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40 ans après le 60-0 de 1982 : un rendez-vous raté avec l’Histoire

Les trois hommes forts de l’alliance MMM/PSM, Paul Bérenger, sir Anerood Jugnauth et Harish Boodhoo.

11 juin 1982. Le moment est historique. Pour la première fois, Maurice connaît un 60-0 aux élections générales. 

Sous le slogan « Enn nouvo simen pou enn nouvo lavi », l’alliance composée du Mouvement militant mauricien (MMM) et du Parti socialiste mauricien (PSM) bat à plate couture l’équipe gouvernementale sortante formée par le Parti travailliste (PTr) de sir Seewoosagur Ramgoolam et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) de sir Gaëtan Duval.

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Le 20 juin, quelques jours après les élections, a lieu le plus grand rassemblement politique de l’histoire du pays. Plus de 200 000 personnes assistent à la fête de la victoire qui prend la forme d’un meeting de remerciement au Champ de Mars. Sir Anerood Jugnauth est fraîchement nommé au poste de Premier ministre et Paul Bérenger est ministre des Finances. La mission est alors de sauver l’île d’un naufrage quasi-programmé et de reconstruire un pays uni où le communalisme n’a plus sa place.

Quarante ans plus tard, la mission a-t-elle été remplie ? Certes, sur le plan économique, on peut parler d’une « success story ». Avec le recul, les semences plantées à l’époque ont donné des fruits. Mais pour le reste ? 

« Il faut retenir qu’en 1982, le contexte était historique. Le gouvernement PTr/PMSD était très impopulaire, alors que l’alliance MMM/PSM avait présenté un programme de renouveau. Puis, le MMM était très présent auprès des travailleurs qui adhéraient massivement aux opinions et idées du parti », raconte l’ancien ministre Dharam Gokhool, qui avait été élu en seconde position dans la circonscription n° 7 (Piton/ Rivière-du-Rempart) en 1982. Il était le colistier du futur Premier ministre, sir Anerood Jugnauth.

Directeur de campagne du MMM à Curepipe, Motee Ramdass, qui sera ministre de 2000 à 2005, se souvient que les élections de 1982 était « une époque euphorique où tout le monde était enthousiaste pour changer complètement le système ».

Swalay Kasenally, qui s’était fait élire pour la deuxième fois sous la bannière du MMM au n° 13 cette année-là, affirme que « nous étions des idéalistes et avions un grand projet de société pour ce pays. Nous croyions que la société mauricienne demandait un nouveau modèle. Mais bien vite, on a réalisé que les mentalités, la façon de penser des gens étaient restées pareilles. La situation était plus difficile, économiquement et socialement parlant, et la société était fondamentalement conservatrice. On est retombé rapidement dans la réalité. C’était un rêve brisé ». 

Les élections de 1983 ont été, selon lui, « bien pires que celles de 1967. Ça ne faisait pas honneur au pays. Le jeu communal avait été poussé à fond. C’était tous contre le MMM. On a eu un vote populaire de 47 %. Le MSM/PMSD et le PTr ont obtenu 51 %, le reste étant revenu à des petits partis. »

Nos interlocuteurs se disent amèrement déçus. « On a raté notre rendez-vous avec l’Histoire. Si nous avions mis notre programme en pratique, avec le recul du communalisme et du racisme, le pays aurait été totalement différent. On a reculé. Le but était d’avoir une île Maurice libre, ouverte, où chaque Mauricien aurait eu la même place. Au lieu de ça, on a encore des politiciens qui parlent de manière communale et viennent pointer du doigt certaines composantes de notre société alors que tout le monde est dans le même bateau », déplore Motee Ramdass.

Dharam Gokhool partage ce point de vue. « Le mot déception n’est pas assez fort pour dire ce que je ressens. Nous étions sur une trajectoire de progrès et d’unité. Nous aurions pu faire aussi bien que des pays tels que Singapour, mais en cours de route, les chamboulements politiques ont fait qu’on a reculé. L’aspect d’unité nationale a été beaucoup compromis, surtout ces derniers temps. Le devenir du MMM est un autre sujet de tristesse. Il n’a pas pu se réinventer, malgré les signaux très forts envoyés par la population à la direction du parti. »

Swalay Kasenally regrette que le système électoral, qui permet de donner une majorité parlementaire forte à un gouvernement ayant recueilli moins de 50 % des voix, tant décrié, soit toujours le même. Au niveau des mentalités, « ça a empiré, mais on ressent que la jeunesse est beaucoup plus ouverte. Il y a une lueur d’espoir. Est-ce que ça va se matérialiser ? C’est le temps qui le dira. Je pense aussi que le MMM pourra ressurgir, car ses idéaux sont encore valables ».

 

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