
Bhanoodutt Beeharee, ex-président de la Local Government Service Commission (LGSC), se retrouve aujourd’hui au centre d’une controverse de grande envergure. Mais ce n’est pas la première fois.
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1 765 recrutements validés sous sa présidence dans les administrations régionales ont été annulés en fin de semaine dernière. Il a été arrêté lundi après-midi par la Financial Crimes Commission (FCC) dans le cadre de cette affaire, ainsi que les quatre autres ex-membres de la LGSC.
Né à Flacq, formé en électronique et télécommunications à Londres, Bhanoodutt Beeharee, 75 ans, également connu sous le prénom Rajesh, a consacré une grande partie de sa vie à la fonction publique. Après un passage comme professeur d’électronique, il intègre en 1990 la Mauritius Telecommunications Authority (MTA), ancêtre de l’Information & Communication Technologies Authority (ICTA), et gravit rapidement les échelons pour en devenir l’Officer-in-charge. En 2002, avec l’avènement de l’ICTA, il est embauché comme consultant chez Mauritius Telecom. Un poste qu’il obtiendra grâce à sa grande proximité avec sir Anerood Jugnauth, alors Premier ministre.
En juin 2015, il est nommé président de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) par sir Anerood Jugnauth, qui était redevenu Premier ministre en décembre 2014. Une nomination politique qui suscite des remous. L’homme, décrit comme autoritaire, impose rapidement sa marque. En mai 2016, il est victime d’une violente agression en pleine rue. Il est révoqué quelques mois plus tard. Mais c’est en mars 2020, lorsqu’il prend la tête de la LGSC, que Bhanoodutt Beeharee retrouve une position stratégique dans l’appareil étatique. En 2023, après un premier mandat de trois ans, il sera reconfirmé au poste de président de la LGSC.
« aucun commentaire »
Contacté vendredi par Le Défi Media Group par rapport au recrutement des 1 765 personnes au sein des conseils municipaux et conseils de district lorsqu’il était président de la LGSC, Bhanoodutt Beeharee s’est refusé à tout commentaire substantiel. « À ce stade, je n’ai aucun commentaire à faire » a-t-il déclaré.
Début novembre dernier, à quelques jours des élections générales, son nom refait surface. Dans un extrait sonore diffusé en ligne par Missie Moustass, deux voix — attribuées respectivement à l’épouse de l’ex-Premier ministre, Kobita Jugnauth, et à une certaine Sheela Curpen — évoquent des recrutements précis à effectuer au sein de la LGSC, qui devraient être transmis à son président. Le nom de Bhanoodutt Beeharee est cité. Si les voix sont authentifiées, ce qui n’est pas encore le cas, et si une ingérence est avérée, les personnes concernées s’exposent à une peine d’un an d’emprisonnement, selon la LGSC Act de 1975. Cette loi encadre strictement les conditions de nomination et interdit formellement toute tentative d’influencer les décisions de la Commission.
Le fonctionnement de la Commission
Créée par la Local Government Service Commission Act No. 37 de 1975, la LGSC est une institution constitutionnelle chargée exclusivement du recrutement, de la discipline, de la révocation et des promotions des fonctionnaires des collectivités locales : municipalités et conseils de districts. Elle est indépendante de l’exécutif, ses membres étant nommés par le Président de la République sans intervention du Premier ministre.
La LGSC était présidée de 2020 à 2024 par Bhanoodutt Beeharee. Les autres membres étaient Purnima Devi Rawoteea, Reshad Bhaukaurally, Pramchand Tanakoor et Jean Bruneau Dorasami. Leur mandat de trois ans, renouvelé en avril 2023, devait courir jusqu’en 2026. Toute tentative d’influencer un membre de la LGSC constitue un délit pénal, tout comme la divulgation d’informations internes.
La LGSC fonctionne comme une instance indépendante, avec un financement directement assuré par le Consolidated Fund, afin de garantir qu’aucun ministère n’exerce d’influence sur ses décisions.
Tandis que la Public Service Commission (PSC) et la Disciplined Forces Service Commission (DFSC) sont respectivement chargées du recrutement et des promotions au sein de la fonction publique et des forces de l’ordre, la LGSC, elle, est compétente pour les Administrations régionales, soit les Conseils de district et les municipalités.
La Constitution lui confère des attributions précises. Elle dispose ainsi du pouvoir exclusif « de nomination, d'exercer un contrôle disciplinaire sur les fonctionnaires des collectivités locales, de révoquer ou d'approuver la retraite des fonctionnaires des collectivités locales, de sélectionner des candidats parmi les fonctionnaires des collectivités locales pour l'attribution de bourses ou d'autres privilèges similaires ».
Son indépendance est en outre renforcée par une autre disposition de cette même loi : « la Commission ne sera soumise, dans l'exercice de ses fonctions, à la direction ou au contrôle d'aucune autre personne ou autorité ».
Toute tentative d’influencer la LGSC constitue un délit pénal. En effet, la loi stipule que « toute personne qui, autrement que dans l'exercice de ses fonctions, influence ou tente d'influencer de quelque manière que ce soit une décision de la Commission ou d'un membre, en rapport avec une demande d'emploi ou de promotion dans un bureau de gouvernement local » se rend coupable d’une infraction.
Par ailleurs, le texte encadre strictement la confidentialité des processus internes : « toute personne qui publie ou divulgue le contenu ou l'objet de toute communication dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions en vertu de cette loi » commet également un délit. Autrement dit, faire circuler en dehors des circuits officiels une liste de candidats destinée à un poste dans une administration régionale est passible d’un an d’emprisonnement.
Aussi, pour garantir l’indépendance de cette instance, la révocation d’un membre de la LGSC obéit à une procédure stricte. Un tel membre ne peut être démis par le président de la République que lorsque la question de sa révocation a été soumise à un tribunal constitué d’un juge ou d’un ancien juge et de deux assesseurs, et que ce tribunal a recommandé au Président que le membre devrait être démis de ses fonctions.
En conférence de presse lundi : Le MSM dénonce une « vengeance politique »
Le MSM dénonce la révocation récente d’employés recrutés par la LGSC, évoquant une vengeance politique. Soodesh Callichurn et Bobby Hurreeram réclament l’arrêt des licenciements en attendant les conclusions de l’enquête en cours.
L’affaire entourant les recrutements par la Local Government Service Commission (LGSC) continue de faire couler beaucoup d’encre. Lundi, lors d’un point de presse, des membres du MSM, dont Soodesh Callichurn et Bobby Hurreeram, ont dénoncé la révocation de plusieurs personnes embauchées à travers cet exercice. Ils évoquent une « injustice flagrante » et une tentative de « règlement de comptes politiques ».
Soodesh Callichurn, ancien ministre du Travail, a confirmé que « nou finn konstitie enn legal panel » pour examiner la marche à suivre. « Nous avons tenu une réunion à ce sujet. Nous dénonçons ces licenciements, car nous estimons que tout a été fait dans la légalité », a-t-il insisté. Il a souligné que l’enquête de la FCC est en cours, et que le gouvernement aurait dû attendre ses conclusions avant de procéder à toute révocation.
Il rappelle que les personnes concernées ont été recrutées dans les collectivités locales et autres corps parapublics après un processus conforme : « Ils ont été engagés sur une base temporaire, ont été ou étaient dans une période de probation, puis devaient passer à l’étape de la confirmation, comme c’est la pratique dans d’autres institutions ». Selon lui, ces employés ont été injustement congédiés, alors même qu’ils étaient sur le point de passer leurs examens médicaux ou d’être confirmés dans leurs fonctions.
De son côté, Bobby Hurreeram parle d’une manœuvre « dominer » et accuse le gouvernement de mener une « vengeance politique claire ». Il soutient que « ces gens n’ont rien fait d’illégal » et accomplissent un travail essentiel. Il déplore également que l’Alliance du Changement ait menti en affirmant qu’aucun emploi ne serait perdu. « Zot pe zwe avek lavenir sa bann anplwaye-la », a-t-il lancé.

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