Le gouvernement américain pourrait se passer de l'aide que lui refuse Apple pour décrypter l'iPhone d'un des auteurs de l'attentat de San Bernardino, après avoir annoncé lundi être sur la piste d'une méthode potentielle.
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Washington a obtenu lundi la levée d'une audience clé qui devait avoir lieu mardi au tribunal de Riverside en Californie (sud-ouest des Etats-Unis), non loin des lieux de l'attentat le plus meurtrier aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001: il a fait 14 morts et 22 blessés. Les enquêteurs vont tester "la viabilité" de la méthode qui leur a été "suggérée par un tiers", et fourniront à la juge Sheri Pym un rapport d'évaluation d'ici le 5 avril. Washington et Apple avaient engagé depuis des semaines un bras de fer juridique et hautement médiatique cristallisant tout le débat sur l'équilibre entre sécurité nationale et protection de la vie privée. L'audience de mardi aurait eu lieu sous la loupe de très nombreux médias et en présence de manifestations de soutien à Apple. Les enquêteurs américains, soutenus par des familles de victimes, réclament de pouvoir accéder à des données potentiellement cruciales pour déterminer comment a été organisé l'attentat du 2 décembre, mené par Syed Farook et sa femme Tashfeen Malik, et notamment s'ils ont bénéficié d'aide extérieure. Apple, de son côté, soutient que décrypter le téléphone de Farook ouvrirait une boîte de Pandore et permettrait de justifier que les autorités demandent l'accès aux données personnelles de nombreux citoyens pour de multiples raisons, menaçant leur droit à la vie privée. La firme à la pomme a reçu l'appui d'experts en sécurité, de militants pour le droit à la vie privée et d'autres géants technologiques. Pendant sa joute avec le géant technologique, le gouvernement a "poursuivi ses efforts pour accéder à l'iPhone sans l'aide d'Apple", d'après un communiqué de presse du ministère de la Justice américain, ce qui a abouti dimanche à la "présentation de la part de tierces parties d'une méthode possible pour débloquer le téléphone". Pour l'expert en technologies Robert Enderle, interrogé par l'AFP, il pourrait s'agir de John McAfee, créateur de l'anti-virus éponyme, ou d'un ex-employé d'Apple. Après la mort du fondateur d'Apple Steve Jobs, "beaucoup d'employés sont partis", précise-t-il, remarquant par ailleurs que le téléphone de Syed Farook, un iPhone 5, "est beaucoup moins sécurisé que les (versions plus récentes) 6 ou 6S". Le gouvernement 'optimiste' La police fédérale veut toutefois tester cette méthode pour s'assurer qu'elle ne "détruit pas les données du téléphone" mais "nous restons raisonnablement optimistes", poursuit le communiqué. Le FBI veut qu'Apple l'aide à écrire un nouveau logiciel, ce que le géant informatique qualifie de "porte arrière" pour contourner les cryptages des données qu'il a installé sur ses smartphones. Les autorités affirment qu'Apple n'est pas au-dessus des lois et qu'elles ne demandent que l'accès au seul téléphone de Farook, qui travaillait pour les services de santé du comté de San Bernardino et a ouvert le feu sur des collègues le 2 décembre. Apple, qui a par ailleurs présenté lundi de nouveaux modèles plus petits et moins chers de son iPhone et de la tablette iPad, avait pour l'instant laissé entendre qu'il ne faiblirait pas dans son refus catégorique de forcer le téléphone de Farook. "Nous devons décider en tant que nation quel pouvoir devrait avoir le gouvernement sur nos données et notre vie privée", a ainsi déclaré le patron d'Apple Tim Cook lundi lors de la présentation des nouveaux produits. "Nous pensons fermement que nous avons l'obligation d'aider à la protection de vos données et votre vie privée", a-t-il ajouté. L'association de défense des droits de l'Homme Amnesty International a elle aussi argumenté contre la levée du cryptage. Le cryptage, comparé à des "enveloppes et des rideaux", est "le prérequis de base de la vie privée et de la liberté d'expression à l'ère numérique" et "les gouvernements qui essaient de saper le cryptage devraient y réfléchir à deux fois avant d'ouvrir cette boîte de Pandore", affirme l'association. "Mettre en danger la confidentialité des données en ligne aurait des conséquences désastreuses sur les sociétés libres, particulièrement pour les militants des droits de l'homme et les journalistes qui mettent nos responsables face à leurs responsabilités", conclut le communiqué d'Amnesty. L'association appelle à l'inverse les gouvernements à "promouvoir et protéger les communications par internet".
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