Actualités

Art sans Frontière au sein d’une PRISON

Publicité

Introduire l’art dans la prison, pour améliorer les chances de réinsertion des détenus une fois libérés. Tel est le projet envisagé par DIS-MOi. Latifa El Morabit explique qu’à travers des projets socioartistiques, s’inscrivant dans un programme global d’offre d'aides et de services aux détenus, leur transmettre des aptitudes et travailler à leur épanouissement personnel et social, aiderait à les réintégrer dans la société.

La prison donc… Puis l’art en prison… Deux termes mal assortis, comme réunis par hasard ou par provocation, qui résonnent à mes oreilles, comme une contradiction intéressante.

Le mot ART évoque la liberté, l’indépendance, l’absence de barrière et de frontière. Le mot PRISON, les barreaux, les verrous, les interdits.

Comment créer, s’exprimer librement, se consacrer à un art symbole de liberté dans l’espace clos de l’enfermement ? L’art peut-il puiser dans la violence, l’agressivité, l’énergie brimée en détention? La création artistique adoucit-elle  une peine jugée insupportable ? Libère-t-elle, en pensée, le prisonnier des murs qui l’enferment ? La palette du peintre colore-t-elle le gris des murs et de l’atmosphère carcérale ? Le pinceau, la plume, les partitions kidnappent-ils le détenu qui s’échappe, s’envole loin de sa cellule ? L’art, instrument politique subversif par excellence, outil d’opposition et de résistance a-t-il sa place dans une institution totale voire totalitaire ? Cherche-t-on à l’étouffer, à l’instrumentaliser ?

Les détenus luttent-ils, grâce au théâtre, au dessin, l’écriture, contre un système qui les opprime, les détruit, contre un personnel qui surveille et humilie ? Des sujets passionnants trottent dans ma tête avant que je ne tombe sur un article intitulé « La réinsertion par l’art ». J’ai enfin trouvé mon sujet… Je préfère donc me concentrer sur la sortie du détenu, sur son retour futur dans la société civile, dans le monde libre qu’il avait quitté… Le tunnel carcéral débouche toujours sur la lumière de la libération. Les projets de type artistique ont un impact sur l'ambiance d'une prison.

Briser les murs

Si l'art doit exister en prison, il doit s’inscrire dans un projet socioartistique qui  offre de l'aide et des services aux détenus. L'art dans la prison n'est pas plus important que l'enseignement, la thérapie, la santé mentale, l'ergothérapie ou le sport.

Quels sont les enjeux des arts plastiques en prison, leurs spécificités et les méthodes de travail utilisées ? Comment se positionner par rapport aux contradictions que soulève l’intégration de l’art en milieu carcéral ?
L’objectif est de proposer une réflexion sur le développement et l’intégration des arts plastiques en milieu carcéral, de faciliter l’échange d’expériences entre porteurs de projets et d’offrir un espace d’expression aux intervenants en milieu carcéral, aux artistes, opérateurs culturels et sociaux et aux membres du personnel pénitentiaire.

Le traitement infligé au quotidien aux détenus par les agents pénitentiaires est crucial pour le bien-être du détenu ! L’accompagnement philosophique durant la détention, le travail des aumôniers, des imams, des conseillers moraux, sont aussi importants. Toute cette offre d'aides et de services, toutes les pièces de ce puzzle sont indispensables. Il faudra ensuite tout agencer : partager équitablement le temps et l'espace de sorte que chaque aspect soit pris en compte. C'est un travail sans fin ! Il a commencé́ !

La problématique carcérale souffre d’une inquiétante absence de vision et de volonté́ politique. La population carcérale est précarisée, peu instruite, peu formée, abandonnée à son sort. Tant avant, que pendant et après l’incarcération. Le constat d’échec est criant.

Dans ces conditions, quelle est la place de l’art en prison ? L’art peut-il être une raison d’être en prison ? Oui, mille fois oui.
D’abord, l’art est présent en prison. Les détenus, comme tout être humain, ont une culture, sont des êtres sociaux qui vivent à travers la culture, fut-ce de manière intériorisée.

Afin de permettre à cette dimension culturelle de se développer, le Réseau de DIS-MOI veut permettre aux personnes incarcérées de « retrouver la confiance en soi, créer des liens, imaginer, rêver l’avenir, acquérir de nouveaux outils, des ressources, des savoirs qui les aideront à prendre leur vie en main, une fois à l’extérieur. »

Pourquoi la culture en prison

La culture fait partie intégrante des détenus, privés de liberté, dont tous les besoins ne sont pas remplis. La culture participe à leur univers quotidien.

  • Le droit des détenus aux activités artistiques et culturelles puise ses racines dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, notamment l'article 27 qui stipule que « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer (...) aux bienfaits qui en résultent. »
  • L'exclusion dont fait l'objet le détenu est levée pour un petit temps. Il peut rencontrer l'artiste (qui vient du monde extérieur) avec qui il peut échanger des idées, des rêves, etc. L'artiste, qui n'est pas un employé de la justice ou de la prison, n'a aucune difficulté à dépasser l'image, l'étiquette d'un délit précis. Les capacités positives, constructives et créatives sont dirigées vers les détenus et non vers son délit.
  • Pour l'artiste, la « sécurité » n'est pas l'aspect le plus essentiel. Ce qui importe, c'est d'inciter les détenus à sortir le meilleur d'eux-mêmes, à donner corps à quelque chose de neuf.
  • Les personnes confrontées aux travaux artistiques des détenus ont aussi ce même effet "d’ENCOURAGEMENT !". Beaucoup de talents restent cachés derrière les murs !
  • Ce facteur "d’ENCOURAGEMENT" joue aussi quand un détenu, touché par l'une ou l'autre activité dans la prison, se voit ouvrir la porte d’un autre monde. Pour le détenu type (le plus souvent peu scolarisé, à l’emploi instable), gagner de l'argent (facile et rapide) est une passion dévorante. C’est pourquoi, beaucoup de jeunes pris dans cette spirale commencent à dealer de la drogue. Dans un atelier de travail créatif, il est possible qu'un détenu se découvre un talent pour le dessin, l'écriture, ou la musique et se cherche une autre voie, une fois libre.

Les axes prioritaires de « DIS-MOI » sont :

  • Convaincre les pouvoirs publics du rôle positif que les arts peuvent jouer dans les prisons, créer des liens entre les divers départements ministériels concernés.
  • Favoriser l’accès des détenus aux programmes d’activités artistiques.
  • Créer des liens entre la prison et la société́.
  • Sensibiliser le personnel pénitentiaire et l’impliquer dans le processus artistique.
  • Accompagner les opérateurs culturels et artistiques, leur donner les outils nécessaires pour accomplir leurs tâches.
  • L’ouverture et l’accessibilité́ à tous.
  • Le dessin et la peinture sont des activités que les détenus peuvent pratiquer en cellule.
  • Les participants peuvent toucher à la liberté́, en entrant dans l’imaginaire.
  • La découverte et le développement d’un nouveau talent, ce qui apporte confiance en soi avec dignité.  
  • Informer, soutenir et évaluer des projets artistiques en prison. Ainsi, chaque semaine, des artistes désireux de développer un projet en milieu carcéral s’adressent au Réseau« DIS-MOI »pour obtenir des conseils.
  • Développer des groupes de soutien par discipline artistique.

Droits humains des détenus à l’Ile Maurice

Fresque réalisée par des détenus dans une prison française.
Fresque réalisée par des détenus dans une prison française.

DIS-MOi Maurice vous apporte aujourd’hui un éclairage sur la situation des détenus à Maurice, notamment concernant le respect de leurs droits humains, ainsi que des suggestions pour améliorer notre État de droit.

L’Ile Maurice est dotée d’une commission indépendante des droits humains et d’un office de médiation. Elle se penche sur les violations/problèmes relatifs aux droits humains, notamment : les mauvais traitements exercés par les forces de sécurité contre les suspects [es] et détenu[e]s, les arrestations arbitraires, les actes d’intimidation envers les médias.

Les conditions de détention (malgré des progrès partiels), demeurent inférieures aux standards internationaux. Des cas de corruption au sein de l’administration ont été recensés. Ainsi, des femmes et des personnes séropositives subissent des actes de violence et de discrimination. Plusieurs organismes dénoncent le travail des enfants et des cas d’exploitation sexuelle de mineur[e]s, des cas de travail forcé. Les travailleurs/travailleuses ne sont pas suffisamment protégé[e]s et les syndicats sont intimidés dans le secteur privé.

Tous détenus jouissent de droits humains fondamentaux, indépendamment du délit retenu contre eux et même s’ils ont été condamnés pour trafic de drogue. Lorsqu’un détenu a été condamné à une peine obligatoire, il a le droit de solliciter les services d’un avocat pour contester cette peine. Et tout détenu a le droit de téléphoner un avocat, par l'intermédiaire d'un agent de protection sociale, ou d’écrire une lettre qui est postée aux frais de la prison.

Même les détenus étrangers ont des droits. À Maurice, leur consulat veille à ce qu’ils puissent être défendus, recourir à un avocat, traités correctement (nourris, vêtus, soignés) dans le cadre du droit local; entrer en contact avec leur famille et recevoir son aide financière et matérielle.

Les brutalités ou violences policières envers les détenus sont interdites par le Code pénal. Tout terme désigné comme un acte de torture est interdit. Ces termes de brutalité peuvent être des violences physiques ou verbales (obscénités, propos dégradants

Une cinquantaine de décès de détenus ont été recensés ces dernières années. Leurs causes, pour la plupart, demeurent floues. Il est rare d’avoir une enquête judiciaire sur un pendu de la prison! Pourtant, notre Code de procédure pénale est clair sur l’institution d’enquête judiciaire sur tout décès suspect. Souvent la version des maîtres des lieux est dogmatiquement acceptée par les médias. Et puis on n’entend plus rien.

Que propose DIS-MOi ?

Les ONG et les avocats pénalistes ont pendant longtemps proposé un Coroner’s Court comme en Angleterre, qui siègerait à plein temps, dans le but de se pencher sur les décès suspects. Pourquoi les autorités font-elles la sourde oreille? Pourquoi dépendre du bon vouloir du Directeur des poursuites publiques sur l’institution d’une enquête judiciaire, après plusieurs années, quand les preuves ont été détruites ou effacées ? Le moteur des instances pénales sont les institutions indépendantes. Pour l’instant il ya un vide institutionnel.

Comment la police établit les preuves contre les suspects ?

Toutes les branches de la police ont pour mission de rechercher des preuves au pénal contre les suspects. C’est le b-a- ba l’État de droit. Hélas, notre police compte des agents qui préfèrent recourir aux solutions ‘faciles’ plutôt que d’enquêter de façon professionnelle.

Que dit la loi sur la pratique de la torture ?

La pratique de la torture est condamnée par le Code pénal depuis que Maurice a ratifié la Convention internationale contre la torture en 2003. La section 78 de la Criminal Code (Amendment) Act de 2003 spécifie que « toute personne, agissant en qualité d’officiel […] qui infligerait intentionnellement à une autre personne, des blessures ou des souffrances afin d’obtenir une confession ou une autre information […] sera reconnu coupable de torture et condamnée jusqu’à Rs 50 000 d’amende et à un terme d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans ». Considérant, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont Maurice est signataire, la détention arbitraire est interdite.

Comment résoudre le problème de brutalité policière ?

Il est urgent de réformer la législation, car la réhabilitation des détenus n’est qu’un aspect du système. Il est prioritaire de réformer la loi sur l’aveu, afin d’introduire un élément additionnel de preuve pour établir la culpabilité d’un suspect. Il faudrait que l’aveu soit enregistré devant un tribunal et en présence d’un avocat, de sorte que la police soit délivrée de la responsabilité de devoir obtenir à tout prix la confession d’un suspect. Il faut aussi s’assurer que les établissements pénitentiaires soient aux normes internationales et que les droits humains des détenus ne soient pas lésés.

Qu’en est-il des conditions des femmes?

Elles ne sont pas mieux loties ! Elles ne devraient pas être en prison pour danser le séga pour des pervers-voyeurs! Il faut savoir que les prisons ont été créées par des hommes pour des hommes. La prison ne tient pas compte des conditions physiques et biologiques de la femme; comme le droit d’enfanter et d’élever son enfant dans un environnement sain. Et même si la mère a fait une erreur, l’enfant doit pouvoir naître libre! Sinon, on viole notre droit le plus fondamental qui stipule que les êtres humains naissent libres et égaux en droit!

Autres propositions?

Il existe beaucoup d’alternatives à la prison : la résidence surveillée; le bracelet électronique; le couvre feu, le service communautaire. Les sentences appliquées aux hommes ne devraient pas être automatiquement appliquées aux femmes! C’est reconnaître là nos différences biologiques.

Disclaimer
Les informations contenues dans ces deux pages n’engagent que l’association  DIS-MOI (Droits Humains-Océan Indien) et les intervenants. La reproduction, la diffusion et  / ou la distribution de ces informations ne sont pas autorisées sans la permission de DIS-MOI.

DIS-MOI (Droits Humains-Océan Indien) est une organisation non gouvernementale qui aide à promouvoir la culture des droits humains dans la région du sud-ouest de l’océan Indien, notamment les Seychelles, Maurice, Rodrigues, Madagascar et les Comores. Fondée en 2012, l’organisation milite pour la défense et l’enseignement des droits humains. Vos dons sont les bienvenus.

DIS-MOI, 11 BROAD AVENUE, BELLE-ROSE, QUATRE-BORNES
TÉL. : 4665673 – INFO@DISMOI.ORG - HTTP://WWW.DISMOI.ORG

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !