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Violence à l’égard des vieux : quand vulnérabilité devient faiblesse

La maltraitance des personnes âgées prend, de jour en jour, de l’ampleur. Dans un grand nombre de cas, les bourreaux de ces aînés sont leurs proches. Zoom sur des cas quand la violence déchire et meurtrit le cœur. 

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Serge : «So figir vinn kouma demon»

Serge ne sait plus à quel saint se vouer. Cela fait deux ans qu’il est victime de violence de la part de son fils qui n’a aucun remords à lever la main sur lui. Accro à la bouteille, il devient incontrôlable à chaque fois qu’il consomme de l’alcool. 

Serge, qui est père de quatre enfants, est divorcé et habite un village des Plaines-Wilhems. Il a un fils de 28 ans qui habite la même maison que lui. Si, auparavant, père et fils vivaient en paix et en harmonie, les choses ont changé depuis que le garçon qui multiplie les petits boulots a commencé à boire. 

« Il est un garçon tranquille. Mais quand il consomme de l’alcool, il n’est plus la même personne. So lizie gonfle e so figir vinn kouma demon. A penn si li kapav marse e li azir kouma enn zanimo. Il n’hésite pas à me frapper », raconte notre interlocuteur qui approche la soixantaine. 

Toutefois, une fois remis de ses soirées arrosées, en particulier durant les week-ends, le fils fait son mea culpa, promettant à Serge qu’il ne va plus sombrer et devenir violent. 

Gardant espoir que son fils va un jour changer, il ne l’a jamais dénoncé à la police pour violence, car il ne veut en aucun cas gâcher l’avenir de son fils. « Je ne me sens plus à l’aise dans ma maison. Or, je ne peux pas me passer de mon fils, je l’aime. Je veux tant l’aider à ne plus boire », espère le père. 

Il explique que son fils ivre le frappe avec tout ce qu’il trouve sous la main. En sus de cela, plusieurs panneaux de vitres ont été endommagés ainsi que trois télévisions.

« Même les membres de la famille ne veulent plus me fréquenter. On ne m’invite plus à des fêtes. Ou si on le fait, on me dit de ne pas emmener mon fils. Toutefois, ce n’est qu’avec moi qu’il agit de la sorte. Je suis vraiment triste de voir mon enfant agir ainsi », dit-il. 

Fiona : «Mo ti zanfan inn trangle mwa»

Fiona

Fiona habite une banlieue de la capitale et elle n’aurait jamais cru que son petit-fils qu’elle a élevé comme son propre enfant la frapperait un jour à cause d’un problème d’argent. Elle a porté plainte contre son bourreau qui est âgé de 14 ans. 

À 72 ans, elle a travaillé dur pour grandir ses quatre enfants (trois filles et un fils) après avoir perdu son époux tôt. Elle aspirait à une meilleure vie. Sauf qu’au lieu de vivre paisiblement, sa vie est devenue un véritable calvaire. 

« Une de mes filles a deux fils, un âgé de 17 ans et l’autre de 14 ans. Elle les a abandonnés pour refaire sa vie. Depuis des années je m’occupe d’eux. Avec l’aîné je n’ai pas de problème, car il est très docile. C’est celui qui est âgé de 14 ans qui me fait voir de toutes les couleurs », raconte cette grand-mère qui est à bout. 

Elle estime que le comportement de son petit-fils a changé à cause de ses fréquentations. « Quand j’essaye de le ramener à l’ordre, il n’est pas content. Li zour moi e pa esite pou bat mwa. Li mem kokin mo kass », raconte-t-elle en pleurant. Selon elle, son petit-fils a un comportement vraiment violent. 

Le 31 décembre contrairement à la grande majorité des Mauriciens qui se préparaient à accueillir la nouvelle année, elle s’est rendue au poste de police de sa localité, car son petit-fils l’avait agressée. « Mo ti zanfan inn trangle mwa. Li pa finn ena pitie pou mwa alor ki mo finn grandi li. Ki mo pou dir ou mem so mama deza batt mwa. Plizyer fwa mo ti zanfan koz brit e bat mwa. »

Elle précise que ce n’est pas la première fois que cela arrive. « Plizyer fwa monn al la polis, CDU e lezot plas. Me sak fwa banla zis donn li enn warning. Mo nepli santi mwa a lez dan mo prop lakaz », indique-t-elle.

Brinda : «J’ai peur pour ma vie»

Brinda

Paralysée, Brinda est clouée au lit. De temps en temps, avec l’aide de ses proches, elle se déplace en fauteuil roulant. Vivant avec ses deux fils, elle a été victime de l’un d’eux, car elle a refusé de lui donner de l’argent. 

« Mo garson inn lev mwa ek mo fotey roulan inn pil mwa anba akoz mo pa finn donn li kass, linn donn mwa plizir koutpwin, linn mem zet enn latab lor mwa. » Après cette agression, elle a eu plusieurs blessures et le cœur meurtri. Elle affirme n’avoir plus de sentiment pour son fils. 

Si auparavant son fils était quelqu’un de calme, cela a été la descente aux enfers, quand il a commencé à se droguer. Vivant avec sa pension, elle ne cède pas aux demandes d’argent de son fils. Ce dernier lui menace qu’il va un jour la tuer. Brinda s’est donc tourné vers la police pour dénoncer son bourreau. 

Surya : «J’ai cru que j’allais mourir»

Surya

Âgée de 78 ans, Surya a été la proie de son petit-fils. Ce sont des voisins, alertés par ses cris, qui lui sont venus en aide. Depuis, elle vit dans la crainte et ne se sent plus en sécurité dans sa maison. 
« Mon petit-fils, à cause de ses mauvaises fréquentations, est dépendant de la drogue synthétique. Il prend de l’argent avec des gens. Une fois des personnes sont venues chercher leur argent. Il s’est acharné sur moi, parce que j’ai montré à ces personnes où il habitait », raconte Surya.

Elle habite un village des Plaines-Wilhems et a pendant plusieurs années travaillé comme laboureur. Elle a économisé sou par sou pour construire sa maison. Or, depuis qu’elle a été victime de son petit-fils, âgé d’une vingtaine d’années, elle a peur. 

« Il m’a arraché les cheveux et m’a frappée. J’aurai pu mourir, car il m’a cogné la tête contre un mur. Heureusement que des voisins ont entendu mes cris de détresse. » 

Pour éviter que ce genre d’incident ne se reproduise, Surya a alerté les autorités, dont la police. Et cette affaire est suivie de près.

Mani : «Je pardonne à mon fils»

Mani

À 96 ans, elle a été victime de violence physique de son fils, le 1er janvier. Ce serait parce qu’elle n’aurait pas voulu lui servir de la bière. Cependant, Mani qui habite un village de l’Est dit pardonner à son fils qui est en ce moment derrière les barreaux.

Pouvant à peine marcher et souffrant d’un problème d’ouïe, Mani aime vaquer à ses occupations habituelles comme nettoyer la maison et faire la lessive, entre autres. Ses enfants sont mariés et certains habitent dans la cour où elle réside. Il a un fils célibataire qui lui partage son toit. Ne travaillant pas, c’est lui qui prépare à manger de temps en temps. 

Le fils est de nature calme, mais il a un penchant pour la bouteille. Aussi, il mène la vie dure à sa mère quand elle ne lui donne pas de l’argent. « C’est un bon garçon. C’est quand je refuse de lui donner de l’argent qu’il se met hors de lui. Dans le passé, il m’a déjà frappé. Mes autres enfants avaient alerté la police et il a passé plusieurs semaines en cellule », relate Mani. 

De retour à la maison, au lieu de s’assagir, le fils n’a guère délaissé ses mauvaises habitudes. « Le 1er janvier, il avait bu et était déplaisant avec tous ceux qui passaient sur le chemin. Il m’a demandé de lui donner encore de la bière. J’ai refusé, ce qui l’a contrarié et il m’a giflé. Mes autres enfants ont encore une fois mandé la police. »

Le fils de Mani est toujours en prison. « Je suis triste qu’il ne soit pas là. Je pardonne à mon fils. Je suis sûre qu’il n’y aura pas de troisième fois et qu’il va réellement changer », estime Mani. Elle ne manque pas de préciser que son fils lui manque, car elle est très attachée à lui. « Un enfant reste un enfant pour sa mère même s’il se comporte mal. »

90 cas de maltraitance en moyenne par mois

Une moyenne de 90 cas de maltraitance des personnes âgées sont rapportés par mois indique le ministère de la Sécurité sociale. Deux hotlines sont à la disposition du public pour dénoncer les cas de violence physique ou émotionnelle envers des personnes âgées. Notamment le 272 entre 9 heures à 16 heures et le 191 qui est disponible 24/7.

Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue : «Aucune forme de violence n’est normale, acceptable ou justifiée»

Mélanie Vigier de Latour-Bérenger

La psychosociologue Mélanie Vigier de Latour-Bérenger explique que la violence est de plus en plus signalée, moins acceptée, moins tue, ce qui est un pas positif. « Moins de personnes la tolèrent et cela est très important, car aucune forme de violence n’est normale. Celle-ci est illégale et a des conséquences importantes sur toute personne qui en est victime », indique-t-elle. 

D’ailleurs, la psychosociologue déclare qu’on ne peut pas expliquer la violence de manière simpliste telle que le désir d’une cigarette, entre autres. Une multitude de facteurs en interaction explique le recours au comportement agressif ou violent. 

« On distingue, dans les recherches en psychologie sociale, deux principaux types de facteurs explicatifs de la violence : dispositionnels/individuels et situationnels/sociaux. Selon Baron & Richardson (1994), ils sont susceptibles de favoriser les comportements agressifs », explique Mélanie Vigier de Latour-Bérenger. 

Parmi les facteurs dispositionnels ou individuels mis en évidence : le sexe de l’auteur(e) et de la victime ; leur âge ; un handicap éventuel ; certains types de personnalités ; certains états émotionnels (fatigue, difficultés personnelles et souffrances vécues, traumas, etc.) ou excitation ; l’irritabilité ; l’anxiété ; la perception de la menace et la peur des sanctions sociales ; le sentiment de culpabilité ; l’auto désapprobation du comportement, type de réaction au stress ; le manque d’habiletés sociales pour gérer des situations difficiles ; la difficulté ou incapacité de mettre en mots les ressentis. « Ces facteurs individuels trouvent leur expression dans un contexte social particulier », indique-t-elle.

La psychosociologue poursuit que parmi les facteurs situationnels ou sociaux, on trouve la provocation verbale ou physique ; l’influence d’autrui par les observateurs passifs ou l’intervention d’observateurs ; une faible supervision parentale ; l’apprentissage des comportements de violence dès le plus jeune âge dans la famille ou les institutions, le comportement agressif et violent est alors banalisé et normalisé. Le fait d’être exclu, isolé ou rejeté socialement ; les manques d’amour et de soin et d’attachement des premiers instants de la vie, créant des défaillances dans la construction de la personnalité, etc., sont aussi cités dans les recherches.

Mélanie Vigier de Latour-Bérenger met l’accent sur le fait que les facteurs environnementaux qui influencent aussi le recours au comportement agressif se définissent par les conditions d’environnement général, les effets du bruit, de la chaleur et par les effets de densité sociale et physique. 

(NDLR Les noms des intervenants sont fictifs, les lieux où ils vivent ne sont pas mentionnés. Leurs photos ont été floutées pour des raisons de sécurité.)

 

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