Éleveuse de poulets et pêcheuse de crabes, Marie Arrianne, analphabète, a tout perdu après le naufrage du Wakashio survenu le 25 juillet 2020. La marée noire a détruit ses 30 casiers. Quant à ses 220 volailles, elles sont mortes, selon ses dires, après avoir mangé des puces de la mer.
Marie Arrianne n’est jamais allée à l’école. « Ma mère s’est séparée de mon père quand j’avais trois ans. M’envoyer à l’école n’était pas la priorité de ma belle-mère », confie-t-elle. Très jeune, elle a lutté pour compenser cette situation. Une fois en âge de travailler, elle a cumulé les petits boulots. À un moment donné, elle a même travaillé comme aide-maçon pour une compagnie de renom. Plus tard, comme elle vivait près de la mer, elle a essayé de gagner sa vie avec ce que pouvait lui offrir l’océan.
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Faisant preuve d’une rare débrouillardise, elle a commencé à poser des casiers dans la mer tout en élevant de la volaille. Marie Arrianne voyait enfin la vie en rose, mais son avenir s’est obscurci suite au naufrage du Wakashio dans le sud-est de l'île. Des tonnes d’huile lourde ont été déversées dans l’océan et ont provoqué une catastrophe écologique. La marée noire a mis fin à la pêche des crabes et a, parait-il, tué toutes les volailles de Marie Arrianne. Cette dernière a vu tous ses efforts et sacrifices, surtout ses investissements financiers, être anéantis. « Je suis ruinée, puisque j’ai tout perdu. Savez-vous combien m’a coûté un casier ? Rs 1 000. Parmi mes 220 volailles, il y avait 145 coqs. Un coq vaut entre Rs 800 à Rs 900, tandis qu’il faut débourser Rs 200 pour une poule », se lamente-t-elle.
À un moment donné, elle a même travaillé comme aide-maçon pour une compagnie de renom."
Les pertes ont donc été importantes pour cette éleveuse. Elle a reçu Rs 15 000 comme compensation de la part des autorités. Malheureusement, ce n’était même pas suffisant pour régler sa facture d’électricité qui s’élevait à Rs 17 000.
Une vie précaire
La maman de Marie Arrianne gagne aussi sa vie grâce à la mer, tout comme son père qui était « bayan ». Cela fait plus de 25 ans qu’il est décédé. Ses parents ont eu trois filles. Quand son père a refait sa vie, il a eu quatre garçons. L’un d’eux est mort l’an dernier. Marie Arrianne confie qu’elle n’a jamais été proche de ses demi-frères. En revanche, elle a gardé de bonnes relations avec ses deux sœurs.
Sa vie au bord de la mer, à Coteau-Raffin, La Gaulette, n’a pas été une partie de plaisir. Très jeune, elle a planté du manioc et des patates tout en nourrissant des poulets. C’est à l’âge de 17 ans que Marie Arrianne s’est mariée civilement. Un an plus tard, elle a mis au monde une fille. Au total, le couple a eu cinq enfants, deux garçons et trois filles.
Après 30 ans de mariage, Marie Arrianne s’est séparée de son mari qui exerçait le métier de maçon. Il était un coureur de jupons et dépensait la majeure partie de ses revenus pour s’amuser. La responsabilité d’élever leurs enfants incombait à Marie Arrianne. Celle-ci s’est démenée pour les envoyer à l’école, même s’ils ont étudié que jusqu’à la primaire, sauf le quatrième de la fratrie qui a arrêté le collège en Grade 9. Son troisième enfant, un fils, est aide-maçon. Il est père d’un bébé de 7 mois, mais il ne touche que Rs 500 la journée, tout comme son frère qui travaille ensemble avec lui pour une compagnie basée à Beau-Vallon. « Aucun des deux n’est marié. Leurs revenus sont si maigres qu’ils n’arrivent pas à m’aider », soupire Marie Arrianne. Ses enfants et elle sont actuellement installés à la route Royale, Providence.
Ils vivent dans une bicoque qui fuit de partout, car le bois et les feuilles de tôle sont pourris. La maison risque de s’écrouler à tout instant, indique notre interlocutrice. Elle avait l’intention de construire une maison en dur, mais le Wakashio a ruiné tous ses plans.
Actuellement, elle ne vit que grâce à sa pension de veuve. Elle souhaite que le gouvernement lui vienne en aide pour qu’elle puisse redémarrer son business.
A-t-elle mal calculé ses pertes ?
Suite à la catastrophe maritime, les propriétaires du Wakashio ont mis en place un dispositif pour compenser les personnes affectées de près ou de loin. Suite à un fonds mis à la disposition du gouvernement mauricien, les autorités ont invité les victimes à venir déposer une demande de compensation. Les 3 000 demandes reçues ont été classées en diverses catégories : pêcheurs, plaisanciers, hôteliers, « bayan », etc.
Mais les autorités ont constaté que d’autres personnes gagnaient leurs vies grâce à la mer, sans être nécessairement enregistrées, à l’instar de Marie Arrianne. Elles ont donc décidé de les compenser également. Ainsi, toutes les réclamations venant de ces personnes non enregistrées et tombant sous les 1 000 dollars de compensation par tête ont été prises en considération. On a demandé à ces victimes d’estimer leurs pertes et de soumettre leurs réclamations).
Dans le cas de Marie Arrianne, comme elle avait 30 casiers valant Rs 1 000, elle aurait dû réclamer au moins Rs 30 000, déclare une source auprès de l’assureur (bien que, si on ajoute la valeur des pertes au niveau des volailles, cela fait Rs 131 000 de plus). Cependant, elle a réclamé seulement Rs 15 000. De plus, elle a signé une quittance stipulant qu’elle était satisfaite du montant de la compensation et qu’elle ne réclamerait rien de plus dans le futur.
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