Verena Aurelle est non-voyante, mais elle fait de son handicap sa force. Elle a participé aux deux précédentes éditions de Nando’s Royal Life Saving Society Open Water Swim. Cette mère de deux enfants se prépare actuellement pour une course en tandem.
« Je suis une personne positive. Vivre avec un handicap demande deux fois voire trois fois plus d’efforts pour pouvoir fonctionner normalement comme tout le monde »
Verena Aurelle exerce comme thérapeute et compte bientôt encourager d’autres personnes souffrant de cécité ou de déficience visuelle à pratiquer la nouvelle activité Showdown.
Le ronronnement du moteur de notre véhicule rompt la sérénité de la forêt Daruty et annonce notre arrivée. Verena Aurelle se laisse guider par une corde blanche et vient à notre rencontre. Ses pieds nus lui guident vers son centre de thérapie, Le bonheur, c’est ici. Les rayons dorés du soleil illuminent ses cheveux clairs. Ses yeux sont de la même couleur.
« Cela fait un an depuis que Lindsay Pauvaday, de Jet Solution Provider Ltd, nous a offert une table pour pratiquer le Showdown. Il s’agit d’un style de tennis de table, mais le jeu se veut différent. Deux joueurs s’opposent les yeux bandés. Donc, le Showdown est un sport adapté aux non-voyants. Les balles sont sonorisées. Il y a un écran opaque au centre de la table », explique-t-elle.
Une table se trouve à la Global Rainbow Foundation (une organisation fondée par le Pr Armoogum Parsuramen) à Petit-Raffray. Ce dernier donne son soutien à ce projet. Deux autres tables seront bientôt placées au Lois Lagesse Trust Fund, à Beau-Bassin, et à Lizie dan la main, à Curepipe.
Verena Aurelle raconte qu’elle a découvert le Showdown, grâce à une amie non-voyante en Suisse. Elle l’a essayé et a vite pris goût au jeu. « Il fallait l’introduire à Maurice. Les non-voyants se déplacent peu. Donc, nous emmenons le Showdown à eux », indique-t-elle.
Sa maladie n’est toutefois pas un handicap. « Je le vis assez bien. Je suis une personne positive. Vivre avec un handicap demande deux fois, voire trois fois plus d’efforts pour pouvoir fonctionner comme tout le monde. Parfois, c’est épuisant. Mais c’est un défi qui a forgé ma personnalité », dit-elle. La perte de la vue a aussi donné une nouvelle direction à sa vie.
Verena Aurelle pratique la natation, la course en tandem et la musique. Elle exerce comme thérapeute. À travers ses doigts, ses mains et ses coudes, elle ressent les tensions musculaires, les restrictions articulaires ou la différence de température dans les zones enflammées du corps.
« Je ne fais pas de publicité. Les patients viennent me voir sur recommandation. Des fois, ils sont étonnés. Quand ils sont contents, ils vont l’exprimer. Souvent, ils se sentent à l’aise, car le regard n’est pas sur eux. Il y a souvent des échanges enrichissants », confie-t-elle. Elle pratique le drainage lymphatique, la craniosacral therapy et la technique faciale, entre autres. En sus de ce métier, qu’elle pratique depuis trente ans, c’est aussi une sportive dans l’âme.
Perte de la vue
Tout commence dans un petit village sur une montagne en Suisse. Elle y voit le jour. Elle est l’aînée. Au fur et à mesure qu’elle grandit, elle voue une passion au dessin et à la gymnastique artistique. Mais à l’âge de 9 ans, sa vue diminue. « Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. La frustration était là. Je rêvais d’être Graphic Designer. Nous avons rencontré plusieurs médecins. Je souffrais de rétinite pigmentaire. Cette maladie oculaire m’a fait perdre la vue graduellement. Aujourd’hui, je suis non-voyante. »
Un jour alors qu’elle pratique la gymnastique artistique, elle se blesse contre la poutre. Le médecin lui conseille alors de se mettre à la natation pour aller mieux. Verena prend rapidement goût à l’eau. Elle se présente même à de nombreuses compétitions de natation au niveau national. « Je préfère nager en mer, car je me blesse souvent dans les piscines. » Sa maladie oculaire rend sa scolarité difficile.
À 18 ans, elle suit une formation à l’école de massage médical. Quelques années après, elle met le cap sur l’Afrique du Sud pour exercer comme formatrice thérapeute dans un centre de remise en forme. « J’y ai rencontré un couple mauricien. Il m’a invité à venir sur l’île. J’ai continué à exercer en tant que thérapeute », soutient-elle.
Amoureuse
Elle ne tarde pas à faire la connaissance, à travers un ami, de son futur époux, qui est Français. Les deux se marient en 2001. Ils ont deux enfants âgés de 17 et 22 ans. « Mon époux a ignoré mon handicap et il me donne le soutien nécessaire. Son humour, son attitude et sa façon de s’exprimer m’ont fait tomber amoureuse de lui », confie-t-elle. La thérapeute trouve qu’aujourd’hui, la vie l’a dirigée dans la bonne direction. « Le verre est toujours à moitié plein. Nager contre courant est plus dur qu’accepter la réalité », fait-elle comprendre.
Des amis lui font découvrir la Nando’s Royal Life Saving Society Open Water Swim en 2018. « Les organisateurs étaient très serviables. Ils m’ont soutenue et m’ont fait une belle surprise. En sus de mon guide Thomas, j’ai eu l’occasion de bénéficier également du soutien du nageur sud-africain Chad le Clos. Il est généreux et a une attitude positive », raconte-t-elle.
Elle effectue le parcours de 1,6 km en 34 minutes. Elle réalise le même temps le 5 mai 2019, lors d’une nouvelle édition. « Thomas et moi, nous nous entraînons à Cap-Malheureux une fois par semaine. Il m’accompagne dans l’eau et une tape sur la jambe signifie que je dois tourner à gauche, deux tapes signifient que je dois aller à droite. Sinon, je continue à nager tout droit », relate-t-elle.
Elle joue à la guitare avec Hermans Pierre Louis, également non voyant et membre de l’Atelier Mo’Zar. « Il m’enseigne la musique, je lui montre le braille. » Verena Aurelle a aussi dix chiens.
« Je souhaite que le secteur privé offre plus de postes de travail adaptés aux gens en situation de handicap. Il manque des possibilités et il y a beaucoup à faire », regrette-t-elle.
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