- L’album « Attentat », son nouveau combat
Ludovic Louis, 32 ans, alias Bilygane, est l’artiste derrière la chanson « Ki zot Problem », le titre choc qui a fait vibrer Maurice en 2024. Après avoir bousculé la scène locale, le chanteur, auteur et producteur se concentre sur la sortie de son premier album, « Attentat », prévu en début d’année prochaine. Rencontre avec une figure majeure dont la musique est façonnée par ses racines, sa foi et son combat contre les inégalités.
L’année dernière, la chanson « Ki zot Problem » a fait un véritable tabac à Maurice, résonnant comme un électrochoc dans la sphère politique et sociale. Sorti à la veille des élections générales de 2024, le titre a été un acte de courage et d’une franchise désarmante pour l’artiste. « Cette chanson vient du cœur. Je l’ai lancée juste avant les élections de 2024, mais j’avais aussi très peur. J’appréhendais les conséquences si l’ancien gouvernement avait repris le pouvoir », confie aujourd’hui Bilygane avec un sourire.
Selon ce père de famille, « Ki zot Problem » est une plaidoirie, un « cri de révolte » dénonçant un système oppressif et les inégalités structurelles. « Quand j’ai écrit la chanson, l’idée était de montrer au grand public comment le système fonctionnait, mettant en lumière la réalité vécue par les « zanfan geto » et la perception stigmatisante dont ils sont victimes depuis des lustres, une perception que l’artiste attribue aux pratiques des anciens gouvernements. Il fallait dénoncer ces réalités avec des paroles assez crues pour marquer les esprits », confie l’artiste.
Ludovic Louis n’a pas honte de dire qu’il vient d’une cité. Bien au contraire, il revendique fièrement ses racines et déconstruit les préjugés. Pour lui, être « enn zanfan site » est une question de mauricianisme et d’unité. « Nous pouvons avoir du tempérament, mais nous ne sommes pas indifférents. L’esprit même d’une cité, c’est aussi le mauricianisme. Il y a toutes les religions dans nos quartiers, que ce soient des musulmans, des hindous, des chinois, etc. À chaque fête, je reçois des gâteaux de mes voisins. Alors, certains nous mettent des étiquettes à tort et à travers », explique-t-il, déplorant que les enfants nés dans ces quartiers soient trop souvent étiquetés et jugés d’emblée.
Bilygane est réaliste quant aux problèmes sociaux existants, notamment celui de la drogue. Cependant, il insiste sur la nécessité d’une approche non stigmatisante, axée sur l’encadrement et la prévention. « Je sais qu’il y a un problème de drogue dans les cités, mais ceci aurait pu être évité s’il y avait une structure qui les accueillait et les accompagnait. Il est crucial de ne pas regarder de haut les personnes qui sortent des cités. Par exemple, leur offrir du travail, c’est important. Il faut changer la mentalité des gens avant, leur apprendre la discipline et arrêter de les stigmatiser », clame l’artiste, qui travaille dur pour être un contre-exemple.
Il rappelle que même s’il est producteur de musique pour d’autres artistes et pour les entreprises, toutes les conditions étaient réunies pour qu’il sombre dans la mauvaise voie.
Dieu : sa force et son inspiration
En effet, si Bilygane n’a pas sombré dans la mauvaise voie, c’est grâce à deux piliers essentiels : sa foi inébranlable et le soutien d’un ami. Dieu est la « force et l’inspiration » de l’artiste, une conviction qu’il partage avec son ami et collaborateur Murvin Clélie du groupe « The Prophecy ». Les deux artistes viennent d’ailleurs de sortir une chanson intitulée « La force la prière », qui témoigne de leur spiritualité commune.
« Murvin est aussi très spirituel. Dans la chanson, comme dans la vie, nous faisons de Dieu notre priorité. Ce que je demande au bon Dieu, il me le donne. Je n’ai pas peur parce que je sais qu’il est là. Murvin et moi sommes amis depuis 10 ans. Il n’y avait pas de meilleur artiste que lui pour chanter cette chanson », raconte Bilygane.
Un parcours semé d’épreuves
Ludovic Louis confie qu’il a perdu sa mère à l’âge de 15 ans, un événement qui a profondément marqué sa jeunesse. « Ma maman est partie quand j’avais 15 ans. Elle était mon tout, elle m’a eu très jeune. Cela a été un moment très difficile. Après son remariage, j’ai eu deux petites sœurs qui sont aussi mes trésors. Mais quand elle est partie, j’ai commencé à chanter. Monn nway mwa dan la gitar. »
La musique est devenue son refuge et son exutoire. Pourtant, le danger rôdait. Bilygane rend un hommage vibrant à celui qui l’a sauvé de la dérive : son ami Kevin Madré. « Toutes les conditions étaient réunies pour que je sombre dans le mauvais chemin, mais grâce à un ami, Kevin Madré, je n’ai pas flanché. Il m’a beaucoup soutenu. Il m’a appris le droit chemin, la discipline. Enn sans monn konn li ».
Autodidacte, il a commencé sa carrière en écrivant sa première chanson pour sa mère. Par la suite, grâce à des amis, il a intégré le groupe Wavy Jammers et a commencé à chanter dans des anniversaires. Il sort son premier titre solo, « Sugar Daddy », il y a trois ans, mais c’est bien « Ki zot Problem » qui l’a définitivement propulsé sur le devant de la scène.
Le premier album : Attentat
Aujourd’hui, Bilygane, père de deux enfants, souhaite se concentrer pleinement sur la sortie imminente de son premier album, baptisé sobrement « Attentat’ » Ce titre à lui seul annonce la couleur : l’album sera un assaut sur la conscience collective.
L’opus comptera 12 morceaux et explorera une variété de styles, allant du zouk au seggae, en passant par l’afrobeat. Bilygane n’hésite pas à passer des messages réalistes sur des thèmes qui lui tiennent à cœur : la drogue, l’amour maternel, mais aussi des chansons à l’intention des politiciens, avec une critique des pratiques comme le « donn briani » le 1er-Mai.
L’album inclut également des collaborations de poids : des featurings avec les talents locaux Sayaa et Ras Natty Baby, ainsi qu’une collaboration en anglais avec un artiste jamaïcain. Parmi les 12 titres, deux seront entièrement en anglais, témoignant de l’ambition internationale du projet. Une chanson, « Maman impériale », sera un hommage poignant à sa mère, celle pour qui il a écrit sa toute première chanson.
En s’apprêtant à lancer « Attentat », Bilygane affirme sa position : celle d’un artiste sans filtre, porteur d’une double responsabilité, celle de divertir et celle de dénoncer, prouvant ainsi que l’on peut être issu de la cité, avoir affronté l’adversité et transformer la douleur en une œuvre puissante et inspirante. Son message est clair : « la discipline, la foi et l’honnêteté sont les clés pour briser les étiquettes. »
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