à Port-Louis. Amarré au quai D depuis le 14 mai, ce navire-école embarquant 200 membres d’équipage lèvera l’ancre ce dimanche 18 mai.

Dès les premiers pas à bord, un sentiment d’émerveillement nous envahit. Une impression étrange : celle de vivre, l’espace d’un instant, notre rêve d’enfant... comme Tintin sur La Licorne, embarqués dans une aventure maritime hors du commun. À une différence près : le Kruzenshtern est un quatre-mâts, d’une prestance impressionnante. Sa proue semble saluer les curieux venus l’admirer, son nom « Крузенштерн » inscrit en cyrillique sur la coque noire, soulignée de blanc. Et tout en haut, le drapeau mauricien flotte fièrement sur l’un des solides mâts.

À l’accueil : Irada Zeynalova, ambassadrice de Russie à Maurice. Elle précise que cette escale, organisée par l’ambassade de Russie, rend hommage aux 50 ans de l’aide soviétique apportée après le passage du cyclone Gervaise en 1975. « À l’époque, le navire soviétique Dmitry Pozharsky avait restauré les lignes électriques, remis en état les réseaux téléphoniques et aidé à reconstruire l’hôpital. Sir Seewoosagur Ramgoolam avait sollicité l’assistance du gouvernement soviétique », rappelle-t-elle.

Elle nous conduit ensuite vers le pont du navire. Le cœur battant d’excitation, nous gravissons l’escalier, accueillis par de jeunes cadets au visage d’adolescent alignés avec rigueur, sous l’œil vigilant du capitaine Eremchenko Michael. En russe, il nous explique que l’équipage du navire-école est majoritairement russe pendant qu’Aleksandra Savina, Practice Supervisor, assure la traduction en anglais.

Le Kruzenshtern a quitté Kaliningrad, son port d’attache, il y a quatre mois. Escale au Maroc, puis Cape Town en Afrique du Sud, avant d’atteindre Maurice après deux semaines de navigation houleuse. « Nous avons traversé une mer houleuse, avec de forts vents en cette période hivernale. Mais cela représente un exercice d’apprentissage pour la nouvelle génération de marins russes », confie le capitaine. 

Direction la salle de navigation (navigation bridge). Les dernières lueurs du soleil traversent les vitres pour se poser sur la table de contrôle. Là, au cœur d’un concentré de commandes et de moniteurs, les cadets apprennent les bases de la navigation. Une formation de deux mois, placée sous l’œil expérimenté du capitaine. « Mon précédent capitaine a été un mentor. Je suis à mon tour comme un père pour ces jeunes marins. La discipline et la passion sont essentielles pour faire carrière dans l’univers maritime », dit Eremchenko Michael. 

Cela fait 29 ans qu’il travaille à bord de ce navire-école, dont 11 ans comme capitaine. « Le navire est déjà venu à Maurice en 2006, et nous avions alors accueilli de nombreux visiteurs », se souvient-il.

Aleksandra Savina nous guide ensuite vers la Captain’s Mess Room. Pour y accéder, il faut grimper un escalier raide et traverser des couloirs étroits. La pièce, chaleureusement habillée de bois et de rouge, et décorée de tableaux, dont un représentant fièrement le voilier, respire l’intimité. Un piano trône dans un coin. Des tasses et petites cuillères ornées du motif du navire sont posées sur la table. Autour d’un café, d’un thé et de quelques biscuits, la conversation se poursuit sur l’histoire du bateau. 

Après cet échange, retour sur le pont. Nous passons devant un gouvernail où figure le nom original du navire : « Padua ». Juste au-dessus, une banderole affiche « 1945–2025 », marquant les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Nous découvrons également des peintures encadrées. « Ces œuvres ont été réalisées par des enfants. Une fois de retour en Russie, elles seront mises en vente aux enchères. Les fonds seront remis à la fondation Line of Life pour le traitement des enfants malades », explique Aleksandra Savina.

Le Kruzenshtern s’apprête à reprendre le large ce dimanche. Prochaine escale : l’Afrique du Sud, puis retour au Maroc, avant de regagner Kaliningrad.

Un centenaire approche. Mais ce que l’on retient, au-delà des chiffres et de l’histoire, c’est la magie. Celle d’un voilier mythique, symbole de tradition, de transmission, et de cette élégance rare qu’ont les géants des mers.

Promouvoir la paix

Responsable des cadets en formation au Kaliningrad Maritime College, Aleksandra Savina veille avec bienveillance sur la relève maritime russe. « Il s’agit de leur tout premier entraînement à la navigation à bord », précise-t-elle, en évoquant les jeunes marins embarqués sur le Kruzenshtern.

Cette année revêt également une portée symbolique : les 80 ans de la victoire soviétique lors de la Grande Guerre patriotique, une page essentielle de l’histoire russe. À ses yeux, la mission du Kruzenshtern dépasse la formation technique. « La mission du Kruzenshtern est de promouvoir la paix, de rappeler aux gens ce qu’est la paix, de créer des liens entre les peuples, d’élargir notre esprit et d’éliminer toutes les frontières entre les personnes et les nations », affirme-t-elle avec conviction.

Un engagement porté aussi par une tradition d’hospitalité. « Les Russes sont connus pour leur gentillesse. C’est toujours avec joie que nous accueillons les Mauriciens et que nous promouvons l’amitié entre nos deux pays », conclut la Practice Supervisor, le sourire ancré dans la voix. 

Alexandr Volodchenkov : le deck cadet rêve de devenir capitaine

Âgé de 20 ans, Alexandr Volodchenkov est deck cadet. Il fait escale à Maurice pour la toute première fois. Son rêve est de devenir capitaine. Mais il confie que la vie de marin peut être exigeante. « Tout ce qui est nouveau est toujours un peu dur au début. En général, j’aime vraiment cette expérience. J’ai choisi le métier de marin parce que j’ai l’occasion de découvrir le monde, de vivre de nouvelles expériences et de rencontrer des gens. C’est enrichissant de se connecter aux autres et de partager sa culture », dit-il. 

Le Kruzenshtern presque centenaire 

Construit en 1926 en Allemagne, ce navire cargo a été attribué à l’Union soviétique en 1946 en tant que réparation de guerre. Le voilier a été rebaptisé en l’honneur de l’amiral russe et explorateur Ivan Kruzenshtern. Long de 144,5 mètres et doté de trois ponts, le voilier fêtera ses 100 ans l’année prochaine. Il fait partie des derniers voiliers de ce type encore en activité. L’un de ses mâts culmine à 55 mètres.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !