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Vente des actions de Britam Kenya : le rapport révèle de nombreuses failles 

Afsar Ebrahim et Yacoob Ramtoola.

Dans le Rapport de la Commission Britam de 352 pages, l’ex-juge Bhushan Domah et ses assesseurs, Sattar Hajee Abdoula et Imrith Ramtohul ont livré leur verdict. Ils estiment qu’il y a une longue série de failles dans le dossier de la vente d’actions par le gouvernement mauricien à Plum LLP, au détriment des Mauriciens.

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La rencontre qui a « changé le cours de l’Histoire de cette vente »

Le 14 novembre 2015, l’homme d’affaires Peter Munga, qui achètera par la suite les actions de Britam Kenya, débarque à Maurice et rencontre Afsar Ebrahim au bureau de BDO, à l’époque partenaire de Yacoob Ramtoola au sein de cette institution. Tous deux se rendent au bureau de Roshi Bhadain, alors ministre des Services financiers, en compagnie de Sandeep Khapre de BDO Kenya. « C’est la rencontre qui changera le cours de l’Histoire pour cette vente qui, au final, chute de Rs 4,3 milliards à Rs 2,4 milliards », indique la Commission d’enquête. Cette dernière ajoute que lors de cette rencontre, il aurait été question du fait que les actionnaires kenyans de Britam Kenya, dont Peter Munga faisait partie, n’étaient pas favorables à des acheteurs étrangers. Lors de leur audition, Roshi Bhadain et Yacoob Ramtoola ont, cependant, affirmé qu’il s’agissait d’une simple visite de courtoisie qui a duré quelques minutes. Ensuite, l’accord sur la somme de Rs 2,4 milliards sera conclu lors de la visite de Gladys Karuri, négociatrice pour les Kenyans, à Maurice du 8 au 12 mars 2016.

L'offre de MMI Holdings jugée « très sérieuse »

Selon la Commission d’enquête, de meilleures offres ont été faites pour les actions de l’ex-Bai dans Britam Kenya. Elles ont été vendues à Plum LLP le 10 juin 2016 à Rs 2,4 milliards alors que l’État aurait éventuellement pu obtenir Rs 1,9 milliard de plus.

Dans un tableau figurant dans son rapport, la Commission indique les différentes offres reçues pour ces actions et leur valeur. Elle fait ressortir qu’en janvier 2017, International Finance Corporation, filiale de la Banque Mondiale, a acheté 10,3 % d’actions dans Britam Kenya à 15,85 shillings l’action alors que six mois plus tôt, Maurice avait vendu 23 % d’actions de la même compagnie à Plum LLP, dont le bénéficiaire ultime est l’homme d’affaires kenyan, Peter Munga, à un prix moindre, soit 14 shillings kenyans. Cette compagnie a été formée et enregistrée le 10 juin 2016, soit le même jour que la vente des actions.

La Commission note que l’offre de MMI Holdings d’Afrique du Sud qui voulait acheter les actions à Rs 4,3 milliards, était très sérieuse et que plusieurs échanges avaient eu lieu en vue d’un accord ferme.

Concernant l’offre de MMI Holdings, la seule conclusion à laquelle on peut arriver est que c’est au détriment des Mauriciens que cette offre ne s’est pas concrétisée », peut-on lire dans le rapport. Elle note aussi que l’offre de la Barclays Bank est restée lettre morte.

Date Offres Prix proposés Prix des actions sur la bourse
11 septembre 2015 Barclays Bank Rs 4,3 Md 12,1 Shillings kenyans
14 octobre 2015 MMI Rs 4,3 Md 14,95 shillings kenyans
18 novembre 2015 Peter Munga Rs 4,3 Md -
11 mars 2016 Peter Munga Rs 2,4 Md 11,75 shillings kenyans
10 juin 2016 Plum LLP Rs 2,4 Md 14 shillings kenyans

 

Une gouvernance « autocratique »

La Commission pose un certain nombre de questions à partir de ce qu’elle a pu établir.  « Si Rs 2,4 milliards était le bon prix, pourquoi est-ce que l’ex-ministre Bhadain se défend d’avoir été impliqué alors qu’il y a des preuves prépondérantes, incluant ses propos en public ? Qui avait intérêt de fausser le procès-verbal de la réunion du 18 novembre où Peter Munga avait donné son accord pour s’aligner au prix de MMI ? Qui en a profité ? Quel était l’intérêt ? Pourquoi ont-ils gardé tout le monde dans le noir, même le conseil des ministres ? Pourquoi la FSC n’a-t-elle pas été informée du prix auquel le protocole d’accord avait été signé lorsqu’il était question d’un premier virement dans le compte séquestre ? Pourquoi ont-ils vendu alors que ce qu’ils devaient le faire, selon la loi et selon une décision du cabinet, qui était de simplement transférer les actions au NPFL ? Pourquoi BDO a-t-elle dû se rendre à Nairobi en mai 2016 ? Qu’est venu faire Peter Munga à Maurice en février 2017, peu après la démission de l’ancien ministre ? Pourquoi n’y a-t-il pas de documents par rapport aux procédures pour une transaction d’une telle ampleur ? »

À toutes ces questions, la Commission Domah indique qu’il y a une réponse : « Une tentative de gouvernance autocratique dans un gouvernement démocratique au nom de la bonne gouvernance ».

Un Attorney General qui ne joue pas son rôle

Selon la section 69 de la Constitution, le Bureau de l’Attorney General est le principal conseiller légal du gouvernement de Maurice. Aussi, il ne faut pas qu’il y ait une perception que cette fonction d’Attorney General soit politique.

« Le Bureau de l’Attorney General est de prime importance constitutionnelle et il faut éliminer la perception qu’il est conseillé par le gouvernement. C’est à lui de conseiller le gouvernement ». Il doit « éviter d’être vulnérable à la pression externe, doit appliquer un scepticisme institutionnel sur des conseils émanant de sources autres que celles dignes de foi et faire ce qu’il faut pour veiller sur l’intérêt de l’État sans compromettre son image d’être apolitique et indépendant ».


Insurance Act : mauvaise application d’une loi amendée

La source du mal se situerait dans l’amendement des sections 110A et 110B de l’Insurance Act par l’Assemblée nationale le 29 avril 2015 avec une majorité de 52 voix. Pour apaiser les quelques 24 690 détenteurs d’une police dans Super Cash Back Gold, le gouvernement avait promis de rembourser une première tranche de 70 % des investissements faits par les détenteurs le 15 mai 2015 et une seconde tranche le 30 juin 2015. Pour financer cela, le gouvernement comptait sur les revenus engendrés par la vente des avoirs de la défunte BAI (Mauritius) Ltd qui avait émis ces polices.

Mais voilà, le souci est que ces biens étaient entre les mains de conservateurs, et comme le veut la loi, leur premier devoir n’est pas de rembourser, mais de sauver le business de l’assurance. Donc, le gouvernement décide de changer la loi pour prendre le contrôle du « conservatorship » en lui permettant de nommer un Special Administrator qui pourrait alors transférer les avoirs de la BAI à une entité approuvée par le ministre des Services financiers. Cette entité sera la NPFL, une compagnie créée le 5 mai 2015, appartenant à 100 % au gouvernement. Honorer les engagements du gouvernement pour les rembourser est sa raison d’exister.

Les conservateurs, Yogesh Rai Basgeet et Mushtaq Oosman laissent alors la place au Special Administrator Yacoob Ramtoola, nommé par la Financial Services Commission. À partir des amendements à la loi, les affaires prennent une tournure plus politique. Pour la Commission, ces amendements étaient mal faits et apportaient plus de confusion qu’autre chose. « Il n’est pas clair si ces amendements ont été approuvés par la State Law Office ». Puis, « la version choisie parmi les différentes versions a été faite par un conseiller politique plutôt que par un fonctionnaire qui serait l’Accounting Officer ». La Commission soutient qu’il n’y avait « aucun accord du conseil des ministres pour introduire le texte de loi au Parlement » et que « le véhicule créé pour effectuer la vente a été obtenu par abus de procédure et au niveau du Cabinet comme au niveau de l’Assemblée nationale ». De plus, la commission estime que la loi, avec ses amendements, a été « mal appliquée ».

BDO Afrique évoque des « inexactitudes » 

« Astounding inaccuracies », omissions flagrantes, légèreté… La réplique de BDO (Kenya) et Sandeep Khapre, le Chief Executive Officer pour les régions d’Afrique de l’Est, n’a pas tardé. Dans un communiqué, BDO Kenya et Sandeep Khapre se disent lésés par la teneur et la forme du rapport. Ils déplorent fortement les commentaires et conclusions préjudiciables qui y sont contenus. « Sandeep Khapre and BDO (Kenya) are taken aback by the loops and whorls in the narrative of the report characterized by astounding inaccuracies and take strong exception to the flowery comments and prejudicial findings contained therein », peut-on lire dans le communiqué. BDO affirme qu’elle saisira rapidement la juridiction compétente pour demander réparation. 

 

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