
Subventions massives, performances inégales, manque de contrôle, abus récurrents : le secteur du transport public par bus est depuis longtemps en déficit de gouvernance. Derrière le Bus Services Bill, le gouvernement tente une reprise en main inédite, à coups de GPS, de caméras embarquées et de billetterie électronique. Plongée dans les rouages d’un texte appelé à bouleverser les habitudes des opérateurs… et des passagers.
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De promesse électorale à réforme législative
Annoncée dans le programme gouvernemental 2025-2029, la réforme du transport public prend désormais corps à travers deux chantiers législatifs et technologiques majeurs : la préparation du Bus Services Bill et l’introduction d’un Fleet Management System (FMS), tous deux supervisés par le ministère du Transport terrestre.
« Une refonte complète de l’industrie des bus sera entreprise », promettait le Gouvernement en début de mandat, avec pour horizon l’instauration d’un transport public gratuit et universel. Cette déclaration d’intention se mue désormais en plan d’action, avec le soutien du Cabinet ministériel qui, le 18 juillet 2025, a avalisé les prochaines étapes de la réforme.
Modernisation, transparence, discipline
Le Bus Services Bill que va présenter le ministre du Transport terrestre, Osman Mahomed vise à offrir un nouveau socle juridique au transport public routier à Maurice. Il redéfinit en profondeur la régulation du secteur sur plusieurs fronts :
• Licensing : rationalisation des procédures de délivrance et de renouvellement des permis d’exploitation ;
• Code de conduite : nouvelle réglementation du comportement des conducteurs, receveurs et passagers, assortie d’un dispositif disciplinaire renforcé ;
• Lutte contre les incivilités : introduction de mesures pour décourager les comportements antisociaux dans les bus ;
• Cadre opérationnel : reconnaissance légale de nouvelles fonctions comme Stand Regulators et Traffic Officers.
L’objectif est clair : replacer la qualité de service, la fiabilité et la sécurité au cœur du système.
Ce que le système changera pour l’État :
• Contrôle rigoureux des subventions : grâce à des données objectives, les Rs 2,4 milliards allouées annuellement à la Free Travel Compensation et à la Diesel Subsidy seront désormais réparties de manière transparente;
• Planification fondée sur les données : les informations collectées nourriront le Transport Master Plan et les politiques de mobilité future ;
• Modernisation accélérée : un mécanisme robuste pour identifier les zones sous-desservies, les non-conformités et les irrégularités d’exploitation.
L’impact attendu sur les opérateurs
Avec 1 991 bus (dont 74 à Rodrigues) et près de 451 000 passagers transportés quotidiennement, la gestion des flux demeure un défi logistique colossal. Le nouveau système offrira aux opérateurs une vue d’ensemble de leurs opérations en temps réel, incluant :
• La localisation précise des véhicules, leur vitesse et leur itinéraire;
• Des rapports sur la consommation de carburant, la ponctualité et la performance des conducteurs ;
• Un outil prédictif pour l’entretien des bus et l’ajustement des horaires selon la demande.
Autre innovation phare : la transition vers une billetterie sans contact, inspirée des systèmes en place à Londres (Oyster), Singapour (EZ-Link) ou Séoul (T-money). Ce système promet de réduire les fuites de recettes, de prévenir les agressions sur les personnels de bord, et d’accélérer l’embarquement.
Le passager au centre
Pour l’usager, ces réformes ne seront pas seulement technocratiques. Elles marqueront un tournant dans l’expérience du transport quotidien :
• PIS (Passenger Information System) : un système intégré fournira des informations en direct sur les horaires, les trajets et les correspondances. Objectif : réduction du temps d’attente, planification facilitée, stress diminué.
• CCTV obligatoire à bord : tous les bus devront être équipés de caméras de surveillance et de systèmes d’enregistrement numérique (DVR). Ces dispositifs, sans diffusion en direct, permettront une meilleure réponse aux incidents de vol, de harcèlement ou de violence.
« Nous passons d’un système réactif à un système proactif. Le transport public devient enfin un service digne du XXIe siècle », résume un cadre du ministère du Transport terrestre.
Des promesses aux actes
Si le Bus Services Bill et le Fleet Management System constituent des piliers ambitieux, leur succès dépendra de plusieurs conditions :
• La capacité de l’État à faire respecter les nouvelles obligations, notamment en matière de GPS, de caméras et de maintenance ;
• L’acceptabilité sociale des nouvelles règles par les opérateurs et les syndicats du secteur ;
• La volonté politique de maintenir une gouvernance transparente et équitable dans la distribution des subventions.
Les consultations entamées entre le ministère, les opérateurs et les parties prenantes seront cruciales pour une implémentation fluide.
En conjuguant réforme législative, innovation technologique et ambition sociale, le gouvernement tente de redessiner le visage du transport public terrestre. Derrière la modernisation du bus mauricien se joue une transformation bien plus vaste : celle d’un État qui veut gouverner par les données, anticiper les besoins, responsabiliser les acteurs et, surtout, rendre justice à l’usager.
L’œil numérique du transport public
Dans un secteur longtemps marqué par une gestion artisanale et opaque, le Fleet Management System entend créer une rupture. Ce système informatique centralisé permettra le suivi en temps réel de chaque bus sur le réseau, grâce à l’installation obligatoire de dispositifs GPS reliés à un centre de contrôle au niveau de la National Land Transport Authority (NLTA).

La billetterie sans contact
• Basé sur les modèles d’EZ-Link (Singapour), Oyster (Londres), T-Money (Séoul)
• Permet de supprimer la manipulation d’argent à bord
• Réduit le temps de montée et améliore la ponctualité
• Limite les fraudes et les agressions visant les receveurs
• Facilite la compensation Free Travel en temps réel
Une révolution pour les voyageurs
Grâce au Passenger Information System (PIS), les usagers pourront :
• Suivre les horaires et retards en direct via applis mobiles ou écrans en stations
• Connaître le temps d’arrivée du prochain bus à l’arrêt
• Optimiser les correspondances avec d’autres lignes
• Envoyer des commentaires sur la qualité du service
Caméras à bord : sécurité renforcée
Tous les bus devront être équipés de CCTV avec enregistrements numériques (DVR). Les images ne seront pas diffusées en direct, mais stockées pour consultation ultérieure en cas d’incident.
Objectifs :
Lutter contre les agressions, vols, harcèlements
Protéger les conducteurs et passagers
Faciliter les enquêtes en cas de litige

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