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Après la tragédie au Maroc - Risques sismiques et volcaniques à Maurice : la préparation comme planche de salut

Maurice se trouve sur un point chaud entre lui et la Réunion, où se trouve le Piton de la Fournaise, l’un des volcans les plus actifs au monde.
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Aucun pays n’est à l’abri des catastrophes naturelles. Le Maroc en est la preuve la plus récente. La tragédie qui s’est jouée dans ce pays a pris tous ses habitants de court. Maurice sera-t-elle épargné des risques sismiques et volcaniques, quand on sait que c’est une île ? Le pays ne fait pas exception. Cependant, il a l’avantage de faire partie des îles des Mascareignes, qui sont, en quelque sorte, protégées d’un éventuel « tremblement de terre ». Explications. 

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Selon Prem Saddul, il n’y a aucun risque de tremblement de terre à Maurice, car il se situe sur la plaque tectonique somalienne qui est de nature divergente et non convergente.

Le Maroc en est encore à compter ses morts. Il lui faudra du temps pour panser ses blessures après le violent séisme qui l’a frappé dans la nuit du vendredi 8 septembre au samedi 9 septembre 2023. Une tragédie qui vient mettre en lumière la petitesse de l’homme, mais aussi son impuissance face aux phénomènes naturels. Est-ce qu’un tel incident peut frapper Maurice ? Sommes-nous à l’abri d’une éruption volcanique, alors que le Trou-aux-Cerfs, qui est considéré comme étant inactif, est silencieux, du moins pour l’instant ? 

Le Dimanche/L’Hebdo a voulu en savoir plus en interrogeant des experts dans le domaine. Si certains répondent que le pays n’est pas épargné, d’autres, en revanche, estiment que cela n’arrivera pas de sitôt. Mais ils insistent tous sur un point essentiel : l’importance de la prévention et de la préparation. 

Prem Saddul, qui est géomorphologue, est catégorique : il n’y a, selon lui, aucun risque de tremblement de terre à Maurice, car le terme lui-même est « erroné » pour les îles des Mascareignes. Ces îles, y compris Maurice, sont situées sur la plaque tectonique somalienne, qui englobe trois plaques majeures : la plaque africaine, la plaque antarctique et la plaque indo-australienne (ou asiatique).

« Ces plaques sont de nature divergente et non convergente. Cela signifie qu’elles ne génèrent pas de tremblements de terre. Par conséquent, d’un point de vue géologique et géotectonique, il n’y a aucun risque de tremblement de terre pour les îles des Mascareignes. Au lieu de cela, elles peuvent connaître des secousses magmatiques lors de la montée du magma, comme cela se produit lors d’une éruption volcanique », nuance-t-il. 

Secousses telluriques 

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Le Dr Virendra Proag rassure qu’il n’y a aucun signe, pour l’instant, de l’imminence de secousses sismiques.

Rodrigues, en raison de sa proximité avec la jonction des failles des trois plaques tectoniques mentionnées précédemment, connaît entre 12 et 14 secousses telluriques par an, mesurant généralement entre 2 et 3,5 sur l’échelle de Richter, selon Prem Saddul. Il explique que dans les zones où les plaques tectoniques divergent, il y a des flux magmatiques à la frontière des plaques. 

La montée de magma génère alors, selon lui, des secousses telluriques. « Mais il s’agit de secousses sismiques de faible intensité plutôt que de tremblements de terre majeurs. Rodrigues peut donc occasionnellement ressentir des secousses sismiques mineures, comme cela s’est produit il y a quelques années en raison de l’activité sismique sur l’île ou à la Réunion », souligne-t-il. 

Le Dr Virendra Proag se veut toutefois rassurant en faisant ressortir qu’il n’y a aucun signe, du moins pour l’instant, de l’imminence de secousses sismiques. Cet ancien universitaire multidisciplinaire, qui est diplômé en génie civil et qui a suivi des études doctorales en géologie de l’ingénieur, est d’avis que Maurice est un peu protégé. 

Il le doit à la proximité de l’île avec la Réunion. « À chaque fois qu’il y a une éruption volcanique, il y a des signes précurseurs quelques jours avant. Lorsqu’il y a une éruption, c’est un peu comme si la lave calmait la tempête. Comme cela se produit assez régulièrement, cela réduit, en quelque sorte, le stress de la terre », dit-il.

Le Dr Proag souligne que, même si nous avons des signes rassurants, il est important de garder à l’esprit que nous ne sommes jamais totalement à l’abri de situations imprévues. Il compare la situation à celle d’un conducteur prudent qui peut malgré tout être impliqué dans un accident de la route. 

Bien que les dernières activités volcaniques remontent à environ 25 000 ans, ce qui est relativement récent à l’échelle biologique, il insiste sur le fait que ce n’est pas une raison de céder au pessimisme. Au contraire, il suggère que la population devrait être consciente de cette éventualité. « Des mesures de sensibilisation similaires à celles mises en place pour les cyclones pourraient être envisagées », dit-il.

Précautions 

L’ancien universitaire multidisciplinaire estime que tout comme les autorités fournissent des directives en cas de menace imminente de cyclone, il serait judicieux de sensibiliser la population aux mesures à prendre en cas de secousses telluriques. Ces directives basiques incluraient de ne pas paniquer, de quitter les bâtiments et de se réfugier dans un endroit dégagé, loin des structures. Il insiste sur l’importance de sensibiliser la population à ces mesures, même si la probabilité d’un tel événement est faible. « Ce sont des précautions élémentaires. C’est le minimum », souligne-t-il. 

Le Dr Virendra Proag poursuit en expliquant que tout comme un conducteur doit rester vigilant et prêt en tout temps à réagir rapidement afin de prévenir un accident, la même précaution doit être prise en compte en ce qui concerne la possibilité d’une éruption volcanique. Prem Saddul et Vassen Kauppaymuthoo sont du même avis (voir plus loin).

La station météorologique de Vacoas communique en cas d’activité sismique en mer et avertit en cas de risque de tsunami. Cependant, contrairement aux cyclones qui peuvent être prévus à l’avance, il n’y a pas de système d’alerte rapide en place à Maurice pour les secousses sismiques. Le Dr Virendra Proag explique que le pays ne dispose pas des équipements nécessaires pour émettre des alertes rapides, contrairement au Japon, lequel est régulièrement exposé à des tremblements de terre.


Attention à ne pas créer de psychose 

« Il est difficile de dire qu’on n’est pas vulnérable face à une éruption volcanique ou à une secousse sismique. N’importe quoi peut arriver », fait remarquer le Dr Virendra Proag. Cependant, il insiste sur le fait que cela ne devrait pas nous plonger dans la peur et la psychose. 

Il prend l’exemple des centaines de maisons situées autour du Trou-aux-Cerfs, qui sont vulnérables en cas d’éruption volcanique. Ces résidents, selon lui, n’avaient d’autre choix que de vivre là malgré leurs craintes. De la même manière, en tant qu’habitants d’une île volcanique, nous n’avons d’autre choix que de faire face à la possibilité d’une catastrophe de cette nature. « Tout peut arriver. Mais il ne faut pas être trop alarmiste. Il faut simplement être conscient des précautions à prendre, tout comme lors du passage d’un cyclone », dit-il.

Prem Saddul abonde dans son sens. Il explique qu’il est tout à fait possible d’avoir une activité volcanique à n’importe quel moment dans l’ère géologique. Il souligne que l’histoire géologique de Maurice est marquée par cinq phases de construction volcanique. « Les deux premières ont donné naissance aux montagnes actuelles. Puis, les phases suivantes, soit environ 700 000 à 750 000 ans plus tard, ont vu l’émergence de 23 volcans très alcalins, similaires à ceux de la Réunion et d’Hawaï, qui ont produit des rivières de lave plutôt que des éruptions explosives », explique le géomorphologue. 

Il précise qu’entre ces différentes phases de construction volcanique, il y a eu des périodes d’accalmie volcanique d’une durée allant d’un million à 1,5 million d’années. « S’il y a eu une accalmie, avec une remontée de magma il y a environ 20 000 ans, et que la plaque somalienne bouge de trois à quatre centimètres par an, l’intérieur des îles Mascareignes est encore instable. Il est donc possible d’avoir une activité volcanique à n’importe quel moment. Cela peut être demain, dans cent ans, dans mille ans ou encore dans deux mille ans. C’est difficile de prévoir. Mais cela finira par se produire », fait-il remarquer.

Le volcanisme à Maurice, tout comme à la Réunion, est de nature modérée. Ce qui signifie qu’il n’est pas explosif et qu’il ne présente pas un niveau élevé de danger. De plus, précise Prem Saddul, il y a des signaux précurseurs avant une éruption volcanique. 

« Il peut s’agir de secousses sismiques, d’un gonflement de la structure volcanique, de petits glissements de terrain et même l’émergence d’eau acide avec un pH de 4 à 4,5 du point volcanique. » Ces petites secousses sont régulières et augmentent progressivement, ce qui constitue un avertissement clair de l’imminence d’une activité volcanique. 

Bien que cette possibilité existe, Prem Saddul indique cependant qu’il est peu probable qu’une éruption volcanique se produise dans un avenir proche. De nombreuses activités se déroulent actuellement sous la plaque somalienne d’un point de vue biologique et géophysique. Une nouvelle île est même en train de se former à l’est de la Réunion.

Volcans stromboliens

À Maurice, il existe trois volcans stromboliens : Bassin-Blanc, Grand-Bassin et le volcan de L’Escalier situé dans la région de Nouvelle-Découverte. Ces volcans renferment de l’eau souterraine. Lorsque le magma, atteignant une température de 1 400 degrés Celsius, monte vers la surface et entre en contact avec l’eau, il provoque des bouillonnements et un effet de « tempo ». 

Cela se manifeste par des pulsations et de petites explosions, d’où le terme « stromboli ». Une éruption strombolienne, selon la définition du Larousse, est une éruption de type mixte avec des projections et des coulées constituant des édifices volcaniques aux flancs formés de scories et de laves. 

La dernière coulée magmatique que l’île a connue remonte à seulement 20 000 ans. Les volcans de Bar Le Duc et de L’Escalier ont contribué à former la Plaine-des-Roches, la région la plus récente de Maurice, ce qui explique pourquoi cette zone est rocheuse.

La clé est de se tenir informé 

Le dérèglement climatique est souvent invoqué, selon le Dr Virendra Proag. Mais il estime que ce terme est parfois utilisé à tort pour expliquer de nombreux phénomènes. Il souligne que le changement climatique a toujours eu lieu depuis les temps immémoriaux. Il donne l’exemple des routes côtières de Maurice construites sur le sable en divers endroits, indiquant que la mer était présente à l’époque. 

« Avec le changement climatique, la mer s’est retirée, mais elle reprend actuellement sa place. C’est un processus tout à fait naturel, qu’il soit lent ou rapide. Les activités humaines peuvent avoir accéléré ce mouvement », déclare-t-il, sans vouloir polémiquer davantage sur le sujet.

Le Dr Proag estime que le stress souterrain peut provoquer des séismes, mais il ne croit pas que le changement climatique a une incidence significative sur la probabilité d’un tremblement de terre. Il reconnaît néanmoins que cela peut entraîner de légères vibrations. 

Il précise que l’être humain n’a pas le pouvoir de changer les événements naturels. Il insiste toutefois sur l’importance d’être informé des conséquences possibles d’un tremblement de terre, mais aussi et surtout des actions et des précautions à prendre en cas de catastrophes naturelles, tout comme c’est le cas pour les cyclones. 


Un volcan inactif au moins 100 000 ans considéré éteint 

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Vassen Kauppaymuthoo estime que Maurice est plus exposé à une éruption volcanique qu’à une secousse tellurique, contrairement à Rodrigues.

Selon Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement et océanographe, Maurice est plus susceptible de subir les effets d’une éruption volcanique que des secousses telluriques, contrairement à Rodrigues. Il explique qu’il existe un lien entre le dérèglement climatique et les activités volcaniques ainsi que sismiques. La Terre est formée de plaques tectoniques soumises à certaines pressions, notamment par les masses de glace, qui influencent le mouvement des plaques et du magma. 

Avec le changement climatique, la fonte des blocs de glace réduit la pression exercée sur les plaques tectoniques. Cela entraîne un mouvement plus rapide des plaques qui, en s’ajustant, affectent également le mouvement du magma, pouvant ainsi exacerber les éruptions volcaniques. « Des scientifiques ont pu établir un lien entre le changement climatique et des phénomènes tels que les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. C’est pourquoi, par exemple, Rodrigues connaît régulièrement des secousses », affirme Vassen Kauppaymuthoo. 

Un point chaud

Maurice se trouve sur un point chaud entre lui et la Réunion, où se trouve le Piton de la Fournaise, l’un des volcans les plus actifs au monde, tout comme celui d’Hawaï. Les dernières éruptions volcaniques à Maurice remontent à environ 12 000 à 15 000 ans, ce qui signifie que les volcans de l’île sont considérés comme étant « endormis » plutôt qu’éteints. Un volcan doit rester inactif pendant au moins 100 000 ans pour être considéré comme étant éteint. 

« Les cratères qui traversent Maurice du Nord au Sud, tels que Bar Le Duc, Trou-aux-Cerfs, Grand-Bassin et Bassin-Blanc, étaient en éruption il y a relativement peu de temps à l’échelle biologique. C’est pourquoi nous ne pouvons pas affirmer que les volcans à Maurice sont éteints. Il faut plutôt dire qu’ils sont en sommeil », prévient l’ingénieur en environnement. 

Il souligne qu’il serait judicieux de surveiller ces volcans pour détecter les moindres signes d’un éventuel réveil. Il rappelle également que les Mauriciens vivent à l’intérieur d’un volcan d’environ 40 km de diamètre et que de nombreuses régions habitées se trouvent dans la bouche de ce volcan. « La montagne située à l’arrière de Bagatelle est la bouche du volcan. Les chaînes de montagnes qui entourent le centre de l’île sont les vestiges de la grande caldera qui a formé Maurice », explique-t-il. 

Ce qui le pousse à dire que toutes les personnes qui habitent dans les basses Plaines-Wilhems vivent dans la bouche d’un grand volcan. Les cratères comme celui de Trou-aux-Cerfs se sont formés un peu à l’extérieur le long d’une ligne de faille, selon l’ingénieur en environnement. « Nous ne sommes pas à l’abri de phénomènes naturels et la surveillance constante est essentielle pour prévenir les catastrophes. »

Vassen Kauppaymuthoo insiste sur ce point. « L’homme n’a fait que coloniser la terre. À Maurice, il s’est installé au cœur d’un cratère volcanique après des milliers d’années. Il ne faut pas oublier que c’est l’être humain qui est venu dans ces zones. Comme pour tous les autres risques de catastrophes, il faut surveiller la situation de près, tout comme nous le faisons pour les glissements de terrain et les inondations », souligne-t-il.

 

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