
L’émission « Au Cœur de l’Info », animée par Florence Alexandre, a réuni Anand Juddoo, vice-président du Professional Quantity Surveyor Council , François Henri du Regroupement des Artisans de Maurice, et Bushan Ramloll, entrepreneur. Ils ont abordé la crise dans le secteur de la construction, ses coûts croissants et la gestion difficile de la main-d’œuvre étrangère.
Publicité
Anand Juddoo : « Les travailleurs étrangers sont indispensables au secteur du bâtiment »
Pour Anand Juddoo, la question de la main-d’œuvre étrangère est cruciale : « Les travailleurs étrangers restent indispensables au secteur du bâtiment. Leur productivité, leur disponibilité pour les heures supplémentaires et leur implication permettent de respecter les délais serrés imposés par les appels d’offres, sans quoi des pénalités menacent les entreprises. » Néanmoins, il dénonce la complexité et la lenteur des démarches administratives : formulaires à remplir, allers-retours entre le ministère du Travail, le Passport and Immigration Office, et d’autres instances ; un processus qui dure parfois plus de trois mois alors qu’il y a urgence sur les chantiers. Il appelle fermement à la digitalisation et à la simplification des procédures pour accélérer l’arrivée de cette main-d’œuvre.
Il admet que le coût des travailleurs étrangers demeure supérieur à celui des salariés locaux, principalement en raison de frais annexes (logement, déplacements). Cependant, il insiste sur leur productivité et leur acceptation des conditions de travail exigeantes qui permettent de livrer à temps. Il plaide aussi pour une ouverture plus large : si Maurice recrute déjà en Inde, au Sri Lanka, au Bangladesh, à Madagascar ou au Népal, il préconise de cibler des pays offrant des compétences rares, comme des soudeurs professionnels venus des Philippines. Il déplore que la rigidité du système administratif empêche l’accès à ces profils spécialisés.
Enfin, il souligne la flambée continue du prix des matériaux, portée par le fret, l’inflation, le taux de change, la dépréciation de la roupie et le coût du travail. Selon Juddoo, une enveloppe initiale validée peut facilement exploser au fil de l’avancement du projet, rendant la maîtrise du budget très difficile.
Bushan Ramloll, entrepreneur chez RBRB Construction, dresse un bilan contrasté : si son entreprise affiche un carnet de commandes rempli, il note que le contexte global reste morose. À chaque alternance gouvernementale, un ralentissement se produit ; plusieurs projets annoncés par l’État sont gelés ou reportés, en dépit d’un plan d’investissements massifs de Rs 180 milliards dans les infrastructures. L’attente et l’incertitude dominent chez les opérateurs du secteur.
« Donnez la chance aux locaux »
François Henri, porte-parole du Regroupement des Artisans de Maurice, défend vigoureusement la main-d’œuvre locale. Il rejette les préjugés d’oisiveté et vante le professionnalisme des artisans mauriciens — charpentiers, carreleurs, maçons — qui, eux aussi, savent produire de la qualité mais cherchent à préserver leur vie familiale et sociale. Contrairement aux travailleurs étrangers qui expatrièrent la majorité de leurs revenus, les Mauriciens participent directement à l’économie locale par leurs dépenses.Il estime aussi que le recours aux artisans locaux pourrait réduire les coûts : absence de charges d’hébergement, de billet d’avion ou de déplacement, tout en limitant la fuite de devises. Il réclame une véritable valorisation de ces compétences nationales.
Henri revient également sur l’explosion du coût des matériaux, indépendante de la volonté des entrepreneurs : le prix a augmenté d’au moins 50 % depuis la pandémie de Covid-19, affectant la chaîne entière — depuis le fournisseur jusqu’aux familles souhaitant bâtir un logement. À ses yeux, de nombreux particuliers abandonnent ou reportent leurs projets, incapables de suivre la hausse rapide des prix. « On nous confie la structure de la maison, mais on reporte le “finishing” faute de moyens : le couple emménage dans une maison neuve, mais inachevée. »

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !