Législatives 2019

Ashok Subron de ReA : «Il y a eu assassinat de notre démocratie»

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Connu pour être un battant quand il pense qu’il a raison après consultations légales et autres, Ashok Subron estime que le gouvernement a refusé d’appliquer le mini-amendement d’avant 2014 pour l’appartenance ethnique.

Votre candidature a été rejetée pour non-classification communale le 22 octobre 2019, ce qui ne fut pas le cas le 24 novembre 2014, jour du Nomination Day des précédentes élections générales. Vos impressions ?
Je suis triste et en colère, mais en même temps les nombreux Mauriciens qui ont exprimé leur indignation face à ce rejet nous donnent raison d’espérer et de dire qu’il y a une volonté profonde de « dé-communalisation » de notre système politique. Mais il faut aussi voir cela comme un recul total de notre démocratie et des valeurs du mauricianisme. Il est inconcevable qu’aujourd’hui, en 2019, 50 ans après l’indépendance de Maurice, on ne puisse concourir pour représenter les idées politiques au Parlement de son pays comme simple citoyen.

Vous aviez utilisé le terme assassinat de la démocratie et du mauricianisme…
Oui, assassinat c’est le mot qui convient. Assassinat de la démocratie parce que le rejet de candidature des candidats de mon parti signifie aussi le rejet de toutes les idées qu’il défend et je peux vous assurer que ces idées, aujourd’hui, reçoivent une adhésion populaire et reflètent la voix de nombreuses personnes au sein de notre République. Si je prends mon cas, moi qui ai été candidat en 2014 à Rivière-des-Anguilles/Souillac, j’ai fait quelque 8,8 % des votes avec 2 469 voix exprimées en ma faveur. Je suis en mesure de vous dire qu’avec le travail auprès des travailleurs et sur le terrain dans cette région, j’aurais doublé ce score, mais là, non seulement on rejette ma candidature, mais on est aussi en train de priver, d’un choix, ces électeurs qui voient en moi l’expression de leurs vœux politiques.

Maintenant, quand je parle d’assassinat du mauricianisme, cela va dans le même sens. Quand vous permettez aux candidats de se présenter aux élections générales en tant que simple mauricien.ne à part entière et que 30 % de ces candidats ne se classifient pas de façon communale en 2014, vous n’avez pas le droit moral de revenir en arrière cinq ans après et forcer les candidats à se ranger dans une case qui les dépouille de leur mauricianisme. Quand nous avons vu la ferveur pour le mauricianisme s’exprimer lors des récents jeux des îles par des milliers de Mauriciens, vous n’avez pas le doit de passer une régulation en catimini qui bloque l’aspiration de cette population à un vivre ensemble dépouillé du communalisme.

Justement, pourquoi n’a-t-on pas réitéré l’exercice de 2014 et ériger un mini-amendement permettant la participation non-communale à ces élections ? 
Demandez à Pravind Jugnauth… Il y a plusieurs questions auxquelles il devra répondre un jour. Notamment sur le fait d’avoir dissous le Parlement sans avoir permis ne serait-ce que la continuité du mini-amendement de 2014. Permettez-moi de vous dire à ce stade qu’au sein de Rezistans ek Alternativ, nous ne voyons pas cela comme la réponse idéale, une refonte de notre système électoral prenant en compte plusieurs aspects démocratiques aurait été meilleure. Mais au moins ce mini-amendement de 2014 aura-t-il permis aux candidats de ne pas se soumettre à ce dictat communal. Autres questions auxquelles Pravind Jugnauth aura à répondre un jour, c’est l’incohérence de son discours puisque lui ne s’est pas classifié en 2014. Il l’a dit à plusieurs reprises, même au Parlement, que pour lui le rejet de candidature sur une base de non-classification communale,n’est pas acceptable. Si tel est le cas, pourquoi dans ce cas le représentant légal de l’État de Pravind Jugnauth a soutenu le contraire en cour devant le juge Balancy ?

Dans une déclaration publique vous parlez de préméditation…
Oui et je le maintiens. Il y a eu bel et bien préméditation, parce que, au vu de tout ce qui s’est passé depuis les élections de 2014, je peux vous dire aujourd’hui que le précédent gouvernement a tout fait pour berner le judiciaire, le peuple de Maurice et faire fi du pronouncement du Comité de Droits Humains des Nations Unies. Depuis novembre 2015, le gouvernement a demandé je ne sais combien de renvois devant la Cour suprême sous prétexte que son gouvernement travaille sur une proposition de réforme électorale. Le représentant légal du gouvernement a clairement fait comprendre devant la cour, pour justifier les renvois, que le gouvernement mènera une série de consultations qui incluraient Rezistans ek Alternativ dans le cadre de cette proposition de réforme. C’est pour cela que, de bonne foi, nous avons accepté les renvois, mais il n’y a jamais eu de consultations. Puis nous avons vu les représentants du gouvernement qui ont tout tenté pour dismiss l’affaire en Cour suprême sous prétexte qu’il n’y avait plus d’affaire puisque, selon eux, le mini-amendement de 2014 était toujours en vigueur…

Puis quand Rezistans ek Alternativ s’est opposé à un nouveau renvoi, là nous avons eu droit à l’objection faite contre le chef  juge Eddy Balancy dans cette affaire. Laissez-moi vous dire que, dans tout ce méli-mélo, Rezistans ek Alternativ a envoyé une correspondance au Premier ministre pour lui dire d’être cohérent quant à ses prises de position publiques sur la question de la classification communale et de ne pas résister à l’affaire en cours. Cela permettrait à la cour de donner un jugement basé sur nos arguments uniquement et enlèverait probablement de façon définitive l’obligation faite aux candidats de se classifier communalement. C’est pour cela que je parle de préméditation, parce que tout ce qu’a fait le gouvernement pointe vers la régulation du 7 octobre 2019 qui oblige la classification communale des candidats aux élections générales de 2019.

Quid du pronouncement du Comité des Droits Humains des Nations Unies (UNHRC) ?
C’est clair que l’obligation de se classifier pose un sérieux problème à l’avis émis par le UNHRC. La raison du mini-amendement de 2014 était précisément pour apporter un effective remedy aux candidats de Rezistans ek Alternativ. Or, la régulation du 7 octobre 2019 forçant la classification des candidats n’est pas uniquement une mesure rétrograde, mais aussi un affront fait au Comité des droits humains des Nations Unies. D’ailleurs, outre d’aller contester en cour, comme nous l’avions fait en 2005 et 2010, le rejet de nos candidatures, nous enverrons une note au UNHRC pour lui notifier  de la non-conformité de ces élections si le rejet est maintenu par la cour.


Le long combat pour la reconnaissance de la citoyenneté mauricienne

Le combat contre le communalisme institutionnalisé est loin d’être un long fleuve tranquille. En bref, en juin 2005 le juge Balancy établit dans son jugement que le rejet des 11 candidats de Rezistans ek Alternativ est anticonstitutionnel, ce jugement connaît un revers en novembre de la même année quand trois juges de la cour suprême renversent le jugement de Balancy.

En septembre 2006, Rezistans ek Alternativ se voit refuser le droit de faire appel de ce jugement. En mars 2007, la cour suprême refuse également le droit à Rezistans ek Alternativ de se tourner vers le Privy Council pour contester ce même jugement. C’est sous ces perspectives que Rezistans ek Alternativ se tourne alors vers le Comité des Droits Humains des Nations Unies pour un avis quant à l’éventuelle violation de la convention sur les droits civils et politiques des Nations Unies. En 2010, Rezistans ek Alternativ, en alliance avec le Mouvement Premier Mai, lance un appel public pour la contestation de l’obligation de se classifier. 104 candidatures sont rejetées, ce qui mène à une nouvelle contestation devant la Cour suprême. Le juge Gulbul reconnaît le bien-fondé du jugement du juge Balancy, mais pour d’autres raisons ne peut accepter la candidature des 104 candidats. Cependant, Rezistans ek Alternativ obtient le droit de la cour de se tourner vers le Privy Council qui se prononce en décembre 2011 pour dire que même s’il reconnaît que ReA a un « Strong Case », il serait souhaitable que cette affaire soit résolue de manière politique à Maurice même. En août 2012, le Comité des droits humains des Nations Unies établit qu’il y a bien violation de la Convention sur les droits civils et politiques dont Maurice est signataire. Il est notamment demandé à l’État mauricien de prendre les mesures nécessaires pour corriger les torts faits aux candidats rejetés. Ce qui amène le gouvernement à adopter un mini-amendement pour les élections de 2014, permettant ainsi à 30% des candidats, dont l’actuel Premier ministre, de ne pas se classifier et ainsi participer aux élections générales.


Sanzman Radikal pe vini

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Le Professeur John Bellamy Foster.

Début octobre, l’association Centre for Alternative Research and Studies organisa pour la cinquième année consécutive l’école de l’écologie. Cette école qui avait pour thème « Sanzman Radikal pe vini » fut un rendez-vous intense des militants et activistes de la région de l’océan Indien et de l’Afrique australe et se tint à Senlis-sur-Mer à Riambel. Nombreux furent présents à cet événement, les États insulaires de la région parmi les plus menacés par la crise climatique : Zanzibar, Madagascar, les Comores, La Réunion, les Seychelles, Rodrigues, Maurice et les Philippines. Le continent africain fut aussi largement représenté avec le Sénégal, le Kenya, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Mozambique, la Namibie, le Swaziland et l’Afrique du Sud. 

L’école démarra par une conférence du Professeur John Bellamy Foster venu des États-Unis pour l’occasion. Le professeur Foster est une référence de la gauche mondiale par ses nombreux écrits et réflexions sur les racines systémiques de la crise climatique. Éditeur du très respecté magazine Monthly Review, le Professeur Foster est surtout connu pour son travail de réhabilitation de la pensée du philosophe Karl Marx face à cette crise majeure qui menace la vie sur terre aujourd’hui. 

Après la conférence, l’école s’est poursuivie à Riambel où d’autres éminents interlocuteurs ont abordé plusieurs thématiques, parmi lesquelles la question océanique par la professeure sud-africaine Moenieba Isaacs, et la question de la politique écologique par le professeur Patrick Bond. Mis à part le programme officiel, cette école fut aussi l’occasion d’échanges et de belle amitié. 

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