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Webinar à l’Université de Maurice : Rs 1 à 1,5 Md versées aux partis politiques en 35 ans

De g. à d.: le Dr Roukaya Kasenally, Nita Deerpalsing et le Dr Sadda Reddi.
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Une somme comprise entre Rs 1 et 1,5 milliard a été versée aux politiques durant les 35 années passées, selon les informations recueillies par la Westminister Foundation for Democracy au terme d’une enquête. Selon le Dr Rookaya Kasenally et Ramola Ramtohul, membres de cette ONG, cette somme est constituée essentiellement de dons versés par des entreprises privées.

L’expression « l’argent, nerf de la guerre électorale » n’a jamais été aussi pertinente, lorsqu’un tel chiffre vient rendre compte des dépenses occasionnées durant les campagnes électorales à Maurice. Lors d’un webinar organisé par la Westminister Foundation for Democracy à l’Université de Maurice, le jeudi 29 octobre 2020, toute la puissance de feu de l’argent durant les campagnes électorales a été mise en question, avec l’apport des panélistes de la Gambie, du Sénégal, du Nigeria et de l’Afrique-du-Sud, mais aussi des témoignages mauriciens de Nita Deerpalsing, d’Amédée Darga et du Dr Sada Reddi, tous ayant pris part à des scrutins législatifs généraux.

Est-ce que l’argent a-t-il toujours  été un facteur déterminant durant les élections générales ? Oui, si l’on tient compte du nombre de ‘bases’, du coût des repas offerts aux partisans, des affiches et fanions, mais aussi des ‘bribes’ destinés à acheter les ‘consciences’. « Une véritable prostitution à laquelle se prêtent certains électeurs », assène Amédée Darga, ex-ministre. Les bribes, selon l’ex-députée travailliste Nita Deerpalsing, prennent aussi des formes déguisées, lorsque le gouvernement sortant utilise la MBC et des fonctionnaires, durant une campagne électorale générale, pour organiser des activités destinées aux seniors et aux femmes. « C’est, en fait, une occasion de passer des messages politiques », indique-t-elle.

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Sheila Bunwaree.

Candidat du MMM aux législatives de 1975, le Dr Sada Reddi se souvient encore d’avoir pris l’autobus pour se rendre à Mahébourg, où il se présentait. « Le MMM avait fait appel à moi parce qu’il n’avait pas assez de candidats. J’étais un jeune diplômé et célibataire, cela tombait bien, raconte-t-il. J’ai démissionné pour poser ma candidature. Il arrivait que, le soir venu, je dorme chez des habitants de Mahébourg durant ces élections. Je n’avais que Rs 5 000 sur mon compte bancaire. Tout ce que je voulais, c’était d’aider mon parti. »

Aux jeunes et femmes qui veulent entrer en politique, Amédée Darga fait valoir qu’il s’agit « d’une longue route », qui passe d’abord par l’adoubement du leader du parti auquel ils veulent adhérer, et aussi de correspondre au profil de la circonscription où ils seront investis. Dans un contexte caractérisé par la similitude entre les projets de gouvernement des partis dominants, il existe aujourd’hui une « transaction » où intervient le facteur de relation entre le candidat et la circonscription, fait valoir Amédée Darga.

En 2005, année où elle obtient sa première investiture du Parti travailliste, Nita Deerpalsing avoue qu’elle a pu s’appuyer sur deux ‘senior ministers’ qui étaient sûrs d’être réélus. « J’ai découvert l’existence des bases et de l’argent, cela m’a stressée. J’ai cru que j’allais tomber malade. Sur le terrain, j’ai découvert les réalités de l’île Maurice », raconte-t-elle avec recul. Mais, aux législatives de 2010, poursuit-elle, cela a été plus dur, puisqu’il lui a fallu prendre les rênes à Belle-Rose/Quatre-Bornes. « En 2014, en alliance avec le MMM, on n’avait pas beaucoup d’argent. On croyait qu’on allait gagner, mais on a perdu », poursuit-elle.

Le facteur ethnique, l’argent, les femmes

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Le Dr Rama Sithanen.

Le facteur ethnique, l’argent, le vote ‘masculin’ sont-ils des déterminants dans le choix de l’électorat ? Pas pour l’ex-ministre des Finances, le Dr Rama Sithanen, qui fait valoir qu’une femme, en l’occurrence, Leela Devi Dookhun-Luchoomun, s’est fait élire en tête de liste à St-Pierre/Quartier-Militaire, devant son leader Pravind Jugnauth. Ce à quoi Davina Sornum, candidate PTr-PMSD en 2019, à Stanley/Rose-Hill, a tenu à s’inscrire en faux, affirmant – sans la nommer- que la ministre de l’Éducation s’est fait élire en tête de liste grâce à sa double appartenance (NdlR : castéiste). Aux yeux de Davina Sornum, les problématiques ethnique et castéiste restent entiers, mais sont toujours tabous, sans oublier, dit-elle, la dichotomie minorité-majorité.

Décortiquant le rapport des partis à l’argent, le Dr Rama Sithanen indique qu’en 1982, le gouvernement sortant a perdu les élections législatives, en dépit de ses dépenses faramineuses durant la campagne électorale, et de 1991 à 2000, les partis au pouvoir ont également mordu la poussière aux législatives générales.

Sheila Bunwaree, membre du politburo du MMM et de l’ONG People Voices Network, évoque la nature plus complexe de la place de la femme en politique en faisant prévaloir son cas personnel durant les législatives de 2019. « J’étais candidate du MMM dans une région rurale, et des électeurs m’ont dit que si j’avais choisi le MSM ou le PTr, plutôt que le MMM, j’aurais été sûre d’être élue. C’était là une problématique liée à la communauté du leader du MMM », raconte-t-elle, avant de confier qu’elle a été témoin de la toute-puissance de l’argent lorsque les ‘bases’ du MMM avaient changé de couleur en une nuit.

 

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