
Le projet de centrale électrique flottante, présenté comme une réponse d’urgence à la hausse de la demande énergétique, pourrait être gelé. Trop coûteux, juridiquement flou et écologiquement risqué, le « Powership » est remis en question. Pour Khalil Elahee, directeur de la MARENA, il est temps d’accélérer la transition vers des solutions locales, durables et réalistes.
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Le projet de centrale électrique flottante, ou « powership », censé renforcer temporairement le réseau énergétique mauricien, pourrait être gelé. Présenté en mai 2025 comme une réponse temporaire à la montée de la consommation, ce projet piloté par le Central Electricity Board (CEB) et le ministère de l’Énergie, sous la houlette de Patrick Assirvaden, est aujourd’hui sérieusement remis en cause. En toile de fond : des préoccupations financières, environnementales et juridiques qui s’accumulent.
L’abandon partiel ou total de cette option pourrait bien redéfinir les contours de la stratégie énergétique nationale dans les mois à venir. « Les alternatives ne manquent pas », indique Khalil Elahee, directeur de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA). Il estime que le pays doit « sortir d’une logique d’urgence » et miser sur des solutions locales, renouvelables, réalistes, efficaces et moins risquées.
Il confirme que le projet « Powership » est non seulement coûteux et complexe, mais aussi inadapté au contexte énergétique mauricien. Il plaide pour une approche structurée, centrée sur la gestion de la demande et l’accélération des énergies renouvelables. « Le cœur du problème, ce n’est pas la production. C’est la consommation accrue attendue à partir de septembre 2025, surtout liée à l’utilisation croissante de climatiseurs énergivores. Avec ou sans barge, il faut impérativement mettre en place un plan détaillé pour encadrer la demande secteur par secteur », affirme-t-il.
Projets d’énergies renouvelables
Selon lui, le véritable levier de réponse se trouve dans l’accélération des projets d’énergies renouvelables, aujourd’hui ralentis par des procédures longues et des retards accumulés. « Plusieurs projets sont dans le pipeline depuis des années. Certains n’ont toujours pas démarré. Il est temps de débloquer ces initiatives si nous voulons réellement réduire notre dépendance aux sources fossiles », ajoute-t-il.
Initialement présentée comme une solution temporaire pour injecter jusqu’à 110 mégawatts (MW) au réseau électrique national, la barge électrique, censée être amarrée au port, devait faire face aux pics de consommation, notamment durant l’été austral. Patrick Assirvaden avait défendu ce projet lors d’une conférence de presse début mai, en soulignant son caractère « temporaire et urgent », en attendant que les projets d’énergie renouvelable prennent le relais.
Dans le fond, c’est une combinaison de facteurs qui pousse aujourd’hui le CEB à marquer un temps d’arrêt. La facture globale du projet s’annonce particulièrement lourde : frais portuaires, coûts du carburant et un prix au kilowattheure jugé difficilement soutenable à moyen terme. En parallèle, les autorités sont confrontées à un manque de cadre légal et technique pour encadrer l’utilisation d’une telle infrastructure flottante, notamment en ce qui concerne la gestion des rejets thermiques, les risques de marée noire et la proximité de la réserve marine de Balaclava ou encore des câbles sous-marins au Goulet.
Le Plan B actuellement favorisé par le CEB repose sur le déploiement de générateurs mobiles terrestres, modulaires et temporaires, qui ne fonctionnent qu’aux heures de pointe. Pour Khalil Elahee, cette option est non seulement plus rapide à déployer mais elle offre aussi une meilleure flexibilité. « Ces centrales peuvent être décentralisées, adaptées à la géographie locale et compatibles avec l’intégration de sources d’énergie variable comme le solaire », souligne-t-il.
Utilisation de biomasse liquide
Autre piste qu’il évoque : l’utilisation de biomasse liquide. « Si un accord est trouvé avec La Réunion, nous pourrions disposer d’un approvisionnement durable en biomasse liquide, qui permettrait de réduire notre dépendance aux carburants fossiles », propose-t-il.
Le plan stratégique pour les énergies renouvelables 2025-30 élaboré par la MARENA est finalisé, mais son activation est retardée de deux mois. Raison, selon Khalil Elahee : les consultants ont demandé un délai supplémentaire. Ce qui est une erreur, d’après lui, car nous n’avons plus le luxe d’attendre : « L’urgence est là. C’est maintenant qu’il faut agir. »
Il regrette également l’absence d’un cadre issu du projet Maurice Île Durable (MID) qui aurait pu baliser ce type d’initiative. « Aujourd’hui, nous n’avons pas de structure réglementaire pour garantir que la barge puisse être installée sans risque. Il serait encore possible de commander un ‘Strategic Environmental Assessment’, mais cela repousserait inévitablement le calendrier du projet », précise-t-il.
Pour Khalil Elahee, cette polémique autour de l’épisode de la barge électrique doit avant tout être prise comme un électrochoc. « Que le projet se concrétise ou pas, il nous place devant l’urgence de la transition énergétique. Cette situation doit nous motiver à repenser notre rapport à l’énergie, que ce soit pour des raisons environnementales, économiques ou sociales. C’est le moment de miser sur une vraie sobriété énergétique », conclut-il.

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