Abandon des accusations provisoires contre lui et son épouse : retour en grâce de Sherry Singh en politique ?

Après avoir affirmé vouloir créer un tsunami politique contre le gouvernement en place, Sherry Singh s’est retrouvé confronté à plusieurs démêlés judiciaires qui ont sérieusement entaché sa crédibilité. Mais en cette année 2024, l’ancien patron de Mauritius Telecom connaît des développements judiciaires favorables. Quel impact cela aura-t-il sur sa crédibilité politique en cette année électorale ?

La trajectoire de Sherry Singh continue de retenir l’attention. Depuis sa démission en juin 2022, l’ancien Chief Executive Officer (CEO) de Mauritius Telecom (MT), autrefois proche collaborateur du Premier ministre Pravind Jugnauth, s’est retrouvé au cœur de multiples controverses mais aussi au centre de plusieurs spéculations politiques. 

Sa démission a été suivie de révélations fracassantes concernant des allégations de surveillance illicite sur le réseau de télécommunications national. Ces déclarations ont provoqué une onde de choc, suscitant des réactions variées et accentuant l’attention portée à Sherry Singh, surtout qu’il s’est fixé pour objectif de déclencher un tsunami politique pour écarter le Mouvement socialiste militant et Pravind Jugnauth du pouvoir. 

Cependant, les arrestations auxquelles il a fait face, ainsi que les allégations émises par le Premier ministre selon lesquelles Sherry Singh détiendrait des comptes bancaires à l’étranger, ont considérablement atténué l’impact de l’ex-CEO de MT et de son engagement politique. Ce mois de juin a toutefois marqué un tournant pour lui. 

Le 10 juin 2024, l’accusation de « conspiracy to defraud MT » qui était retenue contre lui a été abandonnée. Quelques jours plus tard, soit le 19 juin, la magistrate Valentine Mayer a rayé l’accusation provisoire de « conspiracy to money laundering » qui était retenue contre Varsha Singh, épouse de Sherry Singh. Cette décision a été motivée par une déclaration du sergent Rajiv Mungra, Police Prosecutor, affirmant que le Directeur des poursuites publiques n’avait aucune objection à la demande d’abandon des charges. 

La question qui mérite d’être posée est de savoir si ces développements judiciaires renforceront la position de Sherry Singh dans le paysage politique particulièrement en cette période électorale ? L’ancien ami proche du couple Jugnauth a certes laissé entendre, en quelques occasions, être en possession de dossiers compromettants pour Pravind Jugnauth ainsi que pour son entourage. 

Mais le fait demeure que Sherry Singh n’a jusqu’ici rien sorti de concret, en dehors de l’affaire « Sniffing ». Au sein de l’opinion publique et parmi différents membres de l’opposition, on continue de croire que Sherry Singh a des jokers en main capables de déstabiliser le pouvoir. 

Du côté du Parti travailliste (PTr), bien qu’on se refuse à commenter ouvertement le cas de Sherry Singh, plusieurs dirigeants affirment que même s’il n’y a pas de contact direct avec l’ancien patron de MT, il finira tôt ou tard par devenir un allié objectif de l’opposition. Ils rappellent que l’objectif ultime de Sherry Singh est de faire tomber le gouvernement, tout comme celui de l’alliance PTr-MMM-ND. 

« Ce qui fait qu’il finira, à un moment donné, par devenir un allié objectif de l’opposition », confie un dirigeant du PTr. Ce dernier souligne également qu’en dehors de la rencontre survenue entre Sherry Singh et Navin Ramgoolam en 2022, il n’y a pas eu de véritable contact entre les deux hommes. Mais on évoque souvent des liens indirects entre le parti et Sherry Singh. 

Afin de déterminer si ce dernier est aujourd’hui devenu un allié pour l’opposition, il est crucial d’évaluer ses réalisations politiques depuis son départ de MT. Cette interrogation est soulevée par l’historien et observateur politique Jocelyn Chan Low. « Est-ce que Sherry Singh peut aujourd’hui être considéré comme une force politique ? » s’interroge l’historien. 

« Certes, il a créé un parti politique et a été rejoint par Bruneau Laurette, mais ce parti dispose-t-il de structures solides ? La création de One Moris a-t-elle fait de Sherry Singh une force politique ? Le parti a-t-il été actif dans les circonscriptions ? Ce n’est pas l’impression qui se dégage », avance-t-il. 

Jocelyn Chan Low souligne également que Sherry Singh avait promis l’arrivée d’un « tsunami », mais que ce phénomène ne s’est jusqu’ici pas encore produit. En ce qui concerne les dossiers que l’ex-CEO de MT pourrait avoir en main pour embarrasser le gouvernement, l’observateur politique fait remarquer que les révélations de Sherry Singh n’ont, jusqu’à présent, abouti à rien de concret contre le pouvoir en place. 

Un autre élément qui mérite aussi d’être mis en lumière dans cette affaire est le rôle du gouvernement. Plusieurs observateurs s’accordent à dire que tout ce qui s’est produit depuis le départ de Sherry Singh de MT résulte de l’affrontement politique entre lui et le MSM, plus particulièrement son leader, Pravind Jugnauth. 

Stefan Gua rappelle que toute une machinerie avait été enclenchée contre Sherry Singh. « Ce qu’on retient, c’est que toute la cabale politique menée par le gouvernement contre lui s’effondre grâce à l’indépendance du système judiciaire », souligne le membre du parti de gauche Rezistans ek Alternativ. 

Si Stefan Gua se refuse à commenter la crédibilité de Sherry Singh après les développements survenus en cour ces deux dernières semaines, il souligne néanmoins que le gouvernement perd des plumes dans toute cette histoire. « Cela démontre une nouvelle fois la capacité du gouvernement à mener une vendetta contre tous ceux qui s’opposent à lui », affirme-t-il.