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Ved Prukash Torul : «L’Afrique nous a appris la fraternité et l’humilité»

Ved Prukash Torul Le couple Torul dans sa maison à Phoenix, construite alors qu’il était encore au Transkei.

Alors que de jeunes couples mauriciens allaient travailler en Europe dans les années 70, Ved Prukash Torul et son épouse Premila optèrent pour la Zambie avec leur enfant, Manisha.

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Le séjour qui s’annonçait plutôt court allait s’étendre sur 27 ans, se terminant en Afrique du Sud.

« L’Afrique du Sud était en pleine croissance, grâce à une économie robuste et les perspectives d’emploi étaient nombreuses. On a alors tenté l’aventure. »

Le couple Torul a été témoin de l’apartheid, de sa fin et de la libération de Nelson Mandela. « C’est grâce à ses qualités de médiateur entre le pouvoir blanc et les partis dirigés par les Noirs que j’ai pu exercer comme médiateur à Maurice », explique le Pr Ved Prukash Torul.

À chaque fois qu’un documentaire sur l’Afrique du Sud ou la Zambie passe à la télévision, la famille Torul est irrémédiablement rattrapée par ses souvenirs africains, où se mêlent des moments de bonheur et quelques souvenirs sombres, par exemple quand Premila Torul s’est vu interdite l’accès à un salon de coiffure réservé aux blancs. « À ce moment, dit-elle, on comprend mieux le mal que peut faire l’apartheid ».

Lorsque le couple quitte Maurice en 1974, pour la Zambie, sa fille Manisha a 6 mois. Ved Prukash Torul, natif de New Grove, a 26 ans et travaille comme Teacher Research Assistant à l’université de Maurice. Son épouse Premila, née Baichoo, une famille notable de Triolet, a 23 ans.

« Nos familles étaient un peu sceptiques concernant ce voyage en Afrique ». Mais qu’à cela ne tienne, le jeune couple s’envole pour la Zambie, qui avait besoin grand besoin d’enseignants. « Une délégation zambienne était venue à Maurice pour recruter des enseignants du tertiaire. Il y a eu de nombreux postulants, mais j’étais le seul candidat à avoir les diplômes requis », précise le Pr Torul.

Résidence universitaire

La famille Torul, fraîchement diplômées dans le Transkei. (à g. : Nandish et Manisha).

À Lusaka, le couple mauricien est hébergé dans la résidence universitaire du National Institute of Public Administration, où le jeune Ved Prukash est enseignant tandis que son épouse s’occupe de la petite Manisha. Durant les premiers mois qui suivirent leur installation, ils vont éprouver une certaine crainte dans un pays totalement différent de Maurice.

« On avait à la fois tort et raison. Il fallait aller vers les Zambiens, car ils attendaient beaucoup de nous. Dès lors que nous avons établi le contact, des deux côtés, la confiance s’est installée et on a découvert des gens d’une extrême gentillesse », racontent-ils.

Grâce à une petite communauté d’expatriés indiens qui habitaient la ville, ils n’ont rencontré aucune difficulté au niveau de l’alimentation.

En Zambie, où le couple a passé huit ans, Premila donne naissance à son  deuxième enfant, Nandish, un garçon. En 1982, ils croisent un Sud-Africain d’origine indienne qui les invite à venir travailler dans la patrie de Nelson Mandela.

« L’Afrique du Sud était en pleine croissance, grâce à une économie robuste et les perspectives d’emploi étaient nombreuses. On a alors tenté l’aventure. On savait que le pays avait une politique raciale qui affectait la communauté noire, mais on voulait y aller pour travailler. »

République du Transkei

Premila Torul, assise au premier rang, entourée de ses élèves.

En Afrique du Sud, le couple s’installe dans la république du Transkei, une enclave indépendante, où Ved Prukash, titulaire d’une licence et d’une maîtrise en droit va enseigner cette matière, tandis que son épouse prend de l’emploi dans une école.

« Le pays est habité principalement par l’ethnie xhosa, à l’université et à l’école, il y avait des enseignants de toutes les communautés. C’est dans le Transkei que nous avons appris à vivre en communauté », explique Ved Prukash.

À l’université du Transkei, il grimpera les échelons jusqu’à finir doyen. Premila en profite pour passer une licence en pédagogie. « C’était assez drôle. Mes deux enfants et moi allions a l’université ensemble. Nandish a étudié la psychologie du travail tandis que Manisha s’était inscrite en comptabilité. »

Une fille en mariage

Leur vie dans le Transkei a surtout été marquée par une authentique fraternité avec les gens de l’ethnie xhosa. « Les relations étaient fondées sur le respect mutuel : les Xhosa nous respectaient parce nous apportions la connaissance à leurs enfants. Et nous les respections à cause de leur humilité, leur accueil, leur gentillesse.

Un jour, pour marquer cette reconnaissance, un homme du village est venu me donner sa fille en mariage. Je comprenais son geste, mais je lui ai dit non poliment en lui indiquant que dans ma culture, une seule épouse me suffisait. Parfois, lorsqu’ils découpaient un bouc, ils nous offraient un gros morceau. Ce sont des signes de gratitude qui ne trompent pas. Je ne suis pas sûr qu’on aurait connu cela à Maurice. »

Nelson Mandela

En 1990, une véritable appréhension s’empare de l’Afrique du Sud, lorsque le gouvernement de Frederik de Klerk met fin à l’apartheid et fait libérer Nelson Mandela. « On craignait que sa libération allait donner lieu à des mouvements de violence de part et d’autre. Or, Nelson Mandela a su gérer la situation, en épargnant à l’Afrique du Sud des émeutes raciales, c’est là que résident ses grandes qualités de médiateur » , fait ressortir Ved Prukash Torul.

De retour à Maurice en 2001 - parce que leur fils y vivait seul -, il prend de l’emploi à la DCDM Business School, puis met sur pied l’American Business School, en collaboration avec l’université de l’Afrique du Sud et celle de Wolverhampton. En 2005, il occupe le poste de Chairman de l’Industrial Relations Commission, avant de présider la Commission for Conciliation and Mediation. Ensuite, il se joindra à l’Aberystwyth Université, où il enseigne le droit.

L’allure toujours joviale et ne jurant par l’humanisme qu’il estime supérieur à toutes les idéologies, le Pr Ved Prukash Torul explique qu’il est toujours resté éloigné de la chose politique. « Ma petite famille, comme moi, n’aimons pas le jeu politique à Maurice. Sans doute parce qu’on a passé l’essentiel de notre vie en Afrique, où nous avons compris le sens de l’honnêteté et de l’humilité ».

 

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