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Aux origines de la crise entre le CP et le DPP 

Le CP Anil Kumar Dip et Rashid Ahmine, DPP.
  • Yatin Varma demande l’intervention de l’Attorney General
  • Vinod Boolell : « C’est le DPP qui a le dernier mot concernant les poursuites »

La crise qui secoue actuellement le bureau du Directeur des poursuites publiques et le commissaire de police trouve ses origines dans des affaires remontant à 2015. Depuis, la situation s’est aggravée.

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Prosecution Commission 

Le gouvernement avait exprimé, en 2016, son intention de présenter un Prosecution Bill qui lui aurait donné un pouvoir de surveillance sur le fonctionnement du bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Cette proposition a suscité une forte opposition à différents niveaux. Les milieux politiques, judiciaires et l’opinion publique en général ont tous exprimé leur désaccord face à un tel projet de loi. Cette décision a même conduit le Parti mauricien social démocrate (PMSD) à démissionner du gouvernement, considérant que la Commission des poursuites représentait une menace réelle pour la démocratie.

« Ce projet était très dangereux, car son objectif était uniquement de contrôler le bureau du DPP. Il prévoyait la mise en place d’une commission présidée par un ancien juge qui aurait très probablement été favorable au gouvernement », déclare l’ancien juge Vinod Boolell. 

Ce dernier est également convaincu que le gouvernement n’a pas renoncé à son projet de contrôler le bureau du DPP. « Si le gouvernement remporte les prochaines élections avec une majorité de trois quarts, il cherchera à promulguer une telle législation », affirme-t-il.

De son côté, l’avocat Samad Golamaully, bien qu’il soit opposé à la création d’une Commission des poursuites, est en faveur d’une réforme. La raison étant que le bureau du DPP ne peut opérer dans l’opacité, selon lui. « Le DPP n’est redevable à personne, mais il travaille au nom du public et la population a donc le droit d’exiger de la transparence », soutient-il.

Les insinuations du Premier ministre sur la mafia et les institutions

Le Premier ministre Pravind Jugnauth ne l’a pas dit explicitement. Cependant, ses déclarations, en mars dernier, à la suite de la libération sous caution de l’activiste politique Bruneau Laurette, après que le DPP n’a pas interjeté appel, laissaient clairement entendre que Rashid Ahmine était visé. 

Le chef du gouvernement avait d’abord affirmé : « Je suis très inquiet lorsque je constate que ces groupes mafieux ont de l’influence sur certaines personnes au sein de certaines autorités, de certaines institutions. » Plus tard, il est revenu à la charge sur le même sujet en déclarant : « C’est triste lorsque nous agissons ainsi, lorsque nous mettons nos vies en danger. Je constate que certaines personnes au sein de certaines institutions prennent des décisions qui vont à l’encontre de la lutte contre ces trafiquants, qui favorisent ces trafiquants. Et je dirais clairement que ces décisions sont pires que les pires précédents. »

De telles déclarations publiques ne sont pas de bon augure pour le bon fonctionnement d’un pays, soutient l’ancien juge Vinod Boolell. « Un gouvernement responsable devrait être en mesure d’apaiser la situation et ne devrait rien faire pour l’enflammer davantage. Les insinuations du Premier ministre concernant la mafia et le DPP ne sont pas du tout bonnes », déplore-t-il.

Relation malsaine entre la police et le DPP 

Les récentes contestations du bureau du commissaire de police des décisions du DPP de ne pas s’opposer à la libération sous caution de Bruneau Laurette, de l’avocat Akil Bissessur et, plus récemment, de Raquel Jolicoeur, révèlent de profondes divergences. Considérant cette situation problématique, l’avocat Samad Golamaully estime qu’il est plus qu’urgent que ces deux institutions, qui sont toutes deux garantes de la Constitution, commencent à travailler de concert. « Il est important de souligner que le bureau du DPP et le bureau du commissaire de police sont deux institutions clés de notre système judiciaire. La police est chargée de rassembler des preuves et d’enquêter, tandis que le bureau du DPP est responsable de mener les poursuites au nom du public mauricien. Ces deux institutions doivent donc se compléter plutôt que de se confronter », fait ressortir l’avocat.

Commentant les cas de Bruneau Laurette et d’Akil Bissessur, sur lesquels le bureau du DPP et le bureau du commissaire de police sont actuellement en désaccord, Me Samad Golamaully est d’avis qu’il aurait dû y avoir des consultations entre ces deux institutions. Cela aurait, selon lui, évité que ces affaires ne soient traînées sur la place publique. « Si on prend l’exemple récent d’Akil Bissessur, nous apprenons que la police a été surprise d’apprendre que le DPP ne s’était pas opposé à sa remise en liberté sous caution », fait-il remarquer. « Si les représentants de la police et du DPP s’étaient rencontrés au préalable, la police aurait pu présenter des éléments au DPP pour justifier son opposition à la libération sous caution d’Akil Bissessur. De même, le DPP aurait pu demander à la police d’autres informations », explique-t-il.

Vinod Boolell tient, quant à lui, à souligner que c’est le DPP qui a le dernier mot dans toutes les affaires concernant la liberté d’une personne et les poursuites : « Dans un jugement précédent, j’avais établi que lorsque la liberté d’un individu est en jeu, c’est le DPP qui a le dernier mot, car cela relève de notre Constitution. »

Affaire Sun Tan et poursuites contre le fils du CP

La police et le bureau du DPP se sont retrouvés en opposition sur des affaires ayant des implications personnelles au cours des dernières années. On se souvient qu’en 2015, la police avait effectué une descente au domicile de l’ancien DPP, Me Satyajit Boolell, dans le cadre de l’affaire Sun Tan. Descente faisant suite à une déposition des anciens ministres Soodhun et Bhadain à l’encontre de Me Satyajit Boolell. Cependant, la tentative de la police d’arrêter l’ancien DPP avait échoué. 

Des années plus tard, en 2023, c’est cette fois le bureau du DPP qui a engagé des poursuites légales contre le fils du commissaire de police dans une affaire de blanchiment d’argent.

Yatin Varma lance un appel au calme 

L’avocat Yatin Varma lance un appel au bureau de l’Attorney General pour qu’il intervienne dans le conflit opposant le commissaire de police et le bureau du DPP. « Je ne souhaite pas faire de commentaires politiques sur cette affaire, mais je suis d’avis qu’on a franchi une ligne rouge. Ce n’est pas sain pour la démocratie. Le bureau de l’Attorney General doit intervenir », déclare-t-il.

 

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