L’accalmie aura été de courte durée. À peine 48 heures. Deux jours seulement entre la poignée de main rassurante de jeudi, le Conseil des ministres jovial de vendredi et le retour sec du doute samedi matin. Le calme affiché au sommet de l’État n’était pas une paix consolidée ; c’était une suspension, un souffle. Samedi, au comité central du MMM, Paul Bérenger l’a rappelé : rien n’est acquis et tout pourrait se jouer d’ici la fin de la semaine.
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Dans les couloirs du pouvoir, la tension est palpable. « Ankor enn semenn pou travay a strik minimum dan nou minister… Nou pou res preokipe ek lavenir lalyans », lâche un ministre mauve, épuisé. Un autre, travailliste cette fois, confie : « Nous sommes suspendus à la décision du leader du MMM. C’est stressant, personne n’ose rien anticiper. »
Ces confidences résument l’atmosphère : un gouvernement crispé, suspendu à une décision qui ne dépend que d’un seul homme. Pour certains, elle dépend de « l’humeur et des caprices » de Paul Bérenger. Pour d’autres, elle dépend de la « réactivité » de Navin Ramgoolam aux engagements pris lors du tête-à-tête de jeudi.
Un vendredi serein, un samedi électrique
Jeudi, pourtant, tout semblait aligné. Navin Ramgoolam et Paul Bérenger sortent de leur tête-à-tête avec un ton « positif ». Vendredi, l’ambiance au Conseil des ministres est décrite comme « cool ». Les sourires circulent, les échanges sont fluides, les regards complices. Beaucoup y voient un nouveau départ, une volonté retrouvée de jouer ensemble la partition gouvernementale. Mais le répit fut brutalement interrompu.
Samedi, face au comité central du MMM, Paul Bérenger change de registre. Fini le langage mesuré. Il ouvre le dossier, pointe les lenteurs, liste les engagements non tenus, déroule un à un les irritants. Puis, il frappe là où personne ne s’attendait : il fixe un nouveau rendez-vous décisif : vendredi 14 novembre. Entre les lignes, un message : la patience est à bout.
Et, selon un ministre mauve, le prochain indicateur va tomber jeudi matin, au moment où Paul Bérenger recevra les Cabinet Papers : « Paul a dit qu’il s’impatiente de les recevoir. Surtout pour voir la teneur des ‘minutes of proceedings’. Comme dit l’anglais, ‘the devil is in the details’. »
Un effet domino immédiat
La secousse a été immédiate. Un Senior Minister du MMM confie que « l’effet domino » s’est déclenché peu après le comité central. Les téléphones ont chauffé. Les dirigeants du PTr ont appelé leurs collègues mauves dans une course inquiète aux explications. Même Navin Ramgoolam aurait contacté un Senior Minister du MMM afin de comprendre, dans le détail, ce qui s’est réellement dit — et surtout ressentir le mood de la réunion. « C’était une onde de choc », souffle un membre de l’alliance.
Et tous, désormais, savent que la semaine qui s’ouvre ne sera pas seulement politique. Elle sera décisive.
Deux rendez-vous sous haute tension
Effectivement, la semaine débute avec deux rendez-vous lourds de sens, programmés ce lundi 10 novembre.
Le premier moment fort, à 15 heures, sera scruté comme une séance de radiographie politique : la réunion des parlementaires du gouvernement. Ce n’est pas l’ordre du jour qui intéresse, mais le body language des deux leaders.
Navin Ramgoolam et Paul Bérenger seront côte à côte, mais le seront-ils ensemble ? Chaque phrase, chaque micro-expression, chaque posture sera examinée comme une preuve de stabilité — ou de fracture. Un regard détourné, un haussement de sourcils, un silence trop long : tout peut devenir indice.
Dans un gouvernement en pleine zone de turbulences, le moindre détail deviendra un indicateur de cohésion ou de rupture imminente.
Le rendez-vous de vérité
Mais le rendez-vous le plus explosif, celui qui pourrait redessiner l’équilibre interne du MMM, se tiendra à 17 heures : la réunion du Bureau politique. Et là, nul ne se fait d’illusion : ce sera la réunion de vérité.
Samedi, devant son comité central, Paul Bérenger a décoché un avertissement clair : il réglera ses comptes avec les dirigeants mauves qui n’ont pas montré de solidarité envers lui.
La vérité, crue, brute, assumée, est la suivante : une majorité des élus mauves ne veut pas que le MMM quitte le gouvernement. Ils voient dans la coalition un espace d’influence, un levier politique, un capital électoral. Quitter, ce serait faire un saut dans le vide. Revenir sur les bancs de l’opposition, ce serait renoncer à la seule chance de peser dans les décisions de l’État.
Un clash est donc inévitable. Un leader qui prône la fermeté et la cohérence idéologique. Face à lui, un groupe d’élus qui analyse la politique comme un exercice de rapport de forces, et non comme un acte de foi.
Un soutien jeune, mais insuffisant
Le soutien de l’aile jeune peut-il suffire à Paul Bérenger ? C’est l’une des questions les plus délicates — et les plus révélatrices — de la crise actuelle. Car avant même la réunion du comité central de samedi, c’est dans le camp des jeunes militants que s’est amorcé un mouvement de solidarité : une motion portée par Joanna Bérenger appelait à soutenir fermement le leader du parti dans sa démarche.
Mais selon nos recoupements, ce soutien n’a rien d’un bloc homogène. La réunion de l’aile jeune, loin d’être consensuelle, a été marquée par de vifs échanges entre deux membres influents — une confrontation verbale qui a souligné que même chez les jeunes militants, le « follow the leader » n’est pas automatique. L’un a plaidé pour une loyauté sans faille, l’autre pour une posture plus lucide face au risque d’éclatement de l’alliance. Les voix se sont opposées, les arguments ont fusé, mais la motion a fini par passer.
Et voici le cœur du problème : l’aile jeune incarne l’idéalisme, l’énergie… Mais ce sont les élus — députés, ministres, Junior Ministers — qui détiennent les leviers de la machine gouvernementale. Et aujourd’hui, la majorité d’entre eux refuse la rupture.
La semaine s’ouvre dans le brouillard : entre patience épuisée et calculs froids, l’alliance tient encore… mais un seul geste peut faire basculer l’équilibre.
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