
Le ministre de la Sécurité sociale s’est fourvoyé et n’a d’autre solution que de cautionner ce que le gouvernement impose. Pour Lindsey Collen, de Lalit, Ashok Subron « avale avec délectation de grosses couleuvres », tout en « crachant sur ce qu’il a chéri », parce que « pris dans son propre piège ». Elle parle aussi sur la Basic Retirement Pension.
La réforme de la pension de retraite fait débat. Quelle est votre opinion sur la question ?
Le relèvement de l’âge de la pension de vieillesse de 60 à 65 ans affaiblit clairement l'État-providence. Face à la levée de boucliers, le gouvernement est stupéfait. Le ministre des Finances Navin Ramgoolam propose alors des plans de repli, des « siblaz », qui sont une autre façon de démanteler l'État-providence. Chez Lalit, nous pensons que la pension de vieillesse doit être financée par une augmentation des impôts sur les riches. C'est simple.
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Et pendant que nous nous concentrons sur ce point, nous devons tous être conscients que des forces plus importantes empiètent maintenant sur notre République : Diego Garcia, un territoire dont nous sommes démocratiquement responsables, est utilisé par les États-Unis et leur mandataire, Israël, pour attaquer les pays qui soutiennent les Palestiniens, auxquels les États-Unis et Israël infligent un génocide. Les répercussions, si nous n'obtenons pas la fermeture de la base sur notre territoire, seront existentielles. Nous devons donc garder à l'esprit la situation dans son ensemble lorsque nous parlons de pensions.
Le Grand argentier avance qu’il fallait ‘break the ice’, car nous sommes assis sur une bombe. Serait-ce le cas ?
Pour suivre votre métaphore, s'il « brise la glace » alors qu'il est assis sur une bombe, il tombera dans l'eau glacée, politiquement parlant. La dernière fois qu'un gouvernement – Jugnauth/Bérenger en 2003 - a introduit des conditions de ressources pour les pensions, il est tombé dans l'eau glacée, pour ainsi dire, et a perdu les élections suivantes. Tout simplement parce que la pension de vieillesse a été conquise comme un Droit de l'homme en 1957, après de nombreux soulèvements. C’est dans la mémoire collective. Les gens chérissent ce droit. Et c'est ce qu'ils devraient faire.
Lalit, en tant que parti de gauche, s'oppose à la façon dont la classe capitaliste fait constamment peser le poids de ses propres crises sur le dos de la classe ouvrière. L'enquête d'opinion du groupe Défi Media montre que seule cette petite classe et ses laquais idéologiques (7,8 %) sont favorables à la « réforme » proposée, tandis que les personnes qui travaillent pour gagner leur vie (77,2 %) y sont opposées.
Le GM a décidé de mettre sur pied deux comités pour voir comment atténuer ce report à ceux qui ne vivent que de la pension. Serait-ce une catégorisation, contraire aux lois?
Ces deux commissions ont un mandat étroit : ils tenteront de trouver des moyens d'éliminer la partie universelle des pensions de vieillesse, en introduisant une sorte de condition de ressources. Cela aussi serait le contraire de ce que l'alliance gouvernementale a promis pendant la campagne.
Des employés issus de secteurs exigeants physiquement – maçons, charpentiers, éboueurs, planteurs, agriculteurs, entre autres – arrivent à 60 ans épuisés par des décennies de labeur. Pourtant, ils devront attendre jusqu’à 65 ans pour toucher leur pension de vieillesse. Est-ce vraiment une mesure équitable à leur égard ?
Relever l'âge de la retraite est injuste pour tout le monde. Ceux qui ne travaillent pas pour un salaire, comme les femmes au foyer, ceux à qui les lois du travail accordent la retraite à 45, 50 ans ou à un âge inférieur à celui désormais fixé, ceux qui effectuent des travaux pénibles, ceux qui souffrent de maladies si fréquentes à Maurice chez les personnes de cet âge — diabète, hypertension, asthme, cancer — pour n'en citer que quelques-unes. Quant à ceux qui n'ont pas besoin de la pension de vieillesse parce qu'ils sont riches, ils peuvent facilement être taxés pour que l'État récupère ce paiement, voire être davantage taxés, de sorte qu’ils contribuent à financer la pension d'une ou deux autres personnes.
La BRP est non-contributive. Pourquoi ne pas introduire une participation minime aux futurs bénéficiaires de cette pension ?
Je crois savoir que les cotisations CSG sont toujours payées. Ainsi, la pension de vieillesse bénéficie d'une contribution directe des salariés du secteur privé (à des taux différents en fonction de leurs revenus) et d'une contribution double de la part des patrons. Les versements de la CSG alimentent ensuite le Consolidated Fund de l'État, à partir duquel sont versées les pensions de vieillesse. Plus concrètement, les travailleurs paient déjà la TVA à un taux plus élevé en pourcentage de leurs revenus que celui des capitalistes.
Et oui, il est également possible de réintroduire une pension contributive en plus de la pension de vieillesse. Mais avec l’informalisation croissante du travail, et tous ceux qui sont désormais payés par des micro-entreprises, ce n’est pas facile à organiser pour ceux qui en ont le plus besoin. Les fonctionnaires, les employés des organismes parapublics et les travailleurs des grands secteurs disposent déjà de régimes contributifs privés. N'oubliez pas, cependant, que la raison pour laquelle les pensions de vieillesse publiques ont été popularisées dans le monde entier est la faillite massive des régimes de pension dans les années 1930, lorsque le capitalisme a failli s'effondrer. Des soulèvements massifs, comme ceux de 1937 et 1943 à l'île Maurice, ont conduit à l'octroi de pensions.
Le vieillissement de la population est une réalité depuis deux décennies, et pourtant, aucun gouvernement n’a pris de décisions concrètes pour y remédier. Résultat : nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation où le nombre de contributeurs diminue, en proportion, par rapport aux bénéficiaires de la BRP. Un désastre annoncé ?
La formulation de la question - comme le dit le Premier ministre - est tout à fait erronée. Plus de personnes âgées et moins de jeunes actifs n'est un « désastre » que si le gouvernement n'augmente pas ses recettes. C'est tellement simple, c'est évident. Il suffit de taxer les revenus des riches. Cela vaut la peine de ne pas être ignorant. Dans le passé, taxer les riches était non seulement possible, mais c'était la règle dans le monde entier.
À Maurice, par exemple, la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu était supérieure à 80 %. Et c'était normal. Pour se rendre compte à quel point cette réalité est tenue secrète, il suffit d'essayer de la trouver sur Internet. Peut-être que Navin Ramgoolam ne le sait même pas. Aux États-Unis, la mère de tous les capitalistes, le taux de l'impôt sur le revenu était supérieur à 90 % de 1944 à 1963. Le taux le plus élevé a été de 94 %.
Le vieillissement de la population est une bonne chose. Il est synonyme d'allongement de l'espérance de vie. Cela soulève une autre question. C'est le cœur du problème, mais il n'est jamais abordé. La productivité du travail a augmenté de manière spectaculaire au cours des 50 dernières années et les travailleurs n'ont pas obtenu leur part, même dans le cadre des hypothèses capitalistes.
Un travailleur de la canne aujourd’hui, utilisant les machines achetées par son patron — machines acquises grâce à l’argent tiré du labeur des générations précédentes, exploitées sous l’esclavage, l’engagisme, puis le salariat moderne — peut accomplir le travail que près de 100 ouvriers faisaient il y a 50 ans. Ce qui s’est passé, c’est que les capitalistes ont « volé » la quasi-totalité des gains financiers issus de cette hausse massive de productivité. C’est ainsi que l’écart entre riches et pauvres s’est creusé de manière vertigineuse au cours des dernières décennies. Voilà ce qu’on appelle le « néolibéralisme » : un système où les capitalistes s’approprient l’essentiel des fruits du progrès et de l'efficacité du travail.
Et avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, la productivité du travail va exploser. Mais dans un cadre néolibéral, ce sont encore les patrons qui « voleront » la plus grande part de ces gains.
Même dans le cadre du capitalisme, l'augmentation de la productivité n'est un progrès pour l'humanité que si elle réduit les inégalités. C'est pourquoi le type de politique de Lalit est important. Nous appelons au renversement de cette société capitaliste injuste, inhumaine, inégalitaire et non libre, qui appauvrit toujours les classes laborieuses tout en engraissant les capitalistes et les rentiers.
Le NPS était arrivé à son terme depuis quelques années et a été remplacé par la CSG dont les fonds sont à sec, selon l’ex-ministre des Finances. Mauvaise gestion, largesses avec des allocations ici et là ou a-t-on dilapider l’argent des contribuables ? Ceux fautifs ne devraient-ils pas rendre des comptes et non ‘get away with murder’ ?
La CSG n'a jamais été un « fonds ». Il s'agit d'un malentendu total. Elle n'a jamais eu de fonds, elle ne peut donc pas « s'assécher ». Tous les paiements de la CSG sont versés au Fonds consolidé. La CSG est un « impôt sur les salaires ». Le seul problème est que cet impôt et les autres ne sont pas assez élevés pour payer les pensions qui doivent être versées. Ce malentendu sur le fait que la CSG est censée être un « fonds » est aggravé par le fait que les salariés les plus modestes reçoivent jusqu'à présent, au milieu de chaque mois, un versement appelé « Allocation CSG ». Il s'agit en fait d'un versement du Consolidated Fund, dans lequel sont versées les cotisations CSG. Si quelqu'un dans le dernier gouvernement a agi de manière frauduleuse ou malhonnête, il doit être inculpé pour les lois qu'il a enfreintes.
Ils sont nombreux à avancer que l’exemple devrait venir d’en haut, soit que les diverses allocations aux ministres et députés soient revues à la baisse, de même que la fin des achats de limousines neuves, alors que la flotte de l’ex-régime est encore en bon état…
Les ministres, en particulier, se trouvent dans la position absurde de considérer leurs revenus et leurs biens comme dérisoires parce qu'ils se comparent aux quelque 25 000 capitalistes sur lesquels ils règnent et qui gagnent 10 ou 100 fois plus qu'eux. Alors que le reste d'entre nous considère que les ministres gagnent des salaires énormes et qu'ils bénéficient de voitures hors-taxes alors même que les droits de douane sur les voitures augmentent. Nous ne devons pas perdre de vue que ce sont les capitalistes qui ont besoin d'une limitation de leurs revenus.
Est-il normal que d’anciens Présidents de la République et leurs ex-adjoints bénéficient d’une grasse pension à vie, avec voiture de fonction et chauffeur, gardes du corps, voyages en classe affaires — voire en première classe —, tout en touchant également leur Basic Retirement Pension ?
Bien sûr, les ex-Présidents de la République et leurs adjoints doivent continuer à percevoir leur pension de vieillesse. C’est un droit. Cependant, leurs revenus sont peut-être trop élevés, et là, c’est un autre débat. L’inégalité des revenus doit être examinée de manière globale, en tenant compte non seulement des revenus des détenteurs des moyens de production et de distribution, mais aussi de ceux des rentiers de la finance et des données.
Sans faire de la démagogie, les chiffres sont effrayants : rien que pour 2024, le gouvernement a dû débourser pas moins de Rs 60 milliards pour la BRP et ce chiffre est appelé à enfler. Où trouver cette somme ?
Il faut se méfier de la confusion des chiffres. Les dépenses ne se comprennent qu'en fonction des recettes. À court terme, comme je l'ai dit, il faut augmenter les impôts. Soyez courageux et attaquez-vous aux riches ! Il n'est pas « courageux » de prendre l'argent des plus vulnérables en supprimant les retraites ou en les conditionnant à la soumission à l'État. À moyen et long termes, une autre mesure courageuse s'impose. Le gouvernement doit obliger tous les investisseurs à créer de nouvelles formes de production. Par exemple, le gouvernement doit obliger les propriétaires de domaines sucriers, par la loi, s'ils ne coopèrent pas, à consacrer un pourcentage, disons 30 %, de leurs terres à la sécurité alimentaire, et à utiliser toutes leurs infrastructures existantes autour des moulins et des anciens moulins pour des « usines de transformation », et à employer des milliers de nouveaux travailleurs. La production peut être suffisante pour exporter des denrées alimentaires. Une économie saine résout le problème.
Le ministre des Finances a donné la perception d’avoir joué au Robin des Bois en taxant les riches, les banques, le secteur de l’immobilier, les voitures électriques et hybrides… Ne serait-ce que du leurre tout en jouant avec le feu de voir une évasion des investissements étrangers de chez nous ?
Il est puéril de pleurer la perte des 80 % d'IDE consacrés à l'achat de villas. Nous devrions plutôt nous en réjouir. L'investissement n'est pas créatif, mais destructeur. L'investissement doit être encouragé s'il crée de la production et des emplois. Quant à Robin des Bois, il est le plus populaire de tous les héros populaires, et avec raison.
La plupart des pays au monde misent beaucoup sur leurs représentants diplomatiques sans qu’il ne soit obligatoire de la présence de ministres à certaines conférences et autres rencontres multilatérales, afin de ne pas gaspiller l’argent des contribuables en termes de voyages et de per diem. Toutefois, on constate qu’en une poignée de mois, pas moins d’une quarantaine de voyages « officiels » ont été effectués par ce gouvernement. Explications ?
Bien sûr, cela dépend de ce que chaque voyage apporte. Ils devraient tous voyager dans la même classe que le reste d'entre nous. À long terme, le monde n'aura qu'une seule classe de transport aérien. Toute autre solution est une insulte à l'humanité.
Venons-en à la position du ministre Ashok Subron. À une question de notre collègue Patrick Hilbert sur Radio Plus, il a affirmé qu’il n’a pas été consulté au préalable concernant la réforme de la BRP. Puis, lors de la Private Notice Question de mardi dernier, il dit le contraire et les syndicalistes ont mal pris sa prise de position sur la BRP. Quid de Lalit ?
Ce genre de double langage vient du fait que l'on pense que l'on peut être ministre de ce gouvernement tout en étant du côté de la classe ouvrière. L'ensemble de la population aurait dû être consulté lors de la campagne électorale. L'Alliance du Changement PTr/MMM-ReA/ND aurait dû faire campagne sur son intention de démanteler l'État-providence.
Au lieu de débattre de ce qu'ils ont fait, ils ont promis d'autres « dépenses » : transport gratuit et médicaments prescrits dans le privé, pendant que tout le monde écoutait les cassettes de « Missier Moustass » publiées anonymement en ligne.
Ashok Subron a été un membre actif de Lalit, puis un négociateur pour la GWF. Aujourd’hui qu’il est ministre, quel est votre sentiment personnel à son égard, et celui de votre mouvement politique ?
Lorsqu’Ashok Subron a quitté Lalit il y a plus de 20 ans, il est parti sur une trajectoire qui l'a mené directement là où il se trouve aujourd'hui, dans une alliance avec le Labour, le MMM et un peu de PMSD. Il n'avait pas d'autre politique en vue. Ashok Subron est un politicien électoraliste. Il n'a pas l'intention de changer la classe au pouvoir ou la nature de l'État. Il veut seulement se présenter aux élections et ensuite, à son tour, diriger l'État bourgeois existant. Mais il s'est mis lui-même dans l'impasse. Sa politique était entièrement basée sur le refus de déclarer sa communauté alors qu'il n'avait pas assez de poids politique pour changer le système communal du meilleur perdant.
Ashok Subron était coincé. Il ne pouvait pas se présenter aux élections. Il a « avalé » la pilule amère, conclu une alliance et vaguement promis que ce serait la dernière fois qu'il déclarerait sa communauté. Il se retrouve aujourd'hui ministre imposant le démantèlement de l'État-providence, ce qui signifie qu'il ne peut évidemment être considéré comme « de gauche » par personne.
La CTSP du tandem Reaz Chuttoo/Jane Ragoo a fait un appel de mobilisation de toutes les fédérations syndicales de se réunir au Champs de Mars aujourd’hui (21 juin). Est-ce que Lalit y sera présent ?
Oui, le mouvement syndical s'est unifié sur le programme combiné d'opposition au relèvement de l'âge de la retraite et à la mise sous condition de ressources. Lalit aura des membres présents à la manifestation des syndicats pour la simple raison que nous sommes d'accord avec les revendications et que nous respectons la cohérence du mouvement syndical sur ces deux questions.
Joe Lesjongard, Alan Ganoo et Steven Obeegadoo, des membres de l’ancien GM, ont confirmé leur présence à la manifestation apolitique alors qu’ils ne sont pas invités. Le font-ils pour se redorer le blason et tenter d’avoir une plateforme pour se remettre en selle politiquement ?
Il est certain qu'ils doivent « redorer le blason », mais il ne suffira pas de se présenter à un événement.

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