Orpheline à un très jeune âge, Caroline a vécu pendant des années dans un abri pour enfants en détresse. Elle s’est ensuite retrouvée dans le monde des adultes où elle a vécu la violence domestique. Elle est devenue SDF. Aujourd’hui après plusieurs mois d’encadrement, elle aspire à une meilleure vie et nous parle de ses rêves.
Raconter. Inspirer. Encourager. C’est le but de Caroline J., 24 ans, qui a choisi de témoigner à visage découvert des difficultés qu’elle a connues dans la vie. Elle ne mâche pas ses mots. C’est une jeune fille très intelligente, à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Mais elle refuse de voir que le mauvais côté de la vie.
Elle avait 7 ans lorsqu’elle a perdu sa mère. Elle vient d’une fratrie de quatre enfants et explique qu’elle n’a pas beaucoup de souvenirs de sa mère. Elle était encore très jeune, mais elle se souvient que la première partie de son enfance a été plutôt heureuse à Baie-du-Tombeau. Peu de temps, plus tard, alors qu’elle a 11 ans, c’est au tour de son père d’être emporté par la maladie.
« Il souffrait de diabète et avait été amputé d’une jambe. » Caroline n’oubliera jamais ce moment de sa vie. Car le même jour, elle a été placée avec ses autres frères dans un abri pour enfants en détresse. Seul le dernier de la famille a été recueilli par des proches.
« Les agents de la Child Development Unit (CDU) sont venus me chercher juste après les funérailles de mon père. Je ne comprenais pas trop ce qui m’arrivait. Je me souviens cependant qu’ils étaient très gentils avec moi. Ils me consolaient et me disaient que tout allait bien se passer bien. J’étais perdue. Je n’avais plus de mère, plus de père, plus de famille… »
Une fois au centre, Caroline avance qu’elle a eu beaucoup de mal à s’adapter. « Il y avait beaucoup d’enfants, de bruits et je n’étais pas du tout habituée à vivre ainsi. Je me suis alors renfermée. » Elle tombe malade et elle est régulièrement prise de convulsions et de crises d’épilepsie. Elle a manqué l’école pendant de longs mois. « Après la Standard I (Grade 1), les responsables de l’école avaient demandé à mes parents de ne plus m’emmener à l’école. Car je tombais et ils avaient peur de voir un enfant malade et ne voulaient pas avoir à s’occuper de moi. » Comme elle aime apprendre, elle reprend le chemin de l’école une fois au centre et y restera jusqu’à ses 18 ans.
Elle relate que tout se passait plutôt bien pour elle, mis à part les bagarres. Mais elle avance que certaines lui apportaient beaucoup de tristesse.
« Pour la Noël, nous recevions beaucoup de cadeaux et donc nous n’étions pas tristes, mais la fête des Mères était toujours un moment triste. Je pensais à ma mère, à ce que je ratais de ne pas passer ce moment à ses côtés. »
Elle ajoute cependant que les autres jours, elle gardait le sourire. Car elle avait appris des valeurs et ne voulait pas s’apitoyer sur son sort. « Je ne recevais pas de visite comme les autres enfants du centre. Ceux dont les parents voulaient les voir allaient dans un bureau de la CDU. On n’assistait donc pas à ces moments de retrouvailles ».
À la rue
Cependant à sa sortie du centre, elle fait vite face aux difficultés de la vie. « J’avais été placée chez mes frères, mais je n’ai pas pu m’adapter. Très vite, je me suis amourachée d’un homme en qui j’ai placé toute ma confiance. Je voulais m’éloigner et je l’ai suivie partout. J’ai emménagé chez lui. Il louait une maison avec son cousin. Tout n’était pas du tout rose, mais je n’avais aucun autre endroit où habiter. »
Elle fait l’expérience de la violence domestique. « Il me frappait, mais je l’aimais. C’est quelque chose que je ne peux pas expliquer. » Peu de temps plus tard, elle se retrouve à la rue. « Comme il ne pouvait plus payer le loyer, nous étions donc des sans-abris. Je me souviens très bien de la première fois que j’ai dormi dans la rue. J’avais très peur. Au fil des jours, je me suis habituée. J’étais amoureuse et je lui avais promis de rester avec lui. C’est donc ce que j’ai fait. »
Plus tard, elle squatte une maison abandonnée avec d’autres sans-abris. « Il me battait encore et c’était encore plus dur pour nous dehors. On se faisait voler nos affaires, on devait compter sur les volontaires pour un drap ou un peu de nourriture et quelques vêtements. J’ai finalement écouté les conseils des travailleurs sociaux qui sont venus à ma rencontre et je suis allée dans un centre. Au début, je pensais que je ne pourrais pas y habiter, car j’avais vécu toute mon enfance dans un centre. Et je ne voulais pas y finir mes jours. J’ai beaucoup pensé au sens de la liberté. Cependant, je me suis rendu compte que dans la rue, sous l’emprise d’un homme violent, je n’ai jamais été libre. »
Après plusieurs mois d’accompagnement, c’est donc plus sereinement qu’elle avance qu’elle veut être une épaule pour d’autres femmes qui vivent l’enfer de la rue et de la violence. « Je veux qu’elle sache qu’il y a toujours une porte qui s’ouvre et qu’il faut y croire. Surtout il faut qu’elles aient la volonté de ne pas baisser les bras. »
Un coup de pouce pour Caroline
Comme Caroline souffre d’épilepsie sévère, elle ne peut pas travailler et bénéficie d’une aide de la sécurité sociale. Cependant, elle ne veut pas s’arrêter là. Elle a soif d’apprendre et elle veut se lancer dans l’entrepreneuriat.
« J’ai rencontré plusieurs personnes qui m’ont inspiré et je voudrais suivre cette voie. Aujourd’hui, j’ai la chance de fabriquer des sacs écologiques pour le magasin Kotpiale. Je me sens utile et valorisée et j’aime bien ce que je fais. »
Elle vient aussi de participer à un atelier de bien-être organisé par Dove et The Ripple Project. « J’ai particulièrement aimé la réalisation de bijoux et je voudrais en faire mon métier. Je compte également m’enregistrer aux cours d’entrepreneuriat de We Empower pour atteindre mes objectifs. Je remercie les personnes qui me soutiennent. Et je demande à toutes les entreprises qui ont du travail que je peux faire à domicile de m’appeler sur le 5440 0150. Je veux être une femme indépendante… »
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