
Voitures de fonction, allocations, per diem à l’étranger… Alors que le gouvernement du Changement appelle à la rigueur face à une conjoncture économique tendue, les privilèges accordés aux élus passent de moins en moins inaperçus. Dans un contexte où l'on demande des sacrifices aux citoyens, la question de leur révision s’impose avec acuité — et urgence.
Ils prêchent la rigueur mais roulent grand luxe. Tandis que le gouvernement exhorte la population à se serrer la ceinture face à une conjoncture économique tendue, les élus, eux, continuent de jouir d’un train de vie à contretemps : voitures de fonction rutilantes, per diem généreux en mission, allocations en cascade… À l’heure où l’on demande des sacrifices aux citoyens, ces privilèges prennent des allures d’indécence.
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Une dissonance que même les plus fidèles soutiens peinent à justifier — et qui pose une question devenue brûlante : jusqu’à quand ces deux poids, deux mesures ?
« Il faut se demander ce que font réellement les députés de leur argent », lance un député du Parti travailliste (PTr) élu dans une circonscription urbaine. Selon lui, les allocations perçues sont en grande partie redistribuées à la population. « On répond constamment aux sollicitations des mandants, et on le fait de bon cœur. La plupart reversent pratiquement l’intégralité de leurs allocations dans leur circonscription », affirme-t-il.
Pour illustrer son propos, il donne des exemples : « Peut-on décemment offrir Rs 200 en cadeau lors d’un mariage ? Il faut au moins Rs 1 000. Il y a aussi les décès, les maisons incendiées, la rentrée scolaire… Les demandes ne cessent jamais. » Pour cet élu, le véritable débat est ailleurs : « La vraie question, c’est de savoir si un député peut réellement vivre de ses allocations. »
Avec un salaire brut de Rs 129 135, la fiche de paie d’un député mauricien jette une lumière sur les privilèges de la classe politique. Outre les compensations annuelles successives, on y retrouve des allocations généreuses : une somme de Rs 24 000 pour les ‘facilities’, Rs 11 000 pour ‘l’entertainment’ et Rs 6 805 pour ‘duty allowance’. À cela s’ajoutent l’allocation mensuelle de base (Rs 74 350) et d’autres avantages comme l’allocation chauffeur. Une fois les déductions effectuées — cotisations sociales, pension, Pay As You Earn (PAYE) — le député empoche un salaire net de Rs 103 134.
« Il faut être raisonnable »
« Si on réduit le salaire des ministres et députés, qu’est-ce que ça va rapporter au pays ? Même pas Rs 50 millions. Il faut être raisonnable », martèle l’observateur Yvan Martial. Pour lui, le débat doit se déplacer : plutôt que de s’attaquer aux salaires, mieux vaut revoir les excès matériels. « Une voiture à Rs 2 millions, c’est déjà bien. On n’a pas besoin de 4000 cc pour faire 100 kilomètres ».
L’intervenant ironise : « Ce sont des socialistes, pas des bourgeois ». Si la rigueur budgétaire est aujourd’hui brandie comme mot d’ordre, certains anciens aux commandes reconnaissent qu’une forme de confort institutionnalisé persiste au sommet de l’État.
Sélection des missions
Une ex-PPS du gouvernement sortant l’admet sans détour : les parlementaires ne touchent pas à proprement parler de salaires, mais d’allocations (‘allowances’) cumulées, souvent généreuses. À cela, fait-on comprendre, s’ajoutent des voitures de fonction, du carburant pris en charge, voire des prêts avantageux pour acquérir des véhicules hors taxe. Pour les PPS, deux policiers accompagnent le statut. L’ex-PPS est d’avis qu’il « faut apprendre à être sélectif en ce qui est des missions à l’étranger ». Certaines invitations, dit-elle, relèvent plus du ‘networking personnel’ que de l’intérêt national.
Quotidien moins fastueux
Un ex-ministre du gouvernement sortant, lui, évoque un quotidien moins fastueux : bureaux non rénovés, rideaux usés, et conférences organisées dans des hôtels « par habitude » alors que des solutions moins coûteuses existent. Il prône davantage de sobriété dans les dépenses ministérielles. Mais sur les salaires, il reste ferme : pas question de réduction. « On donne beaucoup aux œuvres sociales », dit-il. Et si certains veulent renoncer à une partie de leurs revenus, « qu’ils le fassent, surtout s’ils ont un business à côté ».
Commencer par le haut
« Avant de parler d’efforts, il faut regarder les privilèges : pension à vie, avantages pour anciens Présidents et vice-Présidents… C’est aux députés de donner l’exemple », insiste l’observateur. Il interroge : « Qui devient député aujourd’hui ? Avocats, hommes d’affaires, enseignants… des professionnels déjà établis. » Selon lui, la pension parlementaire doit être revue, versée uniquement à partir de 65 ans, comme pour tout autre citoyen. « Une mesure de justice sociale qui, au-delà des économies, marquerait une rupture avec le sentiment d’impunité qui entoure trop souvent les élus de la République », souligne-t-il.
Raviraj Beechok disposé à « sacrifier » son salaire
Le député de la circonscription no. 9 (Flacq/Bon-Accueil), Raviraj Beechok, intervenait dans le courant de la semaine à l’Assemblée nationale lors des débats budgétaires. Lors de son discours, ce dernier a fait ressortir qu’il entend les critiques de la population et que « cela n’engage que moi mais s’il faut sacrifier mon salaire pour souffrir avec ce peuple, je le ferai de gaieté de coeur ».

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