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«To ankor tipti, ki to kone twa» : comment Saniyah, 18 ans, libère la parole sur la santé mentale

Saniyah Hossenbocus plaide pour la création de « safe corners » dans les écoles.

À Maurice, quand un adolescent avoue ne pas aller bien, on lui répond souvent : « To ankor tipti, ki to kone twa ? » Cette phrase, Saniyah Hossenbocus l’a entendue trop souvent. À 18 ans, elle a décidé d’y répondre par la poésie, l’écoute et un engagement qui bouscule les codes.

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Dans les couloirs des collèges mauriciens, le silence règne encore trop souvent quand il s’agit de santé mentale. « Je l’ai vu dans les classes, quand quelqu’un avoue être en dépression et que ses camarades se taisent, par gêne ou peur du jugement », raconte Saniyah Hossenbocus. Elle connaît bien ces silences pesants, et elle a décidé de les briser.

Pair-conseillère certifiée en psychothérapie depuis quatre ans, présidente nationale du NAFCO (National Forum for Colleges) et secrétaire générale du National Student Council, Saniyah cumule les responsabilités avec une maturité déconcertante. Mais c’est peut-être à travers son recueil de poésie « When I wrote to the flowers », sorti fin août en prélude au mois de prévention du suicide, en septembre, qu’elle touche le plus juste.

« Les fleurs deviennent un miroir où l’on dépose ses blessures et d’où renaît une force », explique-t-elle. Son livre, construit en six parties comme un chemin de traverse intérieure, consacre une section entière à la santé mentale. L’objectif ? Que chaque lecteur puisse s’y reconnaître et se dire : « Je ne suis pas seul. »

Écouter est souvent plus difficile que parler, parce qu’il faut contenir sans interrompre, sans donner de solutions toutes faites.»

Car à Maurice, parler de détresse psychologique reste compliqué. « Le tabou, c’est quand on associe la santé mentale à la faiblesse », observe la jeune militante. Face à cette réalité, l’art devient refuge : « La poésie ne juge pas, elle accueille. Elle dit avec des images ce que parfois la bouche n’arrive pas à formuler. »

Cette approche trouve un écho particulier chez les jeunes. « Entre pairs, on sent moins la barrière du jugement. Les adultes, parfois, minimisent ou dramatisent, alors que nous, on comprend sans forcément juger », analyse-t-elle.

Ses responsabilités au sein du NAFCO et du National Student Council lui ont ouvert les yeux sur une réalité troublante : « Derrière beaucoup de sourires d’apparence, il y a une fatigue invisible. La détresse des jeunes n’est pas toujours spectaculaire, mais quotidienne : solitude, pression académique, peur de décevoir. »

Comme pair-conseillère, elle voit défiler les mêmes besoins : « Le besoin d’être entendu, d’abord. Ensuite, l’angoisse face à l’avenir revient souvent : peur de l’échec, manque de confiance, difficultés familiales. »

L’impact de son travail, Saniyah l’a mesuré concrètement : « Un jour, une camarade m’a confié qu’elle n’avait plus envie de continuer. Le simple fait d’avoir été écoutée, d’avoir mis ses pensées en mots, lui a permis de chercher de l’aide. » Un moment qui l’a profondément marquée et qui illustre sa conviction : « Écouter est souvent plus difficile que parler, parce qu’il faut contenir sans interrompre, sans donner de solutions toutes faites. »

Entre pairs, on sent moins la barrière du jugement. Les adultes, parfois, minimisent ou dramatisent, alors que nous, on comprend sans forcément juger»

Face à la peur de ne pas trouver les bons mots, elle a sa méthode : « Je respire, je me rappelle que ce n’est pas la perfection qui aide, mais la sincérité. Parfois juste dire ‘je suis là’ suffit. »

Pour Saniyah, Maurice manque d’espaces dédiés : « J’imagine des ‘safe corners’ dans les écoles où l’on peut entrer, parler, écrire, dessiner, sans jugement. Un lieu animé par des pairs et accompagné de professionnels. »

Sa métaphore pour décrire la santé mentale des jeunes aujourd’hui ? « C’est comme un jardin où certaines fleurs poussent dans l’ombre. Si on ne leur donne pas d’eau ni de lumière, elles se fanent en silence. Mais si on en prend soin, elles s’ouvrent d’une beauté inattendue. »

Aux jeunes en détresse, elle veut faire passer un message clair : « Ils ne sont pas seuls, leur douleur est réelle et digne d’être entendue. Et surtout : il y a toujours un lendemain qui peut fleurir, même si aujourd’hui semble sombre. »

« Nous sommes tous des étoiles et les étoiles ont besoin d’un peu d’obscurité pour briller », conclut-elle. À 18 ans, Saniyah Hossenbocus illumine déjà le chemin pour toute une génération. Une lumière qui refuse de se laisser éteindre par les tabous.

 

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