Narain Permal a vu le jour, il y a 67 ans, à Cap-Malheureux. Miné par le diabète, il a dû se faire amputer des deux jambes. La maladie a aussi affecté sa vue et il ne voit que de l’œil gauche. Malgré tout, ce monsieur ne s’est pas départi de sa joie de vivre. Une vie qui lui a beaucoup pris, mais lui a aussi grandement donné.
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C’est un cousin du Dr Armoogum Parsuramen. « Il habitait tout près de moi et compte parmi les premiers habitants de l’endroit », raconte Narain Permal. Le père de ce dernier, Tamby, compte parmi les premiers boutiquiers de Cap-Malheureux. « À l’époque, il n’y avait que trois boutiques ici. La première était située à Mariamen Temple Road (celle de mon père), la deuxième sur la propriété de M. Rouillard et elle fait aujourd’hui partie du patrimoine, alors que la troisième est à Pavillon. De nos jours, on compte une trentaine de boutiques dans le village. Celle de mon père a été transformée, après son décès, en restaurant : le Tanaco », explique Narain.
Aujourd’hui, Narain ne se rend plus autant dans la tabagie qui a fait sa renommée. « C’est ma femme, qui a 61 ans, qui s’en occupe. Elle n’est pas aussi fréquentée qu’auparavant, mais ma femme la garde ouverte, puisque cela lui permet de meubler son temps », dit-il.
À l’entendre parler, on comprend que Narain regarde toujours du bon côté de la vie, bien qu’elle n’ait pas été tendre du tout avec lui dans son vieil âge. Il ne ressent aucun ressentiment et continue à faire preuve d’un bel état d’esprit. Un exemple lumineux pour ceux qui, même si on peut les comprendre, sont découragés face aux aléas de la vie.
Les parents de Narain avaient quatre enfants, dont trois filles. Petit, il fréquente l’école primaire de la région, une bâtisse de bois et de tôle. Pour ses études secondaires, il est admis à l’International College, dans le centre deTriolet. Mais il n’ira pas plus loin que le Form I. « J’étais un brillant élève, mais ma famille ne pouvait pas payer les fees du collège, qui étaient de Rs 12 par mois pour le Form II. à l’époque, le collège était payant. Les fees étaient de Rs 10 pour le Form I, Rs 12 pour le Form II, etc. Ma famille ne pouvait pas payer les Rs 2 supplémentaires. J’ai dû arrêter mes études. C’était très triste, mais que pouvais-je faire ? Le principal du collège (M. Dushrat), ainsi que des instituteurs sont venus à la maison pour essayer de convaincre ma mère pour que je poursuive mes études. Ils lui ont dit qu’ils allaient payer les Rs 2 additionnelles. Elle n’a pas accepté. Mes camarades de classe sont devenus plus tard médecins, sinon des professionnels dans d’autres domaines », raconte-t-il avec un pincement au cœur.
Adieu les bancs de l’école, bonjour les champs
Si le petit garçon de 11 ans quitte l’école, ce n’est pas forcément pour rester à la maison. Il va travailler sur une propriété appartenant à un député de l’endroit. Il touche Re 1,25 pour une journée de travail. Plus tard, il se fait engager par l’établissement Sans-Souci Rouillard et gagne Rs 2,25. Ensuite, il devient jardinier et touche un salaire de Rs 5 par jour.
Narain est issu de la deuxième lignée des enfants de Tamby. Il partage toutefois une bonne relation avec ses demi-frères. Ces derniers possèdent des voitures et des motocyclettes. Narain apprend à conduire. « Je sortais les voitures ou les motos de la cour ou les faisaient entrer », se souvient-il. Il apprend ainsi très vite à conduire une voiture et obtient sa licence avant d’avoir 20 ans. Il commence par faire des courses pour les cinéphiles, transportant ceux qui fréquentent les salles de l’époque : le Kings et l’Astoria à Goodlands, le Roshnee à Fond-du-Sac, l’Eros à Plaine-des-Papayes ou encore l’Anand à Triolet.
Je suis très touché par le geste de M. Harel. Ce don a transformé mon existence. Le fauteuil roulant est équipé de deux batteries pour voiture. Je peux me déplacer jusqu’à même Grand-Baie»
« J’opérais, bien entendu, dans un taxi marron ! Plus tard, j’ai commencé à rouler pour l’ambassade américaine. Je suis devenu le chauffeur du consultant Julian Farmer. Il logeait dans le campement qui appartiendra plus tard à Vanessa Lagesse. C’était un homme très affable, très terre-à-terre. Dans le privé, il ne faisait pas de distinction entre son statut et le mien. Nous nous asseyions à la même table », se remémore Narain.
À un certain point de sa vie, Narain décide de se mettre à son propre compte. Avec l’aide de son frère, il achète un camion qui lui coûte Rs 20 000 et opère à partir de la Place des camions, à Port-Louis, pendant plus de vingt ans.
Avec ses économies, Narain ouvre une tabagie au bord de la route Royale, qu’il nomme Légumiers sous les flamboyants. « Mon petit commerce a connu un gros succès auprès de la population de cette partie de l’île. Parmi mes clients, il y avait beaucoup de blancs. Cette tabagie a connu un tel succès que même des télévisions étrangères y ont réalisé des reportages, comme France 3. Les touristes étaient fascinés par la quantité d’oiseaux qui venaient là. Il y a des images qui figurent dans les archives de la MBC », raconte notre interlocuteur.
La popularité de Narain auprès de ses clients lui fera du bien. Quand il apprend que Narain a eu les deux jambes amputées et qu’il cherche un fauteuil roulant électrique, un certain Jean-Raymond Harel lui rend visite pour lui proposer ce qu’il cherche, car il en possède un. Après quelques petites réparations, le fauteuil roulant électrique fonctionne à merveille et aide Narain à se déplacer. « Je suis très touché par le geste de M. Harel. Ce don a transformé mon existence. Le fauteuil roulant est équipé de deux batteries pour voiture. Je peux me déplacer jusqu’à même Grand-Baie », déclare Narain.
Féru de l’histoire de son pays
Même s’il n’a étudié que jusqu’à la Form I et malgré son âge et son sérieux handicap, Narain est un féru de lecture. La littérature l’intéresse beaucoup et il est passionné par l’histoire de l’île Maurice. Pour apprendre et faire des recherches, il possède sa propre tablette, intéressé qu’il est aussi par l’informatique.
Narain s’est marié sur le tard et il est père de deux enfants, un garçon et une fille, qui sont mariés et vivent chacun avec leur famille. Son fils est instituteur, tandis que sa fille est employée au sein d’un important conglomérat. Narain a trois petits-enfants, actuellement chez lui en cette période de vacances.
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