Live News

Alliance gouvernementale : un triomphe électoral aux allures de malaise démocratique

La victoire du 4 mai n’est pas la fin d’un cycle, elle est peut-être le début d’une recomposition.

Ce dimanche 4 mai, l’Alliance du Changement (PTr-MMM-ReA-ND) a remporté 117 des 120 sièges mis en jeu aux élections municipales. Un raz-de-marée politique, un quasi-plébiscite — mais à y regarder de plus près, c’est surtout un vote sans rival. Face à une opposition dispersée, démobilisée ou absente, la victoire tient autant à la force de frappe du pouvoir qu’au vide laissé par ses adversaires.

Publicité

Dans un contexte d’abstention record, où 73,73 % des inscrits n’ont pas voté, ce succès pourrait avoir un goût amer. Si les urnes ont parlé, elles ont surtout résonné du silence d’une majorité d’électeurs. Un silence que beaucoup lisent comme un « avertissement ».

« Le régime en place doit faire attention et ne pas croire que tout est acquis », alerte l’observateur et politologue Yvan Martial. C’est, selon lui, « un signal fort qui a été envoyé ». « Même si l’opposition est affaiblie, il ne faut pas confondre absence de candidats et adhésion massive », dit-il. 

Pour Yvan Martial, le gouvernement ne saurait se satisfaire de cette victoire sans interroger la manière dont elle s’est construite : sur l’échec de la mobilisation citoyenne, sur l’effacement des forces d’alternance, et sur un désenchantement palpable. Dans ce paysage sans contrepoids, l’Alliance du Changement devra gouverner des municipalités où l’abstention dépasse parfois les 80 %. Un mandat vidé de sa force populaire ? 

« Je ne crois pas », tempère Yvan Martial. « Le gouvernement central et les conseils municipaux sont deux réalités différentes. Mais c’est quand même un petit coup de semonce », martèle-t-il. Une victoire technique qui pourrait s’avérer politiquement creuse.

Et pourtant, au milieu de cette hégémonie, trois sièges échappent à l’Alliance du Changement. Une brèche dans le mur ? « À première vue, je suis agréablement surpris par les voix de l’opposition. Ces trois élus redonnent confiance dans la démocratie régionale. Ils feront réfléchir plus d’un », affirme Yvan Martial. Même infime, poursuit-il, cette percée signale que tout n’est pas figé. L’électorat, s’il se dérobe, n’est pas totalement résigné.

Une brèche d’espoir dans l’hégémonie

Pour l’historien Jocelyn Chan Low, c’est une leçon importante. « L’électorat n’est plus un dépôt fixe. Il faut faire attention », fait-il ressortir. Autrement dit, la fidélité partisane a laissé place à un électorat mobile, volatil, imprévisible. Et s’il ne se déplace pas pour des municipales sans enjeu, poursuit Jocelyn Chan Low, il pourrait bien le faire demain contre ceux qui auraient cru leur victoire acquise.

Au fond, la victoire du pouvoir ne dit pas seulement la faiblesse de ses adversaires. Elle révèle une crise bien plus profonde : celle de la démocratie municipale. Étouffée pendant plusieurs années par le régime gouvernemental sortant, vidée de ses prérogatives par les divers gouvernements, privée d’autonomie budgétaire et de marges d’initiative, elle peine à convaincre. Et les électeurs le lui rendent bien. « La politique est à l’origine du désintérêt. Ce n’est pas l’électorat qui est coupable. C’est l’appareil politique qui a dévitalisé les institutions locales », insiste Jocelyn Chan Low.

D’autant que le mode de gouvernance municipale, fondé sur des maires tournants et des pouvoirs réduits, n’incarne guère une dynamique de proximité. « Les électeurs ne voient plus la différence entre élire un maire ou ne pas le faire. Et comme les conseils municipaux sont affaiblis, cela ne change pas leur quotidien », souligne pour sa part l’avocat et constitutionnaliste Parvez Dookhy.

Pour Parvez Dookhy, le problème est aussi culturel. « L’éducation civique reste en jachère dans notre système scolaire. On sensibilise nos jeunes aux droits de l’homme à travers des slogans en période électorale, mais on ne forme pas de citoyens conscients et actifs. Sans apprentissage de la citoyenneté, sans débats publics vivants, sans projets concrets à discuter, l’acte de voter perd son sens », déplore-t-il.
 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !